Accueil > MUSIQUE > Le grand retour de Seloua

Le grand retour de Seloua

mercredi 9 mars 2005, par Stanislas

Seloua animera cet après-midi un gala à la salle Ibn Khaldoun à l’occasion du 8 Mars.

Elle a reçu dans les années 60 l’oscar de la chanson algérienne aux côtés de Khelifi Ahmed. Seloua revient sur scène après 15 ans d’absence, car elle a senti qu’elle avait toujours besoin du contact de son public. Rencontre avec une grande dame de la chanson algérienne qui ne mâche pas ses mots...

L’Expression : Pourquoi cette absence qui a duré plus de 15 ans ?

Seloua : C’est un choix personnel, je me suis retirée pour faire un bilan par rapport à ce que j’ai donné dans ma vie et voir ce qui se passait à l’extérieur. J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui tournait mal dans la chanson en Algérie, je me suis recroquevillée sur moi-même.

Et pourquoi ce retour ?

J’ai le sentiment de posséder encore les capacités vocales et physiques. Le niveau de la chanson algérienne a baissé et cela m’a fait de la peine. Aujourd’hui, il suffit de se gratter la tête pour faire des albums. Le déclic, pour moi, a été le jour où on a rendu hommage à mon amie Amina Belouizdad. Le public m’a sollicitée. Et j’ai senti qu’il avait besoin de moi comme moi j’ai besoin de son contact. Mohamed Amari m’a invitée à son concert. Je suis montée sur scène en tant qu’amie de longue date. Nous avons fait des galas ensemble. Il m’a fait rappeler la soirée de la fête de la police, il m’a demandé de monter sur scène. J’ai fait un mouel. Le public m’a beaucoup applaudie et M.Mohamedi de l’établissement Arts et culture m’a proposé de faire un gala pour le 8 mars. J’ai accepté.

Qu’allez-vous interpréter à l’occasion du 8 Mars ?

J’ai choisi d’anciennes chansons que le public actuel ne connaît pas, sinon une spéciale, écrite par le grand artiste, collègue de mon parcours, Rabah Driassa. Pour ma carrière, je dois beaucoup à Fadila Dziria, Mériem Fekkaï, cheikha Yamna, Abdelkrim Dali... je présenterai trois nouvelles chansons.

Qu’attendez-vous de ce concert aujourd’hui. De nouveau, la reconnaissance ?

J’attends de rencontrer le public et de savoir s’il y a toujours un répondant en lui avec mes chansons. Je ne suis pas matérialiste, j’ai été éduquée à aimer l’art et la chanson. Quand j’étais jeune, je voulais arriver à tout prix, je ne refusais aucune proposition qu’on me faisait de chanter en tunisien, en marocain, en libanais... mon but était de satisfaire le public. J’ai eu vent qu’on allait me rendre un hommage au printemps prochain.
Je ne m’attends à rien. La ministre de la Culture l’a fait. j’aspire à un niveau supérieur vu ma situation, mon rang. Si on veut m’honorer, tant mieux, c’est bien. Mais ce n’est pas cela le but.

Que pensez-vous de la situation des artistes en Algérie ?

Il n’y a pas de solidarité entre eux. Chacun parle de son côté, je suis membre du conseil national de la musique et je suis la seule à prendre la parole pour défendre nos droits. On nous ramène des artistes de 2e ou 3e catégorie et on nous met sur un même piédestal. Il n’y a pas de vrai syndicat pour défendre les artistes. Il faut qu’il y ait un comité de soutien à l’artiste. Il est écarté. Quand il tombe malade, on le jette... Je pense à El Hachemi Guerrouabi, c’est un grand monsieur, je lui souhaite un prompt rétablissement.

Un CD en préparation ?

Après la fête, je me dirigerais en studio. J’ai quelques chansons de Mahboubati, j’ai eu du mal à trouver un bon éditeur. Ces derniers exploitent les jeunes en Algérie, tout comme les distributeurs qui les sucent jusqu’à la moelle pour, ensuite, les jeter. Moi, je veux interpréter quelque chose qui reste pour la postérité. Cela fait 40 ans que je chante.

Que pensez-vous de la musique d’aujourd’hui ?

Le niveau laisse à désirer. Je ne suis pas d’accord pour certains artistes, certaines chansons, de la façon dont on travaille certaines musiques. On fait des chansons robotisées dépourvues d’âme, de don de soi de l’artiste. C’est vrai que la science a ses avantages mais elle a un côté qui gêne un peu. Voyez des jeunes qui travaillent seulement avec une console et une boîte à rythmes. Ce n’est pas notre façon de procéder. Nous, on travaille avec un orchestre. L’artiste doit être mu de sensibilité, il doit véhiculer un message. Je trouve que beaucoup de chanteurs ne seront plus les mêmes si vous les mettez sur scène, comparés au CD. Il y a, c’est vrai, un certain vide concernant les arrangeurs et les compositeurs mais il existe beaucoup de talents qui méritent d’être connus et encouragés. Mon retour ne va pas faire relancer le niveau de la chanson algérienne mais pourra contribuer à cela, pour que le public puisse s’accorder avec la chanson romantique. Je vous avoue que j’ai une sorte de pollution dans les oreilles à force d’écouter ces hurlements, ces bruits assourdissants, on n’entend plus les voix. Chanter c’est transmettre une émotion, une âme, un message, exprimer des choses. C’est ce qui manque. Parfois, on chante d’une manière qui « tape » sur les nerfs. J’aimerai bien que les jeunes me prennent en exemple car je suis une école de la chanson. J’ai appris beaucoup des maîtres notamment Dahmane Benachour, Latifa, Kheznadji... Je suis contente quand on reprend mes chansons, cela prouve qu’on ne m’a pas oubliée mais qu’on reprenne certains de mes titres en les dénaturant, cela ne me plaît pas. Il n’y a pas beaucoup d’artistes qui m’ont demandé la permission, à l’exception de Naïma Ababsa, Nada Rihan.

On a eu vent que vous étiez malade ?

Bien sûr que j’étais malade. On est tous exposés à la maladie. J’ai beaucoup chanté dans des conditions favorables mais aussi défavorables, en plein air, au Sud, dans le désert notamment à Hassi Messaoud. J’ai eu la voix enrouée pendant 6 mois. Il faut se protéger. Cela arrive à tout le monde de tomber malade. Mais c’est vrai qu’il faut faire attention pour donner le meilleur de soi-même au public et ne pas le décevoir.

O. HIND, lexpressiondz.com