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Révélations sur le trafic de portables en Algérie

mercredi 23 mars 2005, par nassim

Dubaï, Barcelone, Frankfurt et Oujda sont les places par lesquelles transitent les portables introduits frauduleusement en Algérie. Ce commerce informel, qui représente 25% du marché de terminaux dans le pays, constitue une véritable concurrence déloyale.

Le quartier populaire “Belfort”, situé dans la commune d’El-Harrach, est devenu, ces trois dernières années, une véritable plaque tournante pour la téléphonie mobile. Ce quartier renferme une série de magasins de grossistes spécialisés dans la vente d’appareils téléphoniques portables et de leurs accessoires.

Ce commerce constitue, aujourd’hui, une véritable Bourse informelle, en un mot, un commerce parallèle du téléphone portable où s’échangent tous les modèles de mobiles à des prix défiant toute concurrence. Ces magasins, alignés l’un à côté de l’autre dans une ruelle étroite et accidentée, proposent une gamme diversifiée de produits dont les prix sont moins chers de 25% par rapport à ceux pratiqués par les distributeurs officiels ou par les représentants des grandes marques de téléphones portables. La plupart des jeunes activant dans ce marché du mobile se connaissent entre eux et vendent pratiquement au même prix. Mais ils n’affichent jamais de mobiles exposés en vitrine et se contentent uniquement d’indiquer le nom du modèle. À titre d’exemple, le modèle Samsung E330 est cédé à 15 500 DA, alors que son prix chez le distributeur officiel est de 25 000 DA pour le public.

El-Harrach approvisionne différentes régions du pays

Les locaux de ces magasins sont loués, indique-t-on, par ces grossistes à des prix exorbitants dont la moyenne oscillent entre 50 et 70 000 DA/mois.

Trafic de mobiles en Algérie

Les grossistes de Belfort approvisionnent, soutient-on, plusieurs régions du pays en téléphones portables. Ces magasins proposent des mobiles importés frauduleusement dans des cabas de Dubaï, de Barcelone, de Londres et d’Allemagne ou proviennent du Maroc via les frontières terrestres. Ces produits ne sont pas déclarés, selon des sources concordantes, au niveau de la douane, et échappent au contrôle du fisc. Ils sont importés généralement par des tierces personnes qui les transmettent ensuite aux grossistes. Ces derniers maîtrisent parfaitement le moindre détail sur les téléphones mobiles commercialisés dans leurs magasins. Ils sont bien informés sur les dernières innovations technologiques de Nokia, Samsung et Motorola.
À côté de ce commerce informel, le marché algérien est inondé, ces dernières semaines, de téléphones portables portant le label d’opérateurs étrangers tels que l’anglais Vodafone, la marocain Méditel, l’espagnol Amena et l’allemand T-Mobile. Ces mobiles sont commercialisés, selon nos sources, par les grossistes d’El-Harrach pour le Centre, le marché de Dubaï (Sétif) pour l’Est et celui de M’dina j’dida (Oran). Ils sont importés essentiellement de Dubaï, d’Espagne ou d’Angleterre par des revendeurs de mobiles qui ont des agréments d’importation ou sont introduits frauduleusement à travers les frontières terrestres.

Les portables portant le label de ces opérateurs sont, selon nos sources, des appareils flashés, soit ici en Algérie soit à l’étranger, avec des logiciels informatiques qui ne sont pas actualisés ou adéquats. Ces portables sont écoulés, selon les mêmes sources, par ces grossistes à des prix deux fois, voire trois fois moins chers que ceux des distributeurs officiels activant sur le marché national. Ces portables sont vendus, dit-on, sans aucune garantie puisqu’ils sont dans la plupart des cas bloqués ou présentent des dysfonctionnements au niveau notamment de l’écran, du clavier, du réseau et de la carte mère. Donc, ces téléphones deviennent inutilisables et ne peuvent tenir au-delà de trois mois sans défaut. Les produits importés peuvent être, note-t-on, des téléphones portables rénovés, en panne ou flashés.

