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Les Etats-Unis et les retombées du 11 Septembre

dimanche 29 août 2004, par Hassiba

Après le 11 septembre 2001, la situation aux Etats-Unis a complètement changé. Elle a particulièrement changé pour les immigrés installés dans ce pays depuis plusieurs années.

A cet effet, de nouvelles décisions sévères ont été prises à l’égard de la communauté immigrante et une réglementation des plus rigoureuses a été appliquée aux personnes établies aux Etats-Unis et issues de plusieurs pays, notamment l’Egypte, l’Algérie, le Soudan, la Libye, la Syrie, le Liban, la Tunisie, le Maroc, le Koweït, la Corée, le Pakistan, l’Iran... L’objectif est de contrôler et de surveiller à la trace les mouvements de ces individus.

Le pire, pour les immigrés qui n’étaient pas préparés à subir cette métamorphose, était de se présenter au service du NEERS, un système d’enregistrement d’entrée et de sortie du territoire national, pour leur immatriculation. 290 000 immigrés ont été ainsi immatriculés. Cette opération a débuté en 2002 et les immigrés n’étaient nullement prêts à faire face à ces nouvelles exigences.

A ce jour, aucune des personnes immatriculées n’a reçu de convocation ni soupçonnée d’être affiliée à une organisation terroriste ou eu des antécédents avec la justice. Cela dit, des personnes latino-américaines et arabo-musulmanes ont été arrêtées et maintenues en prison sans aucun chef d’accusation d’autres individus ont été emprisonnés dans des endroits non identifiés et leur famille ignorait carrément leur sort. L’autre changement qui a affecté cette catégorie de personnes est celui portant sur la lenteur dans la régularisation des dossiers.

Situation complexe
Avant le 11 septembre 2001, les immigrés, qui optaient pour le mariage avec des Américains, obtenaient facilement l’autorisation de régularisation de leur situation. Ce papier leur était délivré après une audience avec les services de l’immigration. Néanmoins, après le 11 septembre 2001, ce dossier n’était plus une priorité et était relégué au second plan et ceux qui réclamaient sans cesse la régularisation de leur situation ont eu comme réponse : « Cette question n’est pas à l’ordre du jour. Nous avons d’autres priorités. » La situation est devenue complexe et elle l’est davantage aujourd’hui. Pourquoi ? Il existe actuellement plusieurs personnes qui ont immigré aux Etats-Unis, mais elles ne se sont pas manifestées au niveau des bureaux pour leur immatriculation. « Nous ignorons comment va procéder le gouvernement américain pour la gestion de cette problématique.

A l’heure actuelle, la cour de justice se penche sur ce sujet », révèle Mme Wafa J. Hoballah, experte dans les affaires extérieures et avocate de la communauté immigrante, et ce, lors d’une rencontre avec une délégation composée d’Algériens, de Marocains et de Tunisiens. Mme Wafa nous a conseillés de nous présenter au bureau d’immigration si, lors de notre arrivée à Washington, nous avons subi deux au lieu d’un contrôle, et ce, dans le but d’éviter un refoulement ou bien le refus d’un visa à l’avenir. Lors de notre tournée aux Etats-Unis, nous avons fait tout d’abord escale à Washington, puis à l’aéroport de Kentucky et ensuite à Dallas. Dans ces différents points, nous avons été soumis à une fouille et à un contrôle minutieux. Les voyageurs des pays « listés » sont immédiatement repérés par les services de contrôle en raison des initiales SSSS. Ils sont priés de patienter et d’attendre leur tour pour le contrôle. Ainsi, le voyageur est invité tout d’abord à enlever ses chaussures, la ceinture retenant le pantalon, une épingle relevant les cheveux...Le contrôle s’effectue de la plante des pieds jusqu’à la tête. Une fois la fouille physique achevée, les agents de la sécurité portant des gants vident et trient le sac à main. S’ils ont un tout petit doute concernant un quelconque objet, il le passe encore une fois au scanner. Aujourd’hui, le gouvernement américain a revu entièrement sa politique en matière d’immigration.

