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Le grand retour du charbon s’accélère

dimanche 24 avril 2005, par Stanislas

Véritable vétéran de la préhistoire industrielle, le bon vieux roi charbon reprend du service un peu partout dans le monde.

Et même jusqu’en Allemagne, pourtant championne intransigeante des énergies propres. Deutsche Steinkohle (DSK), filiale du groupe chimique et minier allemand RAG, vient ainsi d’entamer une procédure de demande d’autorisation en vue d’ouvrir outre-Rhin une mine de charbon à coke.

L’exemple allemand n’est pas isolé en Europe. Sur le déclin depuis la longue grève des mineurs de 1984, le charbon joue également les revenants au Royaume-Uni. Scottish Coal vient d’annoncer « être en cours de négociation avec des propriétaires de terres partout en Ecosse en vue d’élargir ses réserves ».

La plupart des économies développées retrouvent ainsi les vertus d’une énergie moins dangereuse et surtout meilleur marché que le pétrole, le gaz ou l’uranium. Et disponible en quantités gigantesques à travers la planète.

Ce boom est tiré par les pays émergents d’Asie. La Chine, premier producteur et premier consommateur mondial de charbon, doit faire face à l’emballement de sa machine économique. Non seulement le pays le plus peuplé du monde doit faire face à une demande grandissante d’énergie mais également de coke pour fabriquer de l’acier. A cette fin, il a augmenté sa production de minerai de 54% entre 1999 et 2003, pour la porter à 1,7 milliard de tonnes par an. Mais la demande intérieure augmente plus vite.

Deuxième exportateur mondial de charbon, la Chine a donc réduit ses ventes à l’étranger. Les exportations, qui culminaient encore à 100 millions de tonnes avant 2003, sont revenues à 64 millions de tonnes cette année. Ce qui a provoqué une véritable pénurie sur le marché mondial et un doublement des cours. Les sidérurgistes européens ont vivement réagi. Depuis la restructuration des charbonnages dans les années 60 et la mise au chômage de milliers de « gueules noires », l’Europe est devenue plus dépendante du marché mondial. Le gouvernement chinois a bien essayé de remédier à la menace de pénurie. Il a ordonné la réouverture de mines fermées pour raisons de sécurité, avec une série catastrophique d’accidents mortels.

Pour l’administration américaine, l’affaire est entendue : la part du charbon dans la consommation énergétique mondiale va doubler d’ici à 2015 pour atteindre 50%. Par chance, le minerai y est en abondance. Après la hausse de 40% de l’or noir depuis le début de l’année, les Etats-Unis, deuxième pays producteur de charbon, mettent les bouchées doubles. Ils veulent réhabiliter la production du vieux minerai qui abonde outre-Atlantique. Alors qu’ils consomment le quart de la production mondiale de pétrole, il leur suffit de relancer la production de charbon pour réduire leur dépendance extérieure éner gétique. Selon le département de l’Energie (DOE), la construction de 92 nouvelles centrales thermiques serait à l’ordre du jour, dont 6 déjà en construction pour une entrée en service en 2006 ou 2007. L’objectif serait de mettre 148 centrales en service d’ici à 2025 pour pouvoir satisfaire la demande d’électricité.

A l’échelle mondiale, alors que les réserves prouvées de pétrole correspondent à une quarantaine d’années de production, celles de gaz à plus d’une soixantaine et celles de l’uranium à cent vingt ans au mieux, les réserves de charbon se situent à plus de deux siècles ! En outre, le vieux minerai est non seulement de moins en moins cher à exploiter mais aussi moins dangereux grâce aux gisements à ciel ouvert et aux technologies modernes. Désormais, seul son coût de transport, qui peut représenter entre 70 et 80% de son coût final pour l’utilisateur, reste un lourd handicap. D’où l’idée de rapprocher le lieu d’extraction du minerai de celui de son utilisation. La réouverture de mines en Europe se comprend également ainsi. En outre, la crainte du nucléaire et l’épuisement à l’horizon de vingt ans du gaz en mer du Nord poussent à trouver d’autres sources d’énergie.

Reste le véritable frein : l’écologie. Alors que le charbon est le plus polluant des combustibles, sa relance risque de buter en Europe sur les rejets de CO2 et autres gaz à effet de serre. Au Royaume-Uni, UK Coal, numéro deux national du secteur, vient d’en faire l’expérience. Il a essuyé trois refus des pouvoirs publics, qui craignent l’accroissement les émissions de soufre et d’azote, principales causes des pluies acides.

Par Georges Quioc, lefigaro.fr