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Assassinat de cheikh Yassine : Al Qaïda s’en mêle

mercredi 24 mars 2004, par Hassiba

Une lettre diffusée lundi soir sur un site internet islamiste (Islammemo) et signée par les Brigades d’Abou Hafs Al Masri, un groupe lié au réseau Al Qaïda d’Oussama Ben Laden, promet de se venger des Etats-Unis et de leurs alliés pour l’assassinat de cheikh Yassine, promu post-mortem, « ennemi stratégique d’Israël ».

« Nous disons aux Palestiniens que le sang de cheikh Yassine n’aura pas été versé en vain et nous invitons toutes les légions des Brigades Abou Hafs Al Masri à le venger en attaquant le tyran de notre époque, l’Amérique et ses alliés », dit la déclaration de la Brigade Abou Hafs Al Masri. « Nous disons aux combattants en Palestine, et notamment au Hamas et au Djihad, que votre véritable ennemi est le tyran de notre époque, l’Amérique, parce que cheikh Yassine a été tué avec l’argent, les armes et le soutien politique et médiatique des Etats-Unis. Unissons-nous pour frapper ce serpent judéo-croisé, cet ennemi despotique ().

On peut trouver des juifs aux quatre coins du monde, et ce sont eux qui soutiennent les juifs de l’entité sioniste en Palestine, par l’argent et les médias », conclut le communiqué qui appelle, en outre, les Palestiniens à se détourner du Président Yasser Arafat, accusé de vouloir « vendre la Palestine ».

Les Brigades des martyrs d’Al Aqsa, groupe armé issu du Fatah de Yasser Arafat, affirment que « des milliers » d’Israéliens dont Ariel Sharon et Mofaz, son ministre de la Défense, payeront le prix pour cet assassinat en Israël et en dehors de l’Etat hébreu. Israël prend au sérieux ces menaces. « Nous ferons le maximum pour faire face à une possible vague d’attentats terroristes dans les prochaines semaines », annonce Mofaz qui a bouclé totalement les territoires palestiniens « pour empêcher l’infiltration d’activistes en Israël » et décidé le renforcement de la protection autour des ambassades et des institutions israéliennes dans le monde.

Israël informe tous les dirigeants radicaux palestiniens qu’ils sont dans sa ligne de mire. « Quiconque est impliqué dans la bande de Ghaza, en Cisjordanie ou ailleurs dans la direction d’une organisation terroriste doit savoir depuis lundi qu’il n’y a pas d’immunité et qu’il est dans notre ligne de mire », explique le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Tsahi Hanegbi, précisant que « sa » liste comprend aussi les « politiques » des mouvements palestiniens qui accordent régulièrement des entretiens aux télévisions arabes ou étrangères. Moshe Yaalon, le patron de l’armée israélienne, laisse entendre que le dirigeant palestinien Yasser Arafat et le chef spirituel du Hezbollah chiite libanais Hassan Nasrallah pourraient être éliminés.

Explication israélienne : « Nous sommes passés de la défensive à l’offensive », affirme le ministre de la Sécurité intérieure qui préconise l’élimination d’un seul coup les dirigeants du Hamas.

Les observateurs se demandent pourquoi Sharon a choisi ce moment pour « lever l’obstacle » cheikh Yassine tout en sachant que son geste ne manquera pas de provoquer un conflit avec les Palestiniens sans aucune règle, d’enterrer définitivement un processus de paix déjà « malade » et de multiplier les adeptes du leader de Hamas et les candidats au « martyre » ? La concentration de la Maison-Blanche sur l’élection présidentielle ne saurait être une réponse suffisante à la décision de l’Etat hébreu avec l’appui américain de faire de cheikh Yassine un symbole de la oumma.

Les 22 dirigeants du monde arabe, qui se réuniront les 29 et 30 mars à Tunis, sont déjà placés « devant un choix historique quant à l’adoption d’une position unifiée face à l’arrogance israélienne ». Leurs islamistes les somment d’ouvrir les portes du djihad. Le Proche-Orient entrera-t-il dans un « chaos » qu’il n’a jamais connu auparavant ? Les experts estiment que l’assassinat du leader de Hamas, que 60 % d’Israéliens soutiennent, selon un sondage publié par le Yédiot Aharonot, pourrait se traduire par une vague de nouvelles recrues au sein du mouvement islamiste et par
un élargissement de son action à d’autres pays. Une « crainte » que partagent 81 % des Israéliens, selon le même sondage. En attendant, la rue arabe continue de crier sa colère, de lancer des appels à la vengeance et de décrocher des critiques acerbes aux Etats-Unis qui se sont abstenus de condamner la liquidation de cheikh Yassine.

Pour la deuxième journée consécutive, des manifestants en Egypte se sont prononcés contre la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël. A Tripoli, des milliers de Libyens ont dénoncé le silence des régimes arabes et appelé ceux qui ont établi des liens avec l’Etat hébreu à les rompre.

Sharon aurait-il donné avec son acte un second souffle
aux islamistes et à Ben Laden dans le monde arabe et musulmans ?

Djamel Boukrine, Le Matin