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Docteur Ibrahim Tchouma : “Abderazak El Para est encore entre nos mains”

lundi 5 juillet 2004, par Hassiba

Le Docteur Ibrahim Tchouma, chargé des Affaires extérieures du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT), organisation qui détient le groupe terroriste commandé par Amari Saïfi, dit Abderazak El Para, le numéro deux du GSPC, revient dans cet entretien sur les derniers développements de cette affaire.

Il accuse le régime de Kadhafi d’être derrière la campagne de désinformation qui vise son mouvement, suite au transfert de deux terroristes via une médiation libyenne. Abderazak El Para demeure toujours entre les mains de la rébellion tchadienne qui reste, selon le Dr Ibrahim Tchouma, ouverte à toute proposition de transfert vers « un des pays ayant lancé un mandat d’arrêt international à son encontre » à condition qu’il se déroule dans une totale transparence. Et loin des « complots » de la Jamahiria.

Le Soir : Certaines informations font état de l’installation d’une base d’entraînement du GSPC dans le Tibesti, une région du nord du Tchad sous contrôle du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT), organisation dont vous êtes l’un des représentants officiels. Ces mêmes informations rapportent que cette base est sous le commandement du terroriste algérien Abderazak El Para.
Dr Ibrahim Tchouma C’est faux. C’est un complot grossier et ignoble des Libyens qui a pour seul but de laisser croire que notre mouvement collabore avec ce groupe terroriste. Ils veulent jeter le discrédit sur le MDJT. Il serait plus plausible de dire que c’est la Libye qui désire réactiver les bases terroristes qui étaient sur son territoire. Tout le monde connaît le passé de ce pays sur ce plan là. Je peux cependant affirmer que Abderezak El Para est bel est bien entre les mains de nos troupes.

Quel est selon vous l’objectif final d’une telle opération de désinformation ?
Il faut tout d’abord revenir sur le déroulement de cette affaire. Après l’arrestation du groupe de Abderazak El Para et de son groupe, nous avions lancé des appels à tous les pays intéressés par l’extradition de ces terroristes. Je vous rappelle également que je me suis même déplacé en personne en Algérie pour prendre contact avec votre gouvernement. Au courant du mois de juin, un accord de transfert de deux terroristes algériens, le dénommé Bilal, adjoint supposé de Abderazak El Para, ainsi que Moustapha, de son vrai nom Nourredine Griga, a été conclu avec un des pays ayant lancé un mandat d’arrêt international contre ce groupe.

Quel est ce pays ?
Je ne peux le préciser actuellement.

Pourquoi ?
Car on ne peut pas le citer pour l’instant, c’est trop tôt. La Libye devait donc jouer un rôle de médiateur entre le MDJT et le pays demandeur. Les deux terroristes ont été remis aux autorités libyennes le 25 juin dernier à 15 heures précises dans un lieu situé près des frontières tchado- libyennes. Je peux même vous dire que c’est un officier des services libyens répondant au nom de Mahdi Goukouni qui été chargé de superviser cette opération. Mais voilà, les Libyens se sont présentés à nous dès le lendemain pour exiger le transfert du reste du groupe. Nous avons bien entendu refusé car l’accord prévoyait plusieurs opérations successives qui ne pouvaient se réaliser qu’au fur et à mesure des transferts aux autorités compétentes du pays demandeur. Mais par leurs tergiversations, les Libyens, qui n’avaient qu’un simple rôle de médiateurs dans cette affaire, ont décidé de fait de mettre fin à cette opération. Cependant, nous ne savons toujours pas si ces deux terroristes sont encore en Libye ou s’ils ont été remis au gouvernement algérien.

Vous voulez donc dire que l’Algérie était leur destination finale ?
Je n’ai rien à dire à ce sujet.

Quelles seraient les raisons qui ont fait que les Libyens n’aient pas respecté leurs engagements ?
Il faut déjà savoir qu’il existe un différend entre le MDJT et le gouvernement d’El Kadhafi. Nous avons longuement réfléchi avant d’accepter la proposition de médiation libyenne lors des contacts avec le pays demandeur. La Libye a mauvaise réputation sur ce plan, car ce pays ne respecte pas ses engagements. Nous savons également que le dictateur Idriss Deby a rencontré El Kadhafi pour lui demander de monter un plan visant à confondre notre mouvement avec ce groupe terroriste. Cependant, nous restons confiants puisque les chancelleries étrangères, dont celle de l’Algérie, sont informées des tenants et des aboutissants de cette affaire. Nous savons également que certains pays de la région désirent la persistance du phénomène terroriste sur leur propre territoire afin de profiter de la manne financière des Etats- Unis qui ont décidé de lutter contre ce fléau. En clair : le régime de Deby a tout intérêt à faire du MDJT un groupe terroriste.

Etes-vous toujours en contact avec le gouvernement algérien puisque vous affirmez que Abderazak El Para est toujours entre les mains du MDJT ?
Je vous confirme que ce terroriste est bien détenu par nos troupes basées dans le Tibesti. Bilal et Mustapha, les deux terroristes livrés aux Libyens peuvent d’ailleurs le confirmer. Ils étaient avec lui et le connaissent bien. Il est utile de rappeler que nous avons contacté les autorités algériennes dès la capture de ce groupe et confirmation de l’identité de ses membres. Nous leur avons proposé plusieurs solutions pour l’extradition de ces terroristes. Les Algériens ont accepté cette procédure puis la refusèrent 24 heures après. Mais nous avons constaté qu’il y avait très peu, ou pas, de volonté de récupérer tous ces terroristes. A maintes fois, on a tenté de jeter le discrédit sur le MDJT et voilà que l’on nous accuse aujourd’hui de collaboration avec un groupe salafiste. Notre mouvement rassemble des musulmans, des chrétiens et des animistes qui luttent pour des idéaux démocratiques et laïques. Nous n’avons rien à voir avec des intégristes.

Comptez-vous mettre fin aux opérations de transfert ?
Non, bien sûr. Mais il est certain que les échanges ne se feront plus en catimini avec la médiation de la Libye. Cela se fera dans la plus grande transparence en présence d’organisations internationales et de représentants de la presse. Nous n’avons absolument rien à cacher contrairement à bon nombre de pays du Sahel. Ce premier transfert nous a permis de prendre conscience que bon nombre de pays de la région désirent la mort de Abderazak El Para. Ce terroriste pourrait faire de graves révélations sur les contacts qu’ils a entretenus avec certains services.

Par Tarek Hafid, Le soir d’Algérie