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A quoi jouent les Américains au Maghreb ?

dimanche 6 juin 2004, par Hassiba

A quoi jouent les Américains au Maghreb ? La Maison-Blanche a annoncé, jeudi, que les Etats-Unis ont conféré le statut d’« allié majeur non Otan » au royaume du Maroc.

Ce statut, pour rappel, a déjà été conféré à des pays comme l’Argentine, l’Australie, la Corée du Sud, l’Egypte, l’Israël, la Jordanie ou le Koweït. Des pays qui pèsent sur l’échiquier de la sécurité internationale essentiellement par leur alliance avec les Etats-Unis.
Cette promotion du Maroc intervient au moment où les informations les plus insistantes font état de la volonté de l’Algérie de renouveler son armement.

La décision américaine est motivée, selon le communiqué de la Maison-Blanche, « en reconnaissance des liens étroits entre le Maroc et les Etats-Unis ». Les Américains, lit-on, apprécient « le soutien sans faille du Maroc dans la lutte contre le terrorisme et le rôle du roi (Mohammed VI) comme dirigeant visionnaire au sein du monde arabe ».
Le communiqué est plutôt laconique et ne renseigne pas plus sur les motivations profondes qui ont poussé les Américains à faire du Maroc un allié au même rang que le Koweït et que s’il venait à être menacé militairement, verrait l’intervention américaine se pointer.
Pourtant le satisfecit américain lié à la coopération dans la lutte contre le terrorisme avait également concerné l’Algérie, il y a à peine un mois.

Selon un article publié par la revue américaine World Tribune, du 14 avril dernier, l’Algérie attendait une livraison d’armes américaines alors que jusque-là les diplomates américains juraient leurs grands dieux que les Etats-Unis ne vendraient pas d’armes à l’Algérie, mais seulement des instruments de vision de nuit, des pièces de rechanges pour les Hercules C-130, des stations radars ou des véhicules tout-terrains.Des armes américaines
pour l’Algérie !Quelles armes seraient acquises par l’Algérie ? Probablement des hélicoptères Apache AH-64 et des missiles Hellfire pour la lutte antiguérilla.

Mais si de nouvelles armes avec de nouvelles capacités tactiques seraient acquises chez les Américains, destinées à la lutte antiterroriste, généralement l’Algérie continue à s’approvisionner en armement russe. Effectivement, il ne s’agit pas seulement de s’équiper mais aussi d’entretenir et de maîtriser le matériel. De fait, l’explication du choix du Sukhoy 24 Fencer ou du Mig 29 s’explique. Ce qui s’explique moins notamment chez les Américains, c’est le fait de voir l’Algérie revenir de manière aussi insistante sur le devant de l’actualité par ses acquisitions d’armes et ses budgets relativement élevés, si bien qu’ on n’hésite plus à l’affubler de qualificatifs étranges du genre puissance militaire régionale et de parc aérien militaire important (troisième parc de Sukhoy dans le monde, dit-on). Si cela peut flatter l’ego national, il reste que la situation rappelle, sous certains angles, ce qui se disait de l’Irak en pleine guerre du Golfe, en 1991. Avant d’abattre le géant en papier, on a bien parler de la troisième armée du monde.

Par ailleurs, il faut savoir que durant les dix ans de lutte antiterroriste, l’Algérie était sous embargo concernant ses approvisionnements en armes. Ce n’est plus un secret, les militaires engagés dans l’action racontent que les anciens camions Magirus Deutz, datant de la fin des années 1970, roulaient péniblement et les blindés (BMP et BTR) étaient pour la plupart transportés par porte-char sur les lieux des combats ou pour sécuriser les détachements militaires.

La fin de l’embargo aura donc été marquée par le retour au réarmement, disons massif. Selon un rapport, publié en février par la société Forecast International spécialisée en prospective de marketing militaire et de défense, une course à l’équipement militaire s’est enclenchée entre l’Algérie et le Maroc, même si les moyens mis sur la table ne sont pas comparables. Selon le document en question, l’Algérie va débourser plus de 2,3 milliards de dollars annuellement, à l’horizon 2007, pour ses achats d’équipements militaires, alors que le Maroc aura à dépenser que 1,4 milliard de dollars d’ici à 2007.

Le Sahara encore et toujours

Une situation qui inquiète les voisins marocains qui par presse interposée faisant état de cette peur de ces Algériens surarmés et laisse-t-on entendre belliqueux. Pourtant, il faut bien voir qu’au-delà du Maroc, l’Algérie doit assurer l’intégrité d’un territoire cinq fois plus grand que le Maroc. De plus, sa position centrale au milieu de six Etat fait qu’elle doit multiplier au moins par six les risques qu’elle encoure de voir surgir à ses frontières un conflit armé même si au plan diplomatique tout est fait pour qu’on n’en arrive pas aux armes. Aucun stratège n’est prêt à parier sur un futur conflit armé entre l’Algérie et le Maroc. Il est vrai, par contre, que la question du Sahara occidental compromet toute possibilité de relation sereine dans la région d’autant que l’Algérie refuse toujours de se rendre aux arguments marocains qui veulent faire d’elle une partie prenante du de la guerre d’indépendance qui oppose le Front Polisario au royaume du Maroc.

Solution face à ce voisin qui roule un peu trop des mécaniques, offrir ses services (de quels genres ?) aux Américains et être promu cet allié hors Otan dans la région.
Quelle sera la position américaine en cas de retour du Polisario aux opération militaires contre le Maroc ? S’agit-il, à ce moment là, d’une agression contre laquelle les Américains pourraient agir ? La donne du Sahara occidental est complètement chamboulée et, dans le même temps, les relations entre l’Algérie et le Maroc ne peuvent que connaître des tensions supplémentaires sauf si les Marocains usent de toute leur diplomatie pour rallier les Algériens à leurs arguments et que cette qualité d’allié n’a qu’un usage dissuasif. Dans ce contexte, on peut se demander effectivement si la visite du ministre marocain des Affaires étrangères en fin de semaine dernière à Alger n’avait pas pour but d’éclaircir la situation ou d’annoncer le contexte de la décision américaine intervenue jeudi.

Dans le même temps, l’Algérie, partie prenante du dialogue méditerranéen avec l’Otan, essaye aussi de se trouver une place dans ce qui est appelé le renouveau de l’influence américaine en Méditerranée, né, comme on le sait, après les attentats du 11 septembre 2001.

Par Amine Esseghir, La Nouvelle République