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Annan sauvera-t-il le soldat Bush II et son allié Allaoui ?

jeudi 6 janvier 2005, par Hassiba

Bush II entame la nouvelle année avec une arête au fond de la gorge. En moins d’une semaine, Zarkaoui et ses sbires ont mis l’Irak à feu et à sang où l’on compte déjà plus d’une centaine de morts.

Les groupes anti-coalition sont-ils à ce point en train de faire capoter les élections générales du 30 janvier ? L’administration américaine est dans un embarras total et ce ne sont pas les 5 000 nouvelles recrues dépêchées à Mossoul qui changeront grand-chose.

A s’en tenir aux estimations d’un chef du renseignement irakien, les forces anti-américaines tourneraient autour de 200 000 combattants et sympathisants. Le patron du Pentagone aurait ainsi tout faux, ses appréciations minimalistes perdraient en sens. A quatre semaines du rendez-vous électoral post-Saddam -l’électorat en Afghanistan avait reçu moins de menaces-, le processus de stabilisation est des plus vacillants. Après s’être rendu compte de la quasi-impossibilité de faire voter les populations du « triangle sunnite » plus tard, le tandem Bush-Allaoui fait face à ce choix délicat : reporter les élections ou les maintenir à la date prévue. Pour le premier, le report signifie perdre du terrain dans sa guerre contre le terrorisme international dont le commandement en chef a choisi l’Irak comme terre de prédilection. Le second raterait l’occasion rêvée de réussir la démocratisation et priverait la majorité chiite de prendre en main le destin du pays. Mais la capitulation de l’imam Sadr et l’appel de l’ayatollah Sistani aux populations du Sud irakien à se rendre aux urnes n’exaucent qu’à moitié les vœux du duo irako-américain. Les réclamations des autorités de Téhéran quant à la tenue du scrutin d’après le calendrier initial -l’ONU avait estimé que le tour est jouable- n’y changeront presque rien. Leurs rivaux sunnites plaident le report de six mois des élections, prétextant un climat sécuritaire délétère. Pourtant, selon la presse new-yorkaise, l’administration américaine était prête à leur accorder des postes clés s’ils venaient à retirer leur appel au boycottage. L’offre restera lettre morte.

Après le forcing des formations politiques du pôle sunnite, c’est au tour de certains membres du gouvernement intérimaire d’évoquer la possibilité du report. Voire son exigence. Le premier à avoir réclamé ouvertement la reculade, le ministre de la Défense irakien. Le risque de marginalisation du pouvoir sunnite dans les futures institutions, argumentera-t-il. Jamais deux sans trois, le président irakien en personne, Ghazi Al Yaouar, rompt le silence au moment où Bush avait son allié Allaoui au bout du fil. Le sunnite Al Yaouar prie l’ONU de prendre ses responsabilités et de dire si les conditions sont réunies pour le bon déroulement du scrutin. Les instances de Annan refusent de reprendre le bébé et l’eau du bain avec.

A la commission électorale irakienne d’en décider, soutient-on du côté du siège new-yorkais. Les Nations unies retiraient son personnel aux premières violences post-guerre. L’Irak n’est certainement pas l’Afghanistan où la société internationale était encore unanime à sécuriser la présidentielle. Bush est en train de payer sa marche unilatérale sur Baghdad. Et à lui de trouver la parade qui sauvera les boys de la déroute dans le pays sunnite, c’est là que nationalistes et radicaux islamistes décidaient de faire front commun contre les forces coalisées. Il n’est pas question de céder à une « bande de terroristes », s’entête à répéter Bush. Surtout depuis que Ben Laden est revenu à la charge, mettant l’épée de Damoclès sur ces électeurs qui cautionneront le jeu des « croisés ». Ce n’est donc sûrement pas à quatre semaines de l’élection que W. Bush va fléchir. Un report signera « sa » première défaite et par ricochet, une « trahison » pour ceux qui l’ont reconduit à la White House pour son statut de « chef de guerre ». Sale réveillon pour le leader des républicains qui se retrouve sur le fil du rasoir. La poignée de semaines restante lui suffira-t-elle à sauver les élections générales du désastre ? Son administration se lance dans ce qui s’apparente à un dernier contre-la-montre afin de limiter les dégâts. Le week-end dernier, elle a dépêché un émissaire de haut rang auprès des autorités syriennes qu’elle soupçonne indirectement d’être derrière l’insurrection dans le pays sunnite irakien.