Des centaines de personnes ont obtenu le visa d’entrée aux Etats-Unis qui leur fut retiré par la suite. Cet état de fait est peut-être supportable lorsque l’on sait que des dizaines d’autres individus ont été interceptés à l’aéroport par les agents de patrouille des douanes et de la sécurité du territoire et ont été refoulés avant de fouler le sol américain. « Des cas similaires sont nombreux et c’est une procédure légale. Ils peuvent pour le moindre soupçon vous placer dans un avion à destination de votre pays avant d’entrer dans le territoire », a souligné Mme Wafa, qui illustre ce fait par l’exemple d’un Soudanais qui vit aux Etats-Unis. Celui-ci s’est rendu dans son pays pour des vacances. A son retour aux Etats-Unis, il a été arrêté et refoulé en raison de son nom qui figure sur la liste des recherchés. En dépit de sa contestation, rien n’a été fait. Mme Wafa est alors intervenue en sa faveur et a défendu sa cause. Le dossier du Soudanais a été étudié à plusieurs reprises, les photos d’identité des deux personnes ont été comparées à maintes fois, en vain. L’unique indication qui a levé le voile sur ce problème et lavé de toute accusation l’homme d’affaires était sa corpulence. Celui-ci était grand de taille et mesurait 2,10 m. Le recherché, quant à lui, était petit. « S’il n’y avait pas cette différence, mon client n’aurait jamais revu l’Amérique », explique l’avocate, qui ajoute : « Les programmes de contrôle des immigrés sont spéciaux et portent essentiellement sur des individus et leur religion. Le service de contrôle connaît même le nom de votre grand-mère et possède des ordinateurs équipés d’un logiciel contenant toutes les données. A l’aéroport, il effectue sur le logiciel une recherche complète et exhaustive. Il procède de la sorte car il craint qu’entre la délivrance du visa et votre départ vers les Etats-Unis, il n’y ait eu des changements sur votre compte », nous renseigne Mme Wafa.

Contrôles spéciaux
Il reste que la nouvelle attitude adoptée par le gouvernement des Etats-Unis a découragé plusieurs hommes d’affaires des régions mises à l’index à venir investir dans ce pays. Ils estiment qu’un peu de considération à l’égard de ceux qui mettent de l’argent au service de leur pays n’est pas de trop. « Sur le plan économique, le gouvernement américain est sorti le premier perdant par l’application de ses instructions. Les hommes d’affaires du Golfe, du Maghreb... considèrent humiliant ce type de comportement et refusent de se rabaisser », dira l’avocate. Par ailleurs, les réfugiés politiques ne sont pas concernés par le système d’immatriculation.

Toutefois, l’Association des avocats de l’immigration a vérifié tous les dossiers et, selon certaines informations, le FBI effectue des visites inopinées aux ONG et demande à examiner les dossiers des Irakiens et des Algériens.
Mme Wafa s’est dit déçue de constater que les Arabes ignorent leurs droits ; ce qui implique qu’ils ne connaissent pas les lois du pays d’accueil et, en parallèle, ils ne font aucun effort allant dans le sens de la sensibilisation des Américains sur leur religion, leur culture... « Ce qui est encore triste, c’est la division de la communauté arabe. Celle-ci ne s’entraide pas, contrairement aux juifs qui ont constitué un lobby puissant et qui sont considérés ou perçus comme étant des Américains. Nous n’avons pas besoin de renier notre identité pour vivre au sein de la communauté américaine. Il suffit juste de défendre ses convictions », a déclaré Mme Wafa, qui ajoute que la seule fois où la communauté arabe s’est rapprochée entre elle, c’était après les attentats du 11 septembre 2001. Mais une fois le calme revenu, chaque Arabe est retourné dans son coin. Cependant, Mme Wafa s’est interrogée quant à l’adoption de la loi portant sur le patriotisme (Patriot Act), et ce, juste après les attaques du 11 septembre. « Cette loi existait depuis des années, mais l’opportunité ne s’est pas présentée pour son adoption.

Le 11 septembre était l’occasion idéale et inattendue pour le Congrès de voter cette loi qui autorise l’arrestation des individus, la vérification de leurs papiers d’identité et l’accès à leur fichier », affirme Mme Wafa. Pour M. Salhi, professeur à l’université de Californie d’origine algérienne, résidant en Californie, le 11 septembre a créé une haine des Américains envers la communauté arabo-musulmane et la guerre en Irak a ravivé davantage cette haine. « Nous étions considérés comme des indésirables à l’université. Les étudiants américains ne rataient aucune occasion pour exprimer leur dégoût envers les Arabes. Ils se défoulaient dans les vestiaires et sur les murs de l’enceinte. Pour les Américains, un Arabe était un terroriste. Heureusement que la situation a un petit peu changé », dira-t-il.

