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La Tunisie du nord au sud

mardi 15 mars 2005, par nassim

Des rue de La Goulette aux dunes de Tozeur, en passant par l’hypermarché de La Soukra, voyage au cœur de la Tunisie, une terre de contrastes.

On cherchait l’exotisme et le dépaysement. C’est raté. Il y a moins de « foulards » à Tunis qu’à Paris ou même qu’à Londres ! Certes, les terrasses des cafés sont davantage fréquentées par ces messieurs que par ces demoiselles. N’empêche. Chevelure au vent, pantalon taille basse et veste en jean, les Tunisoises vont et viennent en toute liberté. Et, comme toutes les femmes du monde, se préoccupent de beauté et de mode.

Il ne faut pas croire que ce désir de modernité les détourne des places commerciales traditionnelles. Loin de là. Mais si elles fréquentent le souk, c’est à leur manière. « Si tu veux faire sensation dans une soirée, en t’affichant avec le petit détail ou l’accessoire qui fait toute la différence, va au souk. Tu peux y dénicher l’objet rare : un tissu, un bijou ou un petit sac en tissu brodé. À toi ensuite de le relooker. C’est ce que nous faisons toutes ici », affirme Yacine. Il nous faudra peu de temps pour vérifier ces dires. Dans la médina, la scène est plus familière qu’on ne l’imaginait. Mesdemoiselles farfouillent, se pâment, s’esclaffent, comparent, avant d’arrêter leur choix après un long marchandage. On se croirait aux Puces de Clignancourt. Pour les accros du « moderne », les magasins à la mode s’appellent le Palmarium, avenue Bourguiba, ou Champion, le dernier-né des centres commerciaux au coeur de la ville. Là, on se croirait à Auchan. Une foule bruyante se bouscule sur les escalators et dans les boutiques de ces nouveaux temples de la consommation, à la recherche d’une paire de chaussures, d’un vêtement, du portable dernier cri ou d’autres babioles. On en ressort épuisé et le porte-monnaie plus léger. Petit repos, bien mérité, dans la cafétéria des lieux, devant un verre ou une crème glacée ! On raconte qu’à Champion, même en période de Ramadan, certains se hasardent à boire un café ou à fumer une cigarette, au vu et su de tout le monde. Et dans l’indifférence générale. Ceux qui ont un faible pour les griffes trouveront leur bonheur aux Berges du Lac. Les week-ends, ce quartier résidentiel et d’affaires, hérissé d’immeubles de bureaux, est largement fréquenté. Normal. Outre des boutiques, il abrite nombre de bars, restaurants, bowlings, parcs d’attractions et autres lieux de loisirs que l’on fréquente entre copains ou en famille.

Pour celles qui sont gagnées par la fièvre du fitness, les endroits où l’on peut perdre quelques grammes ne manquent pas non plus. Il y a certes le bon vieux hammam du quartier. Mais la tendance est à la fréquentation des centres de remise en forme. Très « in », celui du Sheraton, près du parc Belvédère, ou le centre de thalassothérapie du Golden Tulip, à Gammarth. Mais le top reste le centre de fitness de La Résidence, que tout branché se doit de fréquenter.

Pour remplir son frigo, plus besoin d’aller au marché ou chez l’épicier du coin. « Out » également le Monoprix. Tunis dispose de grands supermarchés. Pour preuve, la Soukra, un immense Carrefour dont le panneau est visible depuis l’autoroute, attire, chaque jour, une foule de Tunisois aisés. Le spectacle de ces familles qui déambulent parmi les rayonnages de la grande surface, en poussant un chariot plein à craquer, fait désormais partie des scènes du quotidien.

