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La justice algérienne à l’heure du bilan

lundi 28 mars 2005, par nassim

Il y a cinq ans, la Commission nationale de la réforme de la justice (CNRJ), alors présidée par Mohand Issaâd, avait diagnostiqué le mal qui rongeait depuis des décennies la justice algérienne.

Des procès parfois expéditifs et parfois durant des années, le recours systématique au placement sous mandat de dépôt, des prisons surpeuplées ne répondant pas aux normes internationales requises, des magistrats corrompus, la violation du droit à la défense et des textes de loi en totale contradiction avec les engagements du pays, notamment en matière de respect des droits de l’homme.

Ce sont là quelques symptômes de ce mal contre lequel un plan d’urgence a été proposé par la CNRJ au président de la République. Des commissions ont été alors installées au niveau de la chancellerie pour élaborer une profonde refonte du système judiciaire, en commençant par les textes de loi. Quelques textes, notamment les codes pénal, de procédure pénale, civil et de procédure civile, ainsi que la loi relative à la gestion pénitentiaire, ont été amendés dans l’esprit d’une plus grande protection du droit à la défense et surtout du principe de la présomption d’innocence. Mais quel a été l’impact de ces changements sur le terrain, notamment dans les tribunaux, tant redoutés par les citoyens ? Quelle que soit la ville où se trouve la juridiction, l’image qu’elle reflète est partout la même. Des salles exiguës où s’entassent les justiciables attendant désespérément, dans une ambiance suffocante, que le magistrat submergé par les dossiers les appelle enfin à la barre. Et même dans ces conditions inhumaines et dégradantes, le citoyen est souvent sommé de revenir un autre jour, soit parce qu’une des affaires inscrites au rôle demande du temps, soit parce qu’une des parties au conflit ne daigne pas se présenter devant le juge. Ce spectacle désolant donne une mauvaise image de la justice et amoindrit fortement les chances d’un procès de qualité parce que les conditions de sérénité et de concentration nécessaires à un bon procès ne sont pas réunies.

Ce qui se traduit non seulement par une remise en cause systématique des décisions de justice, mais aussi par une méfiance flagrante à l’égard de la justice. Les nombreuses lettres adressées à la chancellerie et aux différentes rédactions des journaux privés ont de tout temps concerné les plaintes des citoyens relatives surtout à la non-application des décisions de justice, mais aussi aux comportements indélicats de certains magistrats. Les affaires de juges déférés devant les tribunaux pour corruption, fautes professionnelles ou détournement sont devenues presque courantes au point où certaines juridictions ont fini par avoir la réputation d’être à la solde des gros bonnets de l’argent sale. Le professeur Mohand Issaâd a estimé que « les plaideurs et les citoyens se plaignent toujours de la justice et continuent d’avoir peur d’elle.

Une justice crainte est un très mauvais signe, parce qu’une bonne justice est celle qui instaure la confiance avec les gens », a-t-il expliqué. Un avis qui rejoint celui de Djamel Aidouni, secrétaire du syndicat national des magistrats (SNM) qui a espéré que « la réforme pourra rétablir » la confiance entre le citoyen et sa justice arguant du fait que les décisions de celles-ci « sont prises au nom du peuple et que le magistrat n’est en fait que l’instrument de l’application de la loi ». M. Aidouni a plaidé donc pour une réforme qui pousse au changement des mentalités, précisant que les fruits de ces efforts ne peuvent être récoltés qu’au-delà d’une décennie au moins. Entre temps, le citoyen continuera à se plaindre du mépris dont il est victime à chaque fois qu’il pointe dans une salle d’audience de n’importe quelle juridiction du pays.

Par Salima Tlemçani, elwatan.com