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M. Benachenhou : "10 milliards de dollars dorment dans les banques publiques"

lundi 22 novembre 2004, par Hassiba

Le Sénat a poursuivi hier les débats sur le projet de loi de finances 2005. La plénière était marquée par les prises de parole des présidents des groupes parlementaires siégeant dans cette institution.

Les représentants du MSP, du FLN, du RND et du tiers présidentiel ont fait des interventions d’ordre politique, donnant ainsi l’orientation de chacune des formations. Des interventions qui, il faut le signaler, diffèrent de celles faites par les présidents des groupes parlementaires de la Chambre basse, en ce sens que la plupart étaient empruntes de langue de bois fastidieuse.

Nonobstant cela dit celle du président du groupe parlementaire du RND dont l’allocution était plus pragmatique, mais aussi allant droit au but, même si Chihab Seddik, c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas omis de rappeler que son parti continue à soutenir le programme du président de la République. Le représentant du parti de Ahmed Ouyahia a déploré le fait qu’il soit difficile à la Chambre haute de débattre des motivations d’une telle loi qui se prépare avec la logique des réformes « au moment où les pressions sociales s’accentuent pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens, ce d’autant que la situation du pays est marquée par la bonne santé financière.

Mais aussi par la crise de logement et la détérioration du pouvoir d’achat des citoyens ». « Ces crises coïncident avec la stagnation des recettes financières importantes pour l’investissement économique et social, dont « les secteurs bancaire et fiscal », dira encore Seddik Chihab. Ce fut ensuite au tour du ministre des Finances de rejoindre le pupitre de l’hémicycle pour apporter les réponses aux questions soulevées par les sénateurs. Il commencera par relever le climat serein et sage qui a marqué les débats sur le projet de loi. Une manière comme une autre de dire que leurs collègues de l’APN ne lui ont pas fait de cadeaux. M. Benachenhou reviendra longuement sur la nécessité des réformes économiques. « Si l’on n’accélère pas les réformes, la croissance stagnera. Nous continuerons alors à dépendre des hydrocarbures et du bon vouloir du ciel en matière pluviométrique, mais aussi des décisions que nous donnera Bush. »

Le premier argentier du pays citera cinq facteurs de blocage des réformes et ce dans tous les secteurs d’activité. Il s’agit tout d’abord des obstacles législatifs et réglementaires. « Pour une partie, nous les connaissons et nous privilégions le statu quo, tandis que pour d’autres, nous ne les comprenons pas encore ». Assez vague comme argument quand on sait que l’incohérence des textes n’est pas nouvelle et qu’il s’agit uniquement de les revoir puisque le gouvernement a décidé d’une refonte quasi totale de sa législation et réglementation en matière économique.

Le deuxième obstacle, selon le ministre des Finances, réside dans l’affection pour le secteur public. Il citera en exemple le cas des cimenteries. « Il y a 12 cimenteries publiques et une privée, appartenant à Orascom. Les 12 réunis ont une capacité théorique de 13 millions de tonnes, mais la production réelle n’est que de 8 millions de tonnes. Celle de Zahana a une capacité de 1 000 000 de tonnes alors qu’elle n’en produit que 500 000 et ce depuis des décennies. Et lorsqu’un privé s’est proposé de la reprendre et de doubler la production, il y a eu rejet », indiquera Abdelatif Benachenhou. Et d’ajouter : « Le potentiel de croissance est énorme, il ne manque que la décision et c’est là que cela bloque. » Le problème du foncier semble être un des plus importants facteurs de blocage. « Le foncier des entreprises dissoutes s’élève à 800 hectares. La loi nous permet de l’exploiter, mais quand il s’agit de l’exécution, des contradictions surgissent ».

Quant aux entreprises encore en activité, elles disposent de 8 500 ha, dont la moitié peut être utilisée pour d’autres activités économiques. Car la redynamisation du foncier fait partie de la réussite des réformes.

Le système bancaire et la problématique des ressources humaines, voire du management constituent les deux autres obstacles cités par le ministre des Finances. « L’intermédiation bancaire n’existe pas », dira-t-il en précisant que « les banques restent frileuses quant à leur participation dans l’encouragement aux investissements. Nous avons d’une part 10 milliards de dollars qui dorment dans les banques et d’autre part des investisseurs qui attendent des crédits pour se lancer dans l’activité économique. » Pour M. Benachenhou, les raisons sont à trouver dans le manque de compétence et d’expertise.

Enfin, le ministre des Finances apportera certaines précisions quant au Fonds de régulation des recettes, démentant ainsi la déclaration de Mme Drif qui avait avancé le chiffre de 1 000 milliards de dinars dans ladite cagnotte. « C’est très dangereux de faire cette déclaration. Ça peut avoir des répercussions aussi bien internes qu’externes. Mais je sais d’où lui vient l’information », dira l’orateur sans définir la source. M. Benachenhou informera par contre l’assistance que ce fonds sera de l’ordre de 640 milliards de dinars d’ici à la fin de l’année. Il augmentera donc de plus de 100 milliards de dinars. Il démentira également que la rémunération de la garde communale provient du fonds commun des collectivités locales. « Les gardes communaux sont payés sur le budget de l’Etat. Les salaires sont versés dans ce fonds, uniquement. » Ces précisions apportées, les sénateurs devront voter la loi de finances jeudi prochain, sans blocage aucun comme annoncé par certains observateurs qui pariaient sur la création de la commission paritaire.

Par Faouzia Ababsa, La Tribune