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Marché de la viande en Algérie : La pagaille (suite et fin)

jeudi 29 avril 2004, par Hassiba

La forte demande se porte sur la viande congelée et le poulet et, dans une moindre mesure, la dinde. Mais à quelques jours des fêtes, on assiste, en Algérie à la flambée des prix de ces deux derniers produits.

Les spécialistes s’accordent à dire que dans tout marché ouvert, il faut diversifier l’offre. Il faut qu’il y ait toutes sortes de viandes. Il y a lieu de souligner, toutefois, que les prix des viandes sont, conformément à la loi, libres. Mais pas l’organisation du marché qui relève de l’état.

Le dysfonctionnement dans les circuits de distribution fait qu’entre le prix à la source, celui du gros et celui du détail, l’écart est astronomique. L’état absent, la spéculation joue. Conséquence : le produit le plus prisé à la veille des fêtes, le poulet est passé de 160 à 200 dinars, la dinde de 350-400 dinars le kilogramme à 500 dinars. Voilà comment des commerçants profitent des opportunités de fêtes pour déplumer le simple citoyen.
Abordons maintenant la viande congelée de plus en plus recherchée. Elle est importée d’Uruguay, du Brésil, d’Australie, de Nouvelle-Zélande ... Régions grâce auxquelles l’Algérie a contourné l’obstacle de la vache folle en achetant en dehors de l’Europe la viande pour réduire les tensions sur le marché.

Quel contrôle de la qualité de la viande congelée ?
L’éloignement de ces pays fait que la viande ne peut être acheminée en Algérie que congelée. Celle-ci arrive dans des containers doublement scellés par les douanes et les services vétérinaires. S’il manque un scellé, la marchandise est refoulée. Un mouchard donne toutes les températures de la viande le long du voyage afin de constater s’il n’y a pas eu rupture de la chaîne de froid. Un contrôle documentaire sanitaire s’effectue sur place à travers lequel est vérifié le certificat (sanitaire) officiel ainsi que le bulletin d’analyses. En présence des douanes et du transitaire, les services vétérinaires descellent les containers. On procède ensuite à la visite de la marchandise dans le but de vérifier si les carcasses découpées en morceaux sont conformes.

Un prélèvement systématique est aussitôt entrepris et envoyé au laboratoire. Il faut noter qu’un refus d’introduction de la marchandise en Algérie peut se faire à n’importe quelle étape de ce processus. La main levée à la marchandise ne peut être effective qu’une fois les résultats des analyses favorables et conformes aux normes. Ce qui signifie que la viande en question peut être introduite sur le marché national. Ainsi, la marchandise sort des ports dans des camions à froid négatif. Elle est acheminée vers des centres d’entreposage à froid négatif agréés par les services vétérinaires jusqu’à leur écoulement sur le marché de détail. Il faut dire que les insuffisantes quantités de viande congelée importées n’ont pas réussi à détrôner la viande locale. La raison est que ce sont deux habitudes culinaires différentes.
Autrement dit, l’Algérien n’a pas encore découvert que les mêmes protéines des viandes fraîches se retrouvent dans celles congelées. Pourtant, les prix de la viande congelée sont estimés entre 250 et 300 DA le kilogramme. Une chose est certaine, cette viande commence à attirer de plus en plus de consommateurs de par son prix et surtout sa qualité. Des points de vente poussent comme des champignons y compris dans la zone steppique réputée pour l’offre suffisante en ovin. C’est en tout cas la période de l’évolution des habitudes culinaires en Algérie. D’ailleurs, la consommation de la dinde s’inscrit dans cette logique. En dépit de son prix trop élevé, 450 DA/kg, la dinde est appréciée de mieux en mieux par les Algériens. Les aides de l’État estimées, entre autres, à 3 millions de dinars pour la création d’un centre de découpe de cette bête encouragent l’opérateur à s’investir davantage dans ce créneau. Car, cette découpe rend plus facile la commercialisation de la dinde. En termes plus clairs, il lui est plus aisé de la vendre en morceaux qu’entière.

L’importation reste l’une des solutions
Cette tendance dans le choix de la viande de la dinde est, essentiellement, due à l’existence de nos jours d’éleveurs spécialisés. Au ministère de l’Agriculture, l’optimisme quant à une baisse réelle des prix de la viande est affiché. Le Dr Bouguedour, directeur des services vétérinaires au ministère, s’appuie sur l’exemple des prix du poulet qui, après une flambée durant le ramadan, commencent à se stabiliser entre 110 DA et 115 DA le kg alors qu’il atteignait les 250 DA le kg durant le mois de carême.

La crise sanitaire qu’a subie le poulet à l’international a provoqué sa rareté car, il y avait plus de poussins qui provenaient des pays étrangers. Comme tous les ans, durant les fêtes religieuses et nationales, la consommation de la viande blanche enregistre une augmentation chez les Algériens. Les observateurs estiment que ce n’est qu’une spéculation du marché. Ils justifient leurs dires par l’absence de pression sur les intrants contrairement à ce qui s’est passé durant le premier semestre de l’année 2003. Compte tenu de la crise sanitaire qu’ont subie de nombreux pays, les quantités d’intrants, à savoir les poussins, les œufs à couver, le maïs, le soja et les médicaments, étaient très faibles. Le problème d’approvisionnement de ces éléments a provoqué une forte pression sur le poulet. D’où les prix qui sortent de l’ordinaire du poulet et de la dinde. L’évolution de la volaille s’est effectuée ensuite “en dents de scie”, pour reprendre l’expression du Dr Bouguedour, directeur des services vétérinaires au ministère de l’Agriculture. Une fois la crise sanitaire qui a secoué plusieurs pays dans le monde éliminée, le marché national a été inondé d’intrants, ce qui a fait baisser les tarifs pratiqués.

Ainsi, pendant le deuxième semestre de l’année écoulée, la mise en place des quantités suffisantes d’intrants a été suivie d’une certaine stabilité des prix. Ces jours-ci, avant la fête du Mawlid Ennabawi, les prix du poulet ont encore une fois repris leur flambée. Le kg est cédé à environ 210 DA. Cela s’explique par le manque de régulation du marché de la volaille. Car, une meilleure organisation exige qu’en cas de surproduction, le surplus est retiré du marché pour être sauvegardé au frais.
Les quantités en plus ne seront commercialisées que durant les moments de crise et quand le besoin s’exprime. Dans cette affaire, le pouvoir d’achat de la majorité des citoyens “prend un sale coup” paradoxalement dans des jours où devraient s’exprimer la solidarité et la générosité. Jusqu’à quand peut-on tolérer l’absence de l’état ?

Viandes congelées : les importations en hausse
41 000 tonnes introduites en 2003
Le Centre national d’information et de statistiques (CNIS) des douanes indiquent que durant l’année 2003 plus de 41 000 tonnes de viandes congelées d’une valeur de près de 88 millions de dollars US. ont été importées. Les quantités introduites en 2002 n’ont, en revanche, pas dépassé les 18 000 tonnes, soit un montant global de plus de 35 millions de dollars US. La viande de bovin, désossée, congelée, se taille la part du lion, selon les statistiques du CNIS, avec plus de 38 000 tonnes importées estimées à plus de 81 millions de dollars US.b. Les fournisseurs sont entre autres, l’Uruguay (plus de 18 000 tonnes), l’Argentine (14 330 tonnes), le Brésil près de 4 000 tonnes), les États-Unis...

Par Badreddine Khris, Liberté