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Les Algériens invités à confirmer ou renvoyer Bouteflika

mercredi 7 avril 2004, par Hassiba

Dix-huit millions d’électeurs algériens sont invités aux urnes jeudi pour le premier scrutin présidentiel réellement pluraliste organisé depuis l’indépendance du pays en 1962 et après dix ans d’une guerre civile entre « islamistes » et « républicains » qui a fait plus de 120.000 morts.

Le taux de participation, la régularité des opérations de vote que l’armée s’est engagée à faire respecter, l’éventualité d’une mise en ballottage du président sortant Abdelaziz Bouteflika, âgé de 67 ans, et l’organisation d’un second tour, le 22 avril, sont parmi les principaux enjeux du scrutin alors que les rivaux du « président-candidat » mettent déjà en garde contre ses velléités de « hold-up électoral ».

Ali Benflis, 59 ans, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique) et premier ministre de Bouteflika de 2000 à 2003, est considéré comme le principal rival du chef de l’Etat.
Candidat du « changement » et de la « nouvelle génération », bénéficiant du soutien de plusieurs cadres de l’armée qui s’inquiètent de la « présidentialisation » du régime pratiquée par un Bouteflika qu’ils avaient contribué à faire élire en 1999 avec 73% des voix, Ali Benflis martèle depuis plusieurs jours que « le dispositif de la fraude électorale est en place ».

Même inquiétude chez Saïd Sadi, le candidat du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, berbériste laïc) et chez Abdallah Djaballah, le candidat du parti islamiste Al Islah (la réforme). « Alliés techniquement » pour contrôler la transparence du scrutin dans les 40.000 bureaux de vote, ces trois candidats viennent ainsi de dénoncer « la volonté avérée du président Bouteflika d’annoncer sa victoire dès le premier tour avec un pourcentage de 53 à 55% ».
Dans un communiqué conjoint, les trois candidats avertissent qu’ils « ne reconnaîtront pas » un tel résultat tout en « invitant » implicitement l’armée algérienne à « arrêter ce complot ».

La presse privée algérienne, dont les « plumes venimeuses au service des puissances étrangères » sont régulièrement fustigées par Abdelaziz Bouteflika, s’inquiète également mercredi d’une fraude massive. « Le scénario du pire » titre « Le Matin » qui craint des « affrontements de rue », « Chronique d’un putsch annoncé » annonce « Liberté », « le résultat déjà arrêté ? » s’interroge « El Watan ».
En absence de tout sondage crédible, le quotidien gouvernemental « El Moudjahid » tente quant à lui d’évaluer la popularité des candidats en faisant le décompte minutieux du nombre de participants aux meetings de campagne. Le journal, qui ne précise pas sa méthodologie, assure ainsi que le président Bouteflika a rassemblé 1.223.630 personnes, Ali Benflis 169.701 et Abdallah Djaballah 56.741 sympathisants.

Au terme de trois semaines d’une campagne électorale qui a connu de nombreux dérapages verbaux, où les tracts dénonçaient tour à tour le « nain sectaire », « l’homosexuel polygame », « la sorcière venimeuse », ou le « fils de harki », les rues d’Alger et des grandes villes algériennes sont tapissées de dizaines de milliers d’affiches et de portraits des six candidats.

« Boutef’ the best », « Bouteflika, un homme à respecter », proclame ainsi une affiche sur laquelle le président sortant, « candidat de la continuité » et de « la réconciliation nationale » affiche un sourire optimiste. « Y a pas de doute, c’est le meilleur », proclame Moktar, 42 ans, vendeur de meubles. « En 1991, j’avais voté pour le FIS (Front islamique du salut, dissous en 1992, ndlr) et j’avais gagné ; là je vais voter pour lui et il va gagner ; il ne faut pas croire les commérages des journalistes ».
AP

Nicolas Marmié, Le Nouvel obs