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Les dessous de la visite de Jacques Chirac à Alger

mercredi 14 avril 2004, par Hassiba

Jacques Chirac s’est invité à Alger demain à la surprise générale du côté des deux rives. Cette « visite d’amitié et de travail », selon le communiqué officiel, n’était pas programmée dans l’agenda de l’Elysée car, nous confie une source proche du Quai d’Orsay, « c’est une initiative personnelle de Chirac ».

Effectivement, il est difficile de croire que l’application de la vague « déclaration d’Alger » ne pouvait attendre que les évènements en Algérie se stabilisent et que les institutions retrouvent leur cours ordinaire. Soit admettons que « la feuille de route pour la refondation des relations bilatérales », selon les déclarations du porte-parole du Quai d’Orsay, soit sérieusement discutée en trois heures de temps.

Le président français, qui s’était distingué par de chaleureuses félicitations à Bouteflika, avant même la proclamation officielle des résultats, récidive par cette curieuse visite à son homologue algérien qui n’a d’ailleurs pas encore prêté serment comme le prévoit la Constitution. Chirac ne semble pas faire grand cas de ces formalités constitutionnelles locales et accourt accompagné de près d’une quarantaine de journalistes pour cautionner une réélection jugée unanimement douteuse par la presse parisienne.

Selon notre source, Chirac de nouveau s’enlise dans « sa politique maghrébine » qu’il utilise pour renforcer son image de « grand VRP de la France à l’étranger ». L’épisode tunisien qui lui a valu quelques coups de semonce de son opinion ne l’a pas amendé et le revoilà à soutenir ouvertement un plébiscite aux forts relents totalitaires. Mais Bouteflika n’est pas Ben Ali et « la démocratie du pain » tunisienne, selon les propos méprisants de Chirac, n’est pas la démocratie algérienne si l’on admet que les deux pays appartiennent peu ou prou au groupe des Etats démocratiques. Le président français a choisi de soutenir les dictateurs de la région non seulement contre les aspirations de leurs peuples respectifs mais surtout contre l’opinion et la classe politique françaises.

Mais des images au JT de 20 h, quelques photos dans les magazines parisiens valent bien quelques entorses aux principes de la République surtout si cela peut effacer la récente débâcle de la droite. Le bilan que font nombre de politiques et d’industriels de l’Hexagone de la coopération entre les deux pays durant le premier mandat de Bouteflika est loin d’être aussi euphorique que celui de Chirac.

Notre interlocuteur rappelle que pendant cinq ans « Paris n’a cessé de multiplier les gestes de bonne volonté et de disponibilité envers Alger sans aucun résultat pour l’instant ». En termes d’investissements et de partenariat économique, le bilan est en fait très négatif en raison des « blocages de l’administration algérienne ». Notre source ne voit pas comment les choses pourraient changer alors que la même équipe au pouvoir est reconduite. A gauche comme à droite, on ne cache pas son scepticisme à l’égard de la politique « algérienne » de Chirac qui fait la danse de la pluie avec Bouteflika mais qui arrose les Américains plutôt que la France. La forte et croissante présence américaine dans les secteurs de l’énergie, de la téléphonie, de l’aéronautique et de la sécurité ne laisse que des miettes aux français.

Cette offensive US ira certainement crescendo avec le grand projet de démocratie au Moyen-Orient et leur plan de lutte antiterroriste dans le Sahel (Mali, Niger, Tchad et Sud algérien). Washington a besoin de s’assurer l’appui ou au moins la neutralité des régimes du Maghreb pour pouvoir mener à bien son projet au Moyen-Orient. Pour tous ces dossiers, les américains traitent avec les états-majors militaires, ossature du pouvoir dans la région.

Ce qui fait dire à notre source : « En Algérie, les américains traitent avec les généraux et Chirac avec Bouteflika. » Un état de fait qui serait dû en partie à l’affaire de Nezzar à Paris et à la prévalence du « qui tue qui ? » dans les milieux médiatico-politiques parisiens.

Ghania Khelifi, Le Matin