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Genèse et évolution de la dette algérienne

lundi 7 juin 2004, par Hassiba

L’Algérie est classée au 26e rang loin derrière les Etats-Unis qui occupent la première place en matière d’endettement.

Elle traîne tel un boulet une dette extérieure estimée, au 31 décembre 2003, à 23,203 milliards de dollars (mds), selon la Banque d’Algérie. Tous les efforts de développement ont été vite annihilés par un tel fardeau depuis le début des années 1990. La dette d’une durée inférieure à 12 mois ne représente que 150 millions de dollars. Quant à l’encours de la dette à moyen et long terme, il a augmenté de 1993 à 1996 passant de 25,024 mds à 33,230 mds. En 1997, une tendance à la baisse a été amorcée pour se poursuivre en 1998 jusqu’en 2001. Une stabilisation a été observée en 2002 et une légère augmentation en 2003 en ce qui concerne l’encours de la dette à long et moyen terme.

La dette algérienne avant 1986

Selon un rapport du Conseil national économique et social (CNES) sur la dette algérienne, il apparaît qu’au temps de la gestion socialiste, l’Algérie ne comptait comme endettement extérieur dans les années soixante que les crédits de l’Organisme français de coopération industrielle (O.C.I). Au début des années soixante-dix, des prêts de certains pays de l’Est qui partageaient la ligne socialisante du gouvernement algérien ainsi qu’un prêt du Fonds koweïtien de développement économique constituaient l’essentiel de la dette. Les financements étaient de nature strictement commerciale et provenaient de pays fournisseurs d’équipements et services dans le cadre de projets industriels. En 1971, selon le même rapport, le stock de la dette extérieure était de 3,335 mds de dollars.Le premier emprunt sur le marché international des capitaux est intervenu en 1974. Le recours à la mobilisation de crédits extérieurs après le premier choc pétrolier avait connu une augmentation sensible dans les années suivantes pour les besoins des différents investissements engagés par l’Etat algérien dans sa politique d’industrialisation. Le stock de la dette avait atteint en 1976 les 9,5 mds. Selon le rapport du CNES, le recours aux financements extérieurs avait connu une croissance de près d’un milliard de dollars en 1977 et de près de deux milliards en 1978, année qui a vu le lancement du Plan VALHYD (valorisation des hydrocarbures) qui prévoyait l’intensification des exportations d’hydrocarbures, en particulier du gaz naturel. C’était la phase d’accumulation de la dette qui a atteint 15 mds en 1978 et 19 en 1979. Le deuxième choc pétrolier, note le rapport, accentue fortement l’augmentation des recettes extérieures en 1980, mais le pays mobilise encore 3,4 milliards de dollars. La réalisation d’installations dans le secteur des hydrocarbures lui en fournit l’opportunité. Ce n’est donc pas par besoin que sont mobilisés de tels niveaux de financements extérieurs : le surcroît de crédits extérieurs en 1978 se retrouve intégralement dans le niveau des réserves de changes. Le pays engrange en 1980 et 1981 des réserves de changes plus importantes que les financements qu’il mobilise alors, conclut-il. Le rapport estime que la baisse des prix du brut avait fait perdre au pays quelque 4,8 milliards de dollars sur la période. Par ailleurs, la ponction au titre des intérêts se situait au niveau de 10 à 11% des recettes à l’exportation de 1979 à 1985, hormis 1981 où elle avoisinait 9%.Le CNES a estimé que durant cette période les pays développés n’ont pas aidé l’Algérie qui avait subi de plein fouet l’instabilité des prix des hydrocarbures et celle des taux d’intérêt.

1986-1991 : recours excessif aux crédits extérieurs

En 1986, les réserves de changes étaient de plus d’un milliard de dollars. Le stock de la dette extérieure avait augmenté en deux années seulement (1984 à 1986) de 7 milliards de dollars. C’était la période où le dollar avait perdu près de la moitié de son pouvoir d’achat. De fait de la réticence des banques internationales à accorder des prêts libres, indique le rapport, le gouvernement algérien avait alors eu recours à des financements dont la durée n’excédait pas les 18 mois et ce, afin d’importer des biens d’équipement, des produits finis et ceux de large consommation. De 1986 à 1989, les recettes d’exportation fluctuent entre 8,5 et 10,5 milliards de dollars après avoir dépassé 15 milliards en 1981 et 14,7 en 1985. Le recours aux crédits extérieurs s’est intensifié, comme il s’est accompagné depuis 1988 de l’accélération des remboursements en principal. Le CNES note à ce propos que la volonté de faire figure de bon payeur a été chèrement payé par le pays. En effet, note le rapport, les crédits à court terme mobilisés en 1986 sont remboursables dès 1988 ; ceux mobilisés en 1987 le sont dès 1989. Le pays accumule alors des dettes : le stock de dette extérieure augmente de plus de 10 milliards de dollars entre 1985 et 1989 ; il passe de 18,4 à 28,6 milliards de dollars, et le service de la dette augmente encore plus vite que son stock. La trappe de la dette se referme alors sur le pays, conclut le rapport. C’est à ce moment-là que le pays perd aussi une bonne partie de ses réserves qui ne représentent plus que le quart du niveau atteint en 1981.