La technique du flashage de portables

Les téléphones mobiles flashés perdent automatiquement la garantie du constructeur, puisque ce dernier “ne peut pas assurer ou garantir des produits de la contrefaçon”.
La différence de prix est évaluée, selon nos sources, entre 5 et 25% par rapport au prix de vente public. Le modèle Sagem X1W est considéré, indique-t-on, comme étant le modèle le plus touché par le flashage. Ces importateurs de téléphones portables flashés font, selon des sources sûres, de fausses déclarations douanières sur la valeur du produit. À titre d’exemple, ces importateurs ramènent, toujours selon nos sources, des mobiles haut de gamme mais ils les déclarent comme étant des portables de bas de gamme. La différence de valeur varie, affirme-t-on, de 15 000 à 20 000 DA sur un seul produit importé. Ces importateurs frauduleux acheminent généralement, soutient-on, de 500 à 1 000 téléphones portables flashés.

La filière des frontières

Il y a, également, une autre filière de trafic de portables qui active, selon des sources bien informées, sur la bande frontalière marocaine, soit l’axe Maghnia-Oujda et les frontières terrestres tunisiennes du côté de Tébessa.
Cette filière importe, selon les mêmes sources, une quantité importante de mobiles flashés à dos de mulets de la Tunisie sans payer ni droits de douane ni impôts. Ils sont vendus, précise-t-on, sur le marché algérien deux fois plus chers que les prix appliqués par les distributeurs agréés en Algérie, soit une différence de 15 à 20%. Certains distributeurs étrangers agréés en Algérie importent, dit-on, des mobiles destinés au marché tunisien vers l’Algérie par voie terrestre sans payer aucune charge fiscale ou douanière et écoulent ces produits sur le marché national à des prix dérisoires. Cette activité informelle exercée, selon nos sources, par des distributeurs étrangers possédant des sociétés de droit algérien n’apporte aucun plus fiscal au trésor public. Pis, ces distributeurs font, révèle-t-on, une concurrence déloyale aux distributeurs algériens représentant de grandes marques de constructeurs de téléphones portables et, échappent au contrôle du fisc puisqu’ils ne payent aucune charge et transfèrent directement leurs bénéfices vers leur pays d’origine.
De même, il y a certains importateurs qui utilisent les frontières terrestres marocaines pour importer non seulement des mobiles mais des packs complets de l’opérateur privé Méditel composé de téléphones mobiles et de puces prépayées dont la durée de validité est d’une année. Ces packs sont vendus, selon nos sources, à des prix plus bas que ceux des opérateurs algériens et sont utilisés principalement dans les villes frontalières telles que Maghnia et Tlemcen.

En outre, il y a des milliers de téléphones portables qui transitent mensuellement par les frontières terrestres algéro-marocaines ou algéro-tunisiennes. Certains spécialistes ont estimé que “le volume du marché informel des téléphones portables représente 25%, soit près de 400 000 sur 1,2 million de mobiles importés officiellement en 2004”. Ces importateurs frauduleux utilisent, néanmoins, une technique originelle, puisqu’ils utilisent le certificat d’homologation délivré par l’Autorité de régulation de la poste et télécommunication (Arpt) sur la base d’un dossier constitué d’une fiche technique du produit et d’un prototype, pour frauder sur la nature et la valeur du mobile importé en faisant de fausses déclarations à la douane, ajoute-t-on. L’Arpt s’occupe, selon son président M. Benfodil, uniquement de la délivrance de certificat de conformité des produits en se basant sur les documents délivrés par l’importateur. Elle ne peut pas contrôler, selon lui, les produits importés car cela ne relève pas de ses prérogatives. Ceci étant dit, les douaniers ne sont pas bien outillés pour débusquer ces fraudeurs professionnels dont certains travaillent, relève-t-on, avec de faux registres du commerce notamment ceux d’El-Harrach et de Dubaï. Ces places commerciales constituent, aujourd’hui, de véritables plaques tournantes du mobile. Or, en l’absence d’association de défense des consommateurs et mécanismes de contrôle du marché de la téléphonie mobile, il est vraiment difficile de mettre un terme au commerce informel qui se développe davantage en Algérie.

Par Faïçal Medjahed, liberte-algerie.com