Si les Etats-Unis ont plus ou moins réussi à garder à distance Téhéran par le biais de l’accord irano-européen sur le nucléaire, c’est loin d’être le cas à propos du régime d’Al Assad fils. La « diplomatie préventive » envers ce pays n’ayant pas débouché sur des résultats peu attendus, croit savoir le New York Times, les USA envisagent de nouvelles sanctions contre la Syrie. Mais des analyses laissent penser que W. Bush n’ira pas jusque-là. Il ne s’agirait donc que d’une manœuvre tacticienne pour inviter le pouvoir de Damas à empêcher les Irakiens vivant sur le sol syrien de soutenir la révolte en pays sunnite irakien. L’application de la résolution franco-américaine au sujet du retrait des forces syriennes du Liban toujours fictive, Washington étudie une interdiction des échanges américains avec la Banque commerciale de Syrie. Au moment, où des ministres du gouvernement d’Al Assad s’alarment de la baisse drastique de la production pétrolière dans un pays où le taux de croissance économique est quasiment nul. Face aux exigences américaines, Damas trouve réponse à tout : Washington ne lui aurait pas fourni assez de preuves sur ces Irakiens qui prêteraient main-forte à la coalition anti-US. Une partie des renseignements n’est même pas crédible, explique un porte-parole de la chancellerie syrienne à Washington. Pour autant, les Américains vont-ils durcir leur politique envers la Syrie comme ils l’avaient fait après que ce pays eut refusé de claquer ses portes devant les factions palestiniennes installées sur son territoire ? Tandis que la réunion régionale sur la sécurité en Irak qu’avait abritée la capitale iranienne a été un fiasco, le duo Bush-Allaoui espère que celle de Amman va enfin aider à la stabilisation. Mais à présent que des voix officielles s’élèvent en faveur de l’ajournement de l’élection du 30 janvier, les choses se corsent un peu plus pour la sacro-sainte alliance entre Bush II et le chiite Allaoui. Et les quelque 350 millions de dollars d’aide que promettent les Etats-Unis aux pays ravagés par les tsunamis en Asie du Sud risquent de ne pas redorer le blason des premiers dans le monde musulman. Pour celui-ci, la présence des forces étrangères en Irak ne peut avoir d’autres significations, si ce n’est l’occupation que l’unilatéraliste Bush trouve encore du mal à légitimer. Généreuse ou non, l’Amérique actuelle des républicains n’est pas pour dégeler ce glacier qui s’était dressé entre elle et le monde arabo-musulman. Voire avec l’axe euro-arabe qui perdait la bataille diplomatique à l’ONU..., en attendant la guerre en cours promise par la minorité sunnite. Les radicaux parmi elle se rangeront-ils le temps d’un vote ?

Hier, le Premier ministre irakien a relevé un peu plus la sauce, appelant le régime baathiste de Syrie à lui livrer des chefs influents de l’ex-pouvoir de Saddam. Les combattants nationalistes ne représenteraient que 15% des troupes anti-coalition US. Admettons que cela se fasse -avec l’aide des modérés sunnites-, restera toujours au gouvernement intérimaire irakien l’autre inconnue de l’équation sécuritaire à résoudre : traquer l’insaisissable Al Zarkaoui et venir à bout du djihadisme internationaliste. En Afghanistan, où pourtant Ben Laden court toujours, l’OTAN a ajouté le succès de l’élection de Karzaï à son palmarès. En Irak, l’aventuriste Bush risque d’y laisser des plumes. L’invitation du président Al Yaouar de remettre la décision du report de l’élection à l’ONU -signe d’un retour américain au multilatéralisme- paraît tardive cette fois-ci. Sauf si Kofi Annan, le secrétaire général contesté par les siens, décide d’enfiler le costume de porte-parole de ceux qui cachent mal leur souhait de voir le scrutin repoussé à une date ultérieure. L’insistance d’Allaoui pour le maintenir devrait primer.

 Un autre carnage à ciel ouvert au sud de Baghdad Au moins neuf personnes ont été tuées et 38 autres blessées hier dans une attaque suicide près de l’académie de police de la ville de Hilla, à 100 km au sud de Baghdad, a annoncé le chef de la police locale. « Nous avons neuf tués et 38 blessés dans l’attaque survenue près de l’entrée de l’académie, proche du siège du club sportif de Hilla », a déclaré le chef de la police de la ville, le général Qaïs Abboud. Le général Abboud, joint par téléphone à partir de Baghdad, a indiqué que des policiers et des civils figuraient parmi les tués et les blessés, sans donner de décompte précis.

Par Anis Djaad, latribune-online.com