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Rachid Taha : Tékitoi ?

vendredi 22 octobre 2004, par Hassiba

L’enfant terrible de ce qui reste de l’esprit punk, l’héritier oranais de Joe Strummer, le rocker à la voix écorchée, Rachid Taha, fait l’actualité musicale de cet automne 2004 avec un nouvel album interrogatif intitulé Tékitoi ?

Celui qui est devenu malgré lui le porte-drapeau de la culture métissée française doit sa longévité musicale au choix de ne pas se désintégrer dans la bouillie de l’intégration. Il a pris le parti de brasser les cultures pour en faire à l’arrivée un melting-pot percutant et festif.

Né un 18 septembre de l’an 1958 à Oran, Rachid Taha connaît à 10 ans l’émigration en France avec ses hivers rudes et le racisme encore plus cruel des enfants. Plus tard, il sera sur les routes de son pays d’adoption pour vendre des livres de littérature française, avant de boucler la boucle et de repasser par la case usine dans la banlieue lyonnaise. Ensuite c’est le chant. On entend sa voix râpée pour la première fois dans les années 1980 avec un groupe dont le nom est déjà tout un programme : « Carte de Séjour », un OVNI musical et un détournement avec préméditation d’une certaine idée de la réussite en France. De ce groupe déjà passé par Alger, l’on retient Khokhomanie, Zoubida ... Et la reprise de Douce France de Charles Trenet, devenue dans la bouche de Rachid Taha, toute une dose de poil à gratter pour les bonnes consciences françaises en plein débat sur la nationalité.

Les années 1990 marquent la fin d’une époque et le début d’une carrière en solo pour Rachid Taha avec un premier album Barbès dont le titre éponyme mêle les sons et les senteurs d’un quartier algérien en plein Paris. Suivent Rachid Taha en 1993 et Olé Olé en 1995. Puis la seconde vie de Ya Rayah lui donne des ailes. La reprise de la chanson de Dahmane El Harrachi (lui aussi une des figures de la chanson algérienne de l’émigration) est sur toutes les pistes de danse de Paris et de Londres et résonne à Bombay comme à Istanbul. Cela ne put rester sans suite, et donna l’album Diwan, véritable bijou d’orchestration pour des titres d’icônes du chant du Maghreb et du Machreq tels Hadj El Anka, Khelifi Ahmed, Nass El Ghiwane ou Farid El Atrache. Une revendication sans équivoque de ses racines et de la sève qui nourrit sa muse. Made in Medina, sorti en 2000, lui vaut la consécration. Il réussit l’alchimie entre sonorités traditionnelles et ambiances électriques du rock et synthétise des années de scènes et des expériences aussi inédites que le trio formé avec Khaled et Faudel pour 1,2,3, Soleil, ou sa virée asiatique.

Cette année, Rachid Taha revient avec un cinquième opus, en hommage au chanteur des Clash, Joe Strummer avec Rock El Casbah. Toujours produit par son ami et complice l’Anglais Steve Hillage, Rachid Taha s’offre la participation de deux invités prestigieux : le chanteur des Têtes Raides Christian Olivier sur le titre Tekitoi ? et le légendaire Brian Eno sur Dima.

Enregistré entre Paris, Londres et Le Caire, Tekitoi ? s’interroge sur la notion d’identité, entre ghetto national, enjeu mondial et question existentielle. La sienne, Rachid Taha l’a réglée en une phrase : « Je ne changerai pas de nom à cause de ma route, je ne changerai pas de route à cause de mon nom. »

Par Yasmina Belkacem, La Tribune