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Batailles pour le pouvoir en Irak

samedi 19 mars 2005, par nassim

Rien ne marche comme prévu en Irak quand bien même cela aurait été envisagé. Mais c’était prêcher avec naïveté ou encore une totale ignorance de la réalité politique en Irak, où ce qu’on appelait l’opposition n’avait ce statut ou assumait cette vocation que par rapport à l’ancien régime et rien d’autre.

C’est ce qui a été réaffirmé et dans la douleur dans le sommet de cette nébuleuse à Londres en décembre 2002, quatre mois avant l’invasion de l’Irak. Cela s’est vu aussi dans la négociation de l’ancien cabinet provisoire, et cette fois-ci dans le tout nouveau Parlement qui engagera le pays dans une période bien plus longue.

C’est, en effet, lui qui élaborera la future Constitution et par conséquent fixera les règles politiques qui s’imposeront à l’ensemble des Irakiens, ou, plus précisément, l’ensemble des communautés composant la population de ce pays. A cet égard, l’inauguration mercredi du nouveau Parlement n’a pu cacher les blocages qui empêchent la mise sur pied du nouvel Exécutif. Les Kurdes, deuxième groupe dans la nouvelle Assemblée nationale transitoire, insistent sur leurs revendications dans un Irak fédéral, invoquant les nombreuses injustices subies sous Saddam Hussein. En raflant 77 des 275 sièges de l’Assemblée nationale, les Kurdes sont devenus une force incontournable dans le paysage politique irakien. Leur histoire a été marquée par de nombreuses exactions comme la campagne d’Anfal lancée en 1988 par l’ancien régime déchu de Saddam Hussein, consistant à raser des villages entiers ou en le gazage, la même année, de milliers de Kurdes à Halabja. C’est d’ailleurs en souvenir de Halabja que la première réunion de l’Assemblée nationale élue s’est tenue le 16 mars, date du 17e anniversaire du gazage. Sous l’ancien régime, des dizaines de milliers de Kurdes ont été spoliés de leurs terres et expulsés de la ville pétrolifère de Kirkouk et de villages des provinces de Ninive, Diyala et Salaheddine, dans le Nord.

Avant le renversement de Saddam Hussein en avril 2003, les Kurdes ont cependant joui de douze années d’autonomie grâce à la zone d’exclusion aérienne imposée par les Alliés de la guerre du Golfe en 1991 dans le Nord. L’Alliance kurde, composée de l’Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani (UPK) et du Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani (PDK), sait qu’elle est en position de force pour négocier avec la liste chiite, l’Alliance unifiée irakienne (AUI), qui dispose d’une courte majorité de 146 sièges.

« Pas de stabilité sans consensus »

La Loi fondamentale, la Constitution provisoire, prévoit en effet l’élection par les deux tiers des députés d’un Conseil présidentiel de trois membres qui choisit à l’unanimité le Premier ministre. Début mars, M. Barzani résumait les revendications kurdes : « Il faut que la Loi fondamentale soit la base de la Constitution permanente, qu’une solution soit trouvée à Kirkouk sur la base de l’article 58 de la première loi, que les forces des peshmergas (milices kurdes) soient maintenues, que les richesses (pétrolières) soient réparties de manière équitable et que soit retenu le principe du fédéralisme. » Les responsables de l’AUI ont estimé que le règlement de la question de Kirkouk relevait de la compétence de l’Assemblée, sans se prononcer explicitement sur les peshmergas et le partage des ressources. Dimanche, les dirigeants kurdes ont exigé la révision du projet d’accord mis au point avec les chiites pour la formation d’un gouvernement et l’implication de l’ensemble des forces politiques dans les négociations. Lundi, Jalal Talabani, choisi par l’Alliance kurde comme candidat à la présidence, reconnaissait « des désaccords sur l’avenir des peshmergas et sur des articles de la Loi fondamentale, notamment ceux traitant de Kirkouk ». Selon une responsable de l’AUI, Samira Al Moussaoui, « certaines parties tentent de réaliser certains objectifs parce qu’elles craignent de ne pouvoir les atteindre à l’avenir.

Parmi les questions sur lesquelles elles insistent, figurent les déplacés kurdes et le statut des peshmergas dans l’armée irakienne ». « Les Kurdes font chanter les chiites parce qu’ils savent que s’ils ne s’entendent pas sur tout, les chiites, seuls, ne peuvent pas atteindre leurs objectifs », a commenté le sunnite Abdelhamid Sobhi, chef du Mouvement des nationalistes arabes. « L’Irak ne jouira de la stabilité que s’il est bâti sur un consensus entre toutes les composantes de son peuple », a déclaré M. Talabani lors de la première réunion de l’Assemblée nationale, alors que les deux parties n’étaient toujours pas parvenues à surmonter leurs divergences.

Par T. Hocine, elwatan.com