Frontières Américao-Canadiennes : Êtes-vous un espion, un terroriste ou un nazi ?
C’est à ce genre de questions que devront désormais répondre les immigrants établis au Canada lorsqu’ils franchiront la frontière des Etats-Unis, révèle le quotidien The Gazette de Montréal, dans un article daté du 27 août 2004.

Les immigrants, quel que soit leur pays d’origine, devront en effet remplir un formulaire et répondre oui ou non à la question « Avez-vous été ou êtes-vous impliqué dans des activités d’espionnage, de sabotage, de terrorisme, ou de génocide ; et entre 1933 et 1945 étiez-vous impliqué, de quelle que manière que ce soit, dans les persécutions associées à l’Allemagne nazie ou à ses alliés ? »

Apparemment, ces questions peuvent sembler stupides car on n’imagine pas un terroriste d’El Qaîda assez naïf pour répondre oui. En fait, c’est la réponse (ou son absence) qui est importante car elle sera utilisée comme preuve à conviction devant un tribunal et une fausse déclaration servira à accélérer les procédures judiciaires ou de déportation. Cette mesure, qui s’appliquera dès le 30 septembre, imposera en outre la prise d’empreintes digitales. Mais ce n’est pas tout. L’entrée aux Etats-Unis va se durcir encore vers la fin de l’année quand, en plus des empreintes, on prendra la photo de tout étranger concerné par le programme US visit (indicateur technologique du statut d’immigrant et de visiteur aux Etats-Unis), c’est-à-dire tout le monde, sauf les Canadiens (à part certains d’origine arabe ou de religion musulmane) et certains Mexicains.

Toutefois, il est possible que ces mesures soient étendues par la suite aux citoyens canadiens (qui pour l’instant entrent chez leur voisin du Sud sur simple présentation d’une pièce d’identité) ainsi qu’aux résidents et même aux citoyens américains eux-mêmes. Les citoyens américains et canadiens d’origine arabe (surtout les premiers) se sentent de plus en plus ostracisés et traités comme des citoyens de seconde zone. Il y a quelques mois, après l’imposition de mesures d’identification photographique et anthropomorphique semblables à leur égard, le ministère des Affaires extérieures canadien leur avaient recommandé d’éviter d’aller aux Etats-Unis, puis avait retiré ce conseil sous la pression américaine. Depuis, certains Canadiens arabes sont même allés, par souci naïf d’anonymat, jusqu’à demander qu’on retire le lieu de naissance de leur passeport canadien. Ce qui, évidemment, attire encore plus l’attention sur eux quand ils voyagent dans des pays où ils ne sont pas particulièrement les bienvenus ou dont la notion de droit est fluctuante.

L’attrait qu’exercent les Etats-Unis sur les touristes canadiens a beaucoup diminué ces dernières années. D’abord pour des raisons très matérielles. La force du dollar américain face au dollar canadien a découragé beaucoup de touristes, surtout ceux du dimanche qui allaient faire le plein d’essence, d’alcool, de tabac et de marchandises diverses à Burlington, Plattsburgh et dans toutes les villes frontalières américaines. Les attentats du 11 septembre ont été très fortement ressentis au canada et ont profondément choqué les Canadiens qui, s’ils sont solidaires du peuple américain, évitent de plus en plus de mettre le pied sur leur territoire de peur du terrorisme et de plus en plus de peur des tracasseries policières ou administratives. Dans la « Belle province » en particulier, on se souvient des Québécois qui ont eu maille à partir avec les agents américains.

On se souvient aussi des mésaventures de ce jeune Français qui a fait de la prison et a dû payer une forte amende, simplement parce que, sous le coup de l’exaspération, il avait répondu à une hôtesse de l’air hargneuse qui le harcelait jusque dans les toilettes de l’avion : « My shit is not a bomb ! » (Ma merde n’est pas une bombe !).

Par Nabila Amir(L.A.), Djamel Khellef(Montréal), El Watan