El-Menzah VI est l’un des quartiers résidentiels du nord-est de Tunis, qui compte de coquets immeubles de deux ou trois étages et de charmantes villas. Ambiance familiale dans un décor de verdure. C’est là que l’on se donne rendez-vous pour partir pour Tozeur. Enfants et parents s’engouffrent dans les 4x4 rutilants. Claquements de portes. Après quelques embouteillages au sortir de la capitale, nous voici sur l’autoroute. Très vite, la circulation devient plus fluide. De temps en temps, pointe au loin le minaret d’une mosquée, seul indice qui nous rappelle que l’on est en Tunisie. La vitesse est limitée. Gare à celui qui ne la respecterait pas. Il paraît qu’en pleine saison touristique les policiers sont particulièrement sévères avec les Tunisiens. Le moindre dépassement, et c’est le retrait - momentané - du permis. « C’est une manière de limiter le nombre de voitures sur les routes, quand il y a beaucoup de touristes », assure le conducteur. Une heure plus tard, à la hauteur de l’embranchement de Sousse, nous quittons l’autoroute, pour nous diriger vers Kairouan. Rien à redire à l’état de la nationale qui nous mène à la ville sainte. Pas un nid-de-poule ! On arrivera plus tôt que prévu. Sur la route qui traverse un paysage ponctué de champs d’oliviers, quelques voitures, et surtout des camions.

Arrêt à Kairouan. L’une des principales artères de la ville est bordée de petites pâtisseries, dont les devantures croulent sous des tonnes de makhrouds et de baklavas. Les enfants se jettent sur les gâteaux dégoulinant de miel, à la grande joie du commerçant qui s’empresse de les servir. La nuit étend maintenant son ombre sur tout le pays. Nous traversons des bourgades et de petites villes. Des grands réverbères qui bordent les trottoirs jaillit une lumière bleutée. Peu de monde, à l’exception de quelques hommes qui se hâtent de rentrer chez eux. Arrêt à Gafsa. La ville est animée, mais dehors les femmes sont rares. Des gamins tentent de lier conversation. Ils parlent fringues et musique. « Tu me vends ton lecteur de CD ? » Rires. « Vous avez remarqué qu’il y a de l’électricité même dans le plus petit village. Et au moins un hôpital ou un centre de santé dans chaque agglomération. Vraiment, on a des leçons à prendre de la Tunisie ! » commente un membre de notre groupe

Tozeur. À cette heure tardive, la ville somnole. Le Sofitel où nous descendons est pareil à un palace des Mille et Une Nuits. Lumières, piscines, hammam, végétation luxuriante, salons et chambres douillettes. Un luxe un peu insolent, surtout dans cette région moins développée que la zone littorale qui concentre la majorité de la population urbaine. Accueil empressé du personnel de l’hôtel. Comme dans tout le pays, le touriste est roi.

Le lendemain matin, nous découvrons la ville. Tozeur contraste avec le reste du pays. Alors que le blanc et le bleu dominent ailleurs, ici tout est rose. Rose est la lumière du matin. Roses les murs des maisons. Même l’architecture est différente. Avec ses façades de briques crues composant des motifs géométriques que la plupart des hôtels reproduisent scrupuleusement, la ville affirme son identité et sa mémoire. Ici pas de supermarchés, pas de boutiques, pas de lieux branchés. Le mode de vie est encore traditionnel, même si les jeunes s’intéressent aussi à tout ce qui vient d’ailleurs.

Cap sur Tamerza, Chebika... Sur la route qui grimpe vers les oasis de montagne, c’est un défilé ininterrompu de 4x4. Le tourisme saharien est bien vivant. Partout, on peut voir des régimes de dattes dont la région est grande productrice. Le tourisme n’a pas détrôné l’agriculture. Ployant sous le poids de leurs cartables, les enfants - filles et garçons - vont à l’école. Comme quoi la scolarisation de tous les gamins n’est pas un slogan vide de sens.

Retour à Tozeur. L’artisanat vendu dans les souks de la médina ne diffère guère de ce que l’on peut trouver ailleurs. À l’exception de magnifiques tapis berbères, une spécialité du coin. Après l’inévitable visite de la palmeraie en calèche, le début de la soirée se passera dans le parc d’attractions des Mille et Une Nuits. Frayeur assurée pour les petits. Dans la boutique qui jouxte le musée, des livres pour enfants racontent l’histoire du pays. Dehors, les rares touristes sirotent un dernier verre. La nuit est tombée. Demain, nous retrouverons, non sans une pointe de regret, la fébrilité de la capitale.

Par MURIEL DEVEY, lintelligent.com