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Polémique sur un "kit euthanasie" vendu en pharmacie en Belgique

lundi 25 avril 2005, par Hassiba

La mise en vente, dans le réseau de l’un des principaux distributeurs de produits pharmaceutiques, d’un "kit euthanasie" contenant les produits et le matériel nécessaires pour abréger la vie suscite des remous en Belgique.

L’initiative du groupe Multipharma est contestée par l’ordre des pharmaciens et a amené quelques médecins à exprimer leurs réticences. Ce sont davantage de sombres querelles commerciales que le principe même de cette initiative qui sont au coeur de la polémique.

Si Multipharma est mis en cause, ce n’est pas parce qu’il aurait enfreint la loi sur l’euthanasie adoptée, en 2002, en Belgique. Ce texte n’interdit pas la délivrance des produits nécessaires dans les pharmacies. Au contraire, la commission de contrôle et d’évaluation créée par cette même loi a souligné qu’il fallait faciliter l’obtention, par les médecins, de ces produits. Multipharma a, en revanche, bravé des dispositions que les députés ont oublié de réviser. Il est interdit de vendre moins de 10 ampoules à la fois. Or, le "kit" n’en contenait que trois...

Voilà qui mérite sans doute une explication. Une déclaration d’euthanasie par jour est désormais recensée dans le royaume. La plupart (60 %) sont pratiquées à l’hôpital, les autres au domicile des malades. La commission de contrôle a insisté sur la difficulté que rencontrent des médecins et des pharmacies pour se procurer les substances requises. Or la loi interdit bel et bien de "déconditionner" des boîtes de 10 ampoules, avec lesquelles cinq euthanasies peuvent être pratiquées. Après avoir enfreint cette règle, Multipharma a été accusé par l’ordre des pharmaciens de se livrer à "une publicité déguisée et racoleuse" pour les officines de son réseau. "Faux", affirme le groupe, qui dit avoir voulu remédier aux difficultés des médecins. Il met donc à leur disposition, sur commande et dans un délai de 24 heures, son "kit", facturé 45 euros, non remboursable par la Sécurité sociale.

Les médecins doivent se rendre personnellement à la pharmacie pour le retirer, puis sont tenus de ramener les produits non utilisés afin qu’ils soient détruits. Cette pratique est calquée sur celle des Pays-Bas, premier pays européen à avoir légalisé l’euthanasie.

L’ordre des pharmaciens belges a brandi la réglementation officielle sur le conditionnement des ampoules mortelles mais aussi invoqué la liberté, pour chaque malade, de choisir son dispensateur de médicaments. Par ailleurs, une association de pharmaciens indépendants, APB, prépare également un "kit" et c’est elle qui aurait fait pression pour que soit entravée la démarche de son concurrent. Résultat : Multipharma a dû se résoudre à replacer 10 ampoules, au lieu de 3, dans sa trousse "euthanasie", entraînant un doublement de son prix.

"Cette affaire est une tempête dans un verre d’eau", a déclaré le président d’APB. Ce n’est pas l’avis des commentateurs, qui évoquent le cynisme qu’elle traduit. "C’est du pur Kafka", résume le quotidien flamand De Morgen, qui appelle le monde politique à régler cette affaire.

Par Jean-Pierre Stroobants, lemonde.fr