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L’Algérie : diversité économique au point mort

lundi 7 juin 2004, par Hassiba

Pays mono-exportateur, l’Algérie se maintiendra-t-elle dans ce statut indéfiniment ? Et jusqu’à quand la manne pétrolière, dopée aujourd’hui par la bonne tenue des marchés pétroliers, continuera à financer l’économie nationale ?

Et si le redressement des marchés se retournait ? D’aucuns notent que l’envolée des prix constatée aujourd’hui sur les marchés pétroliers affecte l’économie mondiale et qu’elle n’est pas profitable à l’évolution de la croissance sur le plan international. L’est-elle à la croissance ou à la consommation dans les pays pétroliers dont une grande partie est dans la partie Sud ?

Des spécialistes estiment que la bonne tenue des cours du pétrole ne profite pas à la croissance des économies à forte dose pétrolière. Pas aux ménages en tout cas. La preuve, des indicateurs économiques sont au rouge dans nombre de pays pétroliers où la diversité économique fait défaut. Qu’il s’agisse de pays structurés dans l’OPEP ou de pays évoluant hors OPEP, la manne pétrolière n’a pas été ainsi mise à profit pour une bonne reprise de la croissance et une économie solidement structurée à objectif long terme. Dans les faits, l’évolution de certaines économies est telle que le pétrole est regardé comme une malédiction. L’or noir, synonyme de richesses, fait ainsi paradoxalement que les secteurs hors hydrocarbures ne démarrent pas dans beaucoup de pays pétroliers. Et l’Algérie en fait partie.

Dans l’imaginaire des dirigeants des pays à forte richesse minière, trouver des secteurs de substitution au pétrole équivaut à y consentir des investissements colossaux. Autant continuer à investir dans les hydrocarbures, un secteur que les pays pétroliers maîtrisent le mieux. Si l’on prend le cas de l’Algérie, des efforts étalés sur plusieurs années déployés dans les exportations hors hydrocarbures n’ont débouché que sur de maigres résultats : environ un demi-milliard de dollars en exportation enregistré en 2003. Des efforts analogues dans le secteur pétrolier auraient permis de faire augmenter de dizaines de milliards de dollars les recettes pétrolières. Problématique l’est et le demeurera la canalisation de l’argent du pétrole et en Algérie et dans beaucoup de pays pétroliers. Exception faite de quelques Etats du Golfe, l’argent du pétrole n’a pas donné naissance à des secteurs structurants et à des secteurs de services à forte valeur ajoutée à même de compter dans le PIB et dans la contribution au budget de l’Etat.

L’argent du pétrole est orienté dans les circuits des importations et dans des projets d’investissement à faible valeur ajoutée. Que les prix du pétrole augmentent, cela ne changera rien au quotidien des ménages dans beaucoup de pays pétroliers. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent pour illustrer une telle situation. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale a noirci le tableau quand elle a mis en lumière les poches de misère dans certains pays de la sphère Sud dont ceux qui regorgent de pétrole. Des réserves de changes jamais égalées dans l’histoire de l’Algérie indépendante sommeillent.

Dépenses publiques et recettes pétrolières

Des analyses parées d’arguments sont avancées pour justifier une telle mise en jachère de cet argent. Il est ainsi fait remarquer que trente-six milliards de dollars en réserves de changes ne veulent pas dire que le pays est riche, par comparaison à des pays qui en comptent plus. L’Inde, par exemple, compte dans son escarcelle plus de cent milliards de dollars de réserves de changes. Pourtant, des projets de taille y sont en rade, faute de financement. Il est aussi souligné que puiser exagérément dans les caisses de l’Etat, c’est gonfler infiniment les finances publiques. Ce qui va à l’encontre de ce qu’est mis en avant dans une économie qui se veut libérale, ouverte au privé. Et puis, à quoi peuvent correspondre trente-six milliards de dollars en termes de production nationale ?

