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Canal + : démission de Gilles Kaehlin

mercredi 4 mai 2005, par nassim

L’espion présumé Gilles Kaehlin, patron de la sécurité de Canal +, démissionne « pour se défendre ».

Une première tête est

Bruno Gaccio aurait été surveillé par Gilles Kaehlin.

tombée hier soir dans la rocambolesque affaire des salariés espionnés de Canal + : celle de Gilles Kaehlin. Le responsable de la sécurité du groupe Canal +, accusé d’avoir fait écouter et surveiller Bruno Gaccio ainsi que d’autres salariés de la chaîne, a démissionné. Dans un communiqué de deux phrases, Canal + a annoncé que Gilles Kaehlin « vient de faire connaître son souhait de démissionner de ses fonctions afin de pouvoir répondre librement et pleinement aux attaques dont il est l’objet ».

Plaintes. C’est la conclusion d’une journée agitée qui a vu Bruno Gaccio, auteur des Guignols, porter plainte contre X pour « atteinte à la vie privée et à la confidentialité de la correspondance » tandis qu’un ancien salarié, Michel Rocher, faisait de même « pour atteinte à la vie privée et à l’intimité, violation de domicile et détournement ou interception de correspondances et de conversations ». Hier matin, Bertrand Méheut, PDG de Canal + qui n’était pas en poste au moment des faits, a reçu Gilles Kaehlin. Sa proposition : démission. L’idée : permettre à Kaehlin de sauver la face en expliquant qu’il part pour mieux se défendre. Et une façon pour Canal + de montrer sa désapprobation face aux méthodes supposées de Kaehlin, sans pour autant le virer avec pertes et fracas. Commentaire d’un proche du dossier : « L’affaire prenait des proportions énormes, ça devenait malsain en interne. » Reste à savoir dans quelles conditions, notamment financières, s’est négociée cette démission.

Le point de départ ? La parution, il y a une semaine, du livre Un agent sort de l’ombre, écrit par Pierre Martinet, ancien agent de la DGSE et ex-employé à la sécurité de Canal +. Il y raconte comment il a, sur l’ordre de Gilles Kaehlin et de son adjoint Gilbert Borelli, enquêté six mois durant sur Bruno Gaccio, jugé trop remuant : filatures, planques, photos volées, appels téléphoniques et e-mails épluchés.

Depuis la publication du livre, d’autres noms de salariés sur lesquels Martinet avoue avoir « travaillé » sont apparus : Alex Berger, ancien bras droit de Pierre Lescure (viré en 2000), Bruno Thibaudeau, patron de Multithématiques (Libération du 2 mai 2005) et aussi Michel Rocher, ancien directeur technique de Studio Canal Image. Licencié en 2003 pour « faute lourde », Michel Rocher a toujours eu le soupçon d’avoir été l’objet d’une surveillance de la part de Gilles Kaehlin. Martinet lui a avoué avoir été celui qui le filait. Lundi, Gilles Kaehlin a tout démenti en bloc et attaqué l’auteur du livre en justice. Son adjoint, Gilbert Borelli, a fait de même.

Pourtant, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur a confirmé à ses supérieurs des informations parues dans le livre : il a bien remis à Pierre Martinet, sur instruction de Gilbert Borelli, la « fadette » de Bruno Gaccio. La « fadette » ­ pour facture détaillée ­ recensait, en 66 pages, tous les appels reçus et émis sur son portable entre mai et juillet 2002. Pratique totalement illégale qui a déclenché, en fin de semaine dernière, une enquête administrative de l’IGPN ­ la police des polices.

De source policière, on indique que « les déclarations du fonctionnaire confirment son implication personnelle et individuelle dans l’affaire ». Les suites possibles ? De la simple sanction contre le fonctionnaire de police au déclenchement d’une enquête judiciaire de plus grande ampleur. En attendant, l’IGPN a déjà trouvé un surnom à ce dossier : « l’affaire de la petite fadette ». A laquelle vient s’ajouter une seconde « fadette », révélée hier par le Point : en novembre 2002, la brigade des stupéfiants de Paris aurait mis le portable de Gaccio sous surveillance... avant de laisser tomber parce que, écrit l’hebdo ­ sans mentionner Kaehlin ­ « les accusations portées de façon anonyme contre Gaccio étaient un tuyau percé ».

Poursuites. Les différentes plaintes vont être examinées. Pierre Martinet, lui, a adressé une lettre au procureur de la République de Paris, indiquant que son livre contient des informations de nature à donner lieu à des poursuites judiciaires. Dans lesquelles il pourrait d’ailleurs, en tant qu’exécutant de ces oeuvres de basse police, être inquiété...

Gilles Kaehlin quittant Canal +, l’affaire ne s’arrête pas là. Joint par Libération, Bruno Gaccio déclare : « La démission de Gilles Kaehlin ne change rien à ma plainte. Pierre Martinet dit avoir agi sur ordre de Gilles Kaehlin et de Gilbert Borelli. Est-ce qu’ils ont agi sur ordre ? Est-ce que c’est un système établi ? C’est à la justice de le déterminer. La démission de Gilles Kaehlin est une première marche. »

Par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS, liberation.fr