Accueil > ECONOMIE > L’Allemagne accuse les Polonais de sabrer ses emplois

L’Allemagne accuse les Polonais de sabrer ses emplois

samedi 16 avril 2005, par nassim

La plupart des abattoirs en Allemagne recrutent dans le pays voisin, la Pologne, pour un salaire dérisoire, créant la polémique.

Le débat sur le travail au noir des femmes de ménage polonaises avait déjà eu du mal à passer. Et puis la semaine dernière, les producteurs d’asperges se sont soulevés à l’idée qu’on remplace leurs très solides saisonniers polonais par des chômeurs allemands peu motivés.

Cette semaine, une autre terrible nouvelle a ébranlé le marché du travail allemand. Alors que les partis politiques et les syndicats n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’introduction d’un Smic en Allemagne, ils ont appris que la plupart des abattoirs allemands ont recours à de la main-d’oeuvre polonaise. Et pour cause : ils sont payés aux alentours de 3 euros de l’heure. Si encore il ne s’agissait que d’une dizaine d’employés. Mais mardi matin, le député chrétien-démocrate Gerald Weiss a affirmé sur Deutschlandradio que « 26 000 bouchers allemands ont perdu leur travail parce que des salariés polonais ont accepté ces conditions de misère ».

Picaillons. Du coup, le Chancelier Gerhard Schröder, qui a bataillé contre l’introduction de la « directive Bolkenstein » prévoyant une libéralisation des services dans l’Union européenne, a piqué une colère. « Nous ne pouvons pas admettre qu’il y ait des gens qui embauchent des travailleurs d’autres pays européens, les fassent travailler pour quelques picaillons et fassent ainsi couler des entreprises allemandes en bonne santé », s’est-il insurgé.

Avec 5,2 millions de chômeurs, Schröder n’avait pas vraiment besoin d’un tel débat. Limitrophe de la Pologne et de la République tchèque, l’Allemagne avait réussi à imposer un délai maximal de sept ans avant de légaliser l’embauche des salariés des nouveaux entrants. Les équarrisseurs allemands ont contourné la réglementation en inscrivant leur main-d’oeuvre sous la rubrique « travailleurs indépendants ».

Pour tuer dans l’oeuf cette concurrence déloyale, le gouvernement Schröder a décidé d’étendre à tous les secteurs d’activité une loi particulière qui ne régissait jusqu’alors que le travail dans le bâtiment et la marine marchande. Cette loi, qui s’applique aux entreprises étrangères travaillant sur le sol allemand, fixe un salaire minimum. 650 000 emplois ont ainsi été sauvés dans le BTP depuis 1995.

Contrairement à la France, l’Allemagne ne dispose pas d’un salaire garanti minimum et uniforme. Chaque branche d’activité négocie directement les salaires entre employés et salariés. Cette « autonomie salariale », pilier de l’économie sociale de marché à l’allemande, ne posait pas de problème tant que la situation économique était florissante. Cependant, depuis la réunification et la pression sur le marché de l’emploi, de nombreuses entreprises, notamment les PME-PMI, n’hésitent pas à sortir des conventions collectives.

Mauvaises habitudes. C’est pourquoi, en août, Franz Müntefering, le président du SPD, et les Verts avaient proposé d’introduire un Smic. A l’époque, ce fut un flop total. Depuis, les positions ont évolué. Pas convaincu à l’idée d’abandonner une partie de ses prérogatives, le grand syndicat de la métallurgie IG-Metall a, cette fois, exhorté le gouvernement à agir vite. « Hélas, commente un expert économique, les mauvaises habitudes sont déjà prises. Si les abattoirs allemands ne peuvent plus utiliser les Polonais, ils feront couper la viande en Pologne, et la ramèneront ensuite en Allemagne. »

Par Odile BENYAHIA-KOUIDER, liberation.fr