Telle qu’elle évolue aujourd’hui, la production nationale reste faible. Aussi une injection d’argent frais dans l’appareil productif, sans contrepartie, est-elle de nature à produire un retour d’inflation. Le pays se surveille ainsi, sous les conseils sporadiques des institutions financières internationales. Dans l’un de ses documents consacrés à l’Algérie, la Banque mondiale a mis en relief quelques excès en matière de dépenses publiques. Les passages posés dans les documents de la Banque mondiale ont valeur de reproche à mot couvert. Il est vrai que la reprise de la croissance réalisée en 2003 est en partie le fruit des dépenses publiques mises dans le plan quinquennal de relance adopté en 2001.

Mais à quoi sert alors un bon matelas en devises ? Il sert à rassurer les partenaires de l’Algérie. Cela veut dire que les défauts de paiement ne peuvent se produire avec un pays aux comptes performants, solvables, aux dires de beaucoup. L’Algérie paraît ainsi comme une bonne adresse pour ceux qui s’intéressent beaucoup plus au commerce extérieur qu’à autre chose. Et dans ce contexte, les ressources à mettre dans les projets d’investissement sont à chercher dans le privé, dans le partenariat étranger, sur les marchés financiers internationaux et ce, sans la garantie de l’Etat. Cette option est-elle possible ? La réalité en dit beaucoup sur une telle démarche : la seule société qui parvient à se faire financer auprès de banques étrangères pour de gros projets, sans la garantie de l’Etat, est celle-là même qui dégage les trente-six milliards de dollars, Sonatrach en l’occurrence. Indirectement, c’est une entité au service du financement de l’économie nationale. Jusqu-à quand ? Et si demain elle évoluait dans une propre autonomie ? Auquel cas, serait-elle autonome sur l’argent qu’elle dégage ? Ce ne sera pas évident, estiment des analystes. Cette question a été posée dans le cadre des débats autour de la loi en projet sur les hydrocarbures. Elle l’a été mais dans des termes nuancés, quelque peu.

Autonomie et séparation des genres

Des observateurs ont essayé de comprendre un paradoxe, celui qui consiste à demander une séparation des genres. C’est-à-dire que le rôle de Sonatrach ne doit plus se confondre avec celui de l’Etat. Si une telle séparation avait lieu, cela voudrait-il dire que le groupe est autonome dans la gestion de ses devises et qu’il n’a pas à canaliser son argent dans le seul financement de l’économie nationale, comme il le fait aujourd’hui ? On n’en est pas encore là. L’entreprise est aujourd’hui dans une loi basée sur la concession. Aussi discutable qu’elle soit, cette législation n’est pas aussi mauvaise que ne le pensent certains, notent des observateurs, soutenus par ceux qui ne veulent pas entendre parler de l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures qui a fait débat il y a un peu plus de deux ans, on s’en souvient. Cette législation, s’il faut la changer, c’est pour une exploration et une exploitation plus étendues. Finalité, faire augmenter la production pétrolière nationale, éligible à atteindre 1,5 million de barils par jour début 2005. L’Algérie exporte aujourd’hui 750 000 barils par jour, un volume qu’elle projette de relever dans le cadre d’une restructuration des quotas OPEP. Cela fait plus d’un an qu’elle a soumis cette doléance aux membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

Un volume supérieur à celui d’aujourd’hui, fût-il modeste, est toujours bon à défendre, dans un contexte marqué par une remontée des cours. Dans le cas d’un retournement de situation que personne ne souhaite, sauf à vouloir « insulter » les perspectives, les comptes de l’Etat en pâtiront. Reprendra impérieusement le débat sur la nécessité de faire évoluer les choses du côté des secteurs de l’agriculture, des services, des PME-PMI, pour ne citer que ceux-là, de faire en sorte qu’ils comptent dans le PIB. L’Algérie y parviendra-t-elle ? Des pays pétroliers en ont fait l’expérience. Ils se sont engagés sur ce chemin. Et certains parmi ces pays y ont réussi, sans perdre de vue des investissements colossaux dans les hydrocarbures

Par Youcef salami