1991-1992 : le reprofilage de la dette

Le poids de la dette asphyxie le pays qui doit consacrer en 1991 près de 21% du PNB au service de la dette. Le pays n’arrive plus a assurer sa liquidité extérieure. Malgré cela, le gouvernement de l’époque refuse le recours au rééchelonnement de la dette. Il avait choisi de rechercher des préfinancements d’hydrocarbures et des formules de traitement d’autant plus difficiles à mettre en œuvre qu’elles sont peu usitées, selon le CNES. Il demande, d’un côté, à l’Italie et, de l’autre, au Crédit Lyonnais le reprofilage d’un montant total de dettes de 2,352 milliards de dollars. Démarche atypique et risquée, note le rapport. Du côté italien, la décision est de nature souveraine. C’est l’Etat qui décide et qui en supporte le coût auprès des banques italiennes. L’Italie réclame des garanties pour le paiement des échéances sur les prêts reprofilés. La nature de certaines d’entre elles est telle qu’elles ne peuvent être finalement accordées. Quant au Crédit Lyonnais, qui avait besoin de monter une opération à laquelle il invite un certain nombre de banques créancières de l’Algérie, le CNES a estimé que l’opération a traîné sur le marché et a fait mauvais effet pour un pays qui faisait valoir une simple crise de liquidités. Pareille opération est difficilement acceptable pour les créanciers au regard des dispositifs qui sous-tendent habituellement les reports d’échéances par rééchelonnement, indique le rapport, qui ajoute qu’en dépit de cette double démarche les recettes nettes de remboursement en principal ne sont guère supérieures à un milliard de dollars en 1993, le service de la dette représentant cette année-là encore 18,9% de son PNB. La diminution du stock de dette en 1992 par rapport à 1991 s’explique en totalité par l’effet taux de change du dollars. L’Algérie a subi une augmentation cumulée de son stock de dette pendant la période 1985-1992 de l’ordre de 6,185 milliards de dollars du fait des variations du cours de cette monnaie, selon le rapport du CNES.

1994 : l’année du rééchelonnement

Le rééchelonnement est intervenu suite à un programme dit d’ajustement structurel conçu en accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et qui doit être mis sous sa surveillance. C’est la solution monétaire qui est engagée et consistant principalement dans la réalisation de l’équilibre de la balance des paiements à moyen terme. Les créanciers sont alors rassurés quant au paiement de leur dû sur la base du nouveau calendrier décidé par le Club de Paris pour les créances publiques et le Club de Londres pour les créances non garanties des banques commerciales. Le CNES a indiqué que le pays n’accède aux crédits multilatéraux que moyennant des conditionnalités croisées et les rares financements bilatéraux sont soumis à de sérieux aléas politiques. Les effets du plan d’ajustement structurel ne se sont pas fait attendre. En superposant un important relèvement des taux d’intérêt à une forte dévaluation, l’asphyxie les entreprises publiques aussi bien que privées qui avaient des dettes extérieures était inévitable, selon le rapport du CNES. « Le report d’échéances en principal et de certains intérêts entraîne évidemment le gonflement du stock de la dette. L’amortissement en principal est déjà de 2,3 milliards de dollars. Le flux net en principal est donc, cette année-là, de 0,3 milliard de dollars. Certes, les recettes nettes du service de la dette n’ont cessé d’augmenter pour atteindre 9,5 milliards de dollars en 1997 ; certes aussi le rééchelonnement a pour effet d’allonger la maturité moyenne -calculée par le stock de dette à la fin d’un exercice rapporté au service en principal de l’exercice suivant- de la dette extérieure (cette maturité est passée de 3,7 ans ou 44,4 mois en 1993 à 15,9 années ou 191 mois en 1996. Il reste que le fonctionnement de l’économie est toujours contraint par les équilibres extérieurs, lesquels portent encore le poids de la dette extérieure », a indiqué le CNES. Le rapport du CNES estime en conclusion que « c’est un véritable hold-up sur les capacités et les ressources de l’Algérie qui découle de la dette. Tout au long des décennies 80 et 90, l’Algérie doit continuer à emprunter pour payer ce qu’elle doit et qui plus est les nouveaux emprunts ne suffisent pas à payer les intérêts et rembourser le principal : il y a transfert net vers l’extérieur. En 1990, ces transferts ont atteint 2,9 milliards de dollars (2,6 en 1993). Alors que si on fait le total de ce que l’Algérie a payé au titre du service de sa dette entre 1980 et 1985, cela dépasse déjà le montant de ce qu’elle devait en 1980... Ce qu’il faut maintenant dire, c’est que cette situation est appelée à perdurer ».

Extrait du rapport du CNES sur l’endettement des pays sud-méditerranéens

Par Mahmoud Mamart , La Tribune