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Terrorisme, argent sale et sociétés-écrans

mercredi 15 septembre 2004, par nassim

Des sociétés de droit algérien se sont créées non pas pour investir dans le pays, mais pour alimenter un courant commercial frauduleux suspecté de financer le terrorisme international.

D’autres révélations sur l’affaire d’exportation frauduleuse de déchets ferreux et non ferreux montrent que le trafic se poursuit, dans l’indifférence des pouvoirs publics. En ce sens, une source sûre nous confie que les douanes françaises, italiennes et espagnoles ont confirmé pour environ une centaine de dossiers, correspondant à environ 700 conteneurs, ces exportations de métaux ferreux et non ferreux visant le transfert illicite de devises.

Fausses déclarations d’espèce, sur la valeur et surtout le poids, telles sont les conclusions des douanes étrangères.
Par exemple, pour une centaine de déclarations, ce sont plus de 10 000 tonnes de métaux ferreux et non ferreux non déclarés, causant un préjudice au Trésor public de plusieurs centaines de milliards de centimes. Une tonne de déchets de cuivre est déclarée entre 1000 et 1500 FF alors que sa valeur sur les marchés internationaux est de 12 000 à 15 000 FF. La différence est versée sur des comptes à l’étranger. Cette fausse déclaration est, à l’évidence, une infraction de change. Le but du trafic sur le poids et la valeur est de transférer illégalement les devises.
Plus grave, lors d’une mission de la douane algérienne dans l’Hexagone pour relancer les réponses sur ces dossiers, la douane française a informé, en 2002, la partie algérienne qu’une partie de ces exportations illégales de métaux ferreux et non ferreux servait au blanchiment d’argent pour financer le terrorisme international. L’argent était versé en Suisse, ajoute la même source.

Nous avons des preuves, a rétorqué le haut fonctionnaire français à son homologue algérien. Le hic, c’est que les investigations ne sont pas poursuivies du côté algérien pour déterminer les connexions entre le réseau local et les réseaux internationaux et remonter la filière. La marchandise était acheminée des ports d’Alger, Oran, Annaba, Béjaïa,Ténès, Dellys pour être débarquée le plus souvent au port de Marseille.

Les recherches de la douane algérienne ont porté sur 2 000 dossiers d’exportation de métaux ferreux et non ferreux durant la période 94-2000, soit plus de 10 000 conteneurs. Le non-rapatriement de devises est évalué à 300 millions de dollars. Ce sont donc 2 000 milliards de centimes en devises qui sont partis dans des comptes en devises à l’étranger, causant ainsi un préjudice énorme au Trésor public. L’astuce consiste à effectuer une opération, puis fermer la société à l’approche du délai de 120 jours exigé pour le rapatriement en devises, et relancer l’activité à travers la création d’une autre société sous un prête-nom, par exemple, un jeune chômeur. Sur les 10 000 dossiers, on a actionné la justice pour uniquement 300. La même source ajoute que 80 personnes ont été inculpées dont une vingtaine de douaniers. Pour le restant des dossiers, ces soi-disant exportateurs n’ont pas été mis en cause jusqu’à présent. Le hic, c’est que les investigations ont été gelées en 2003. Le trafic s’est donc poursuivi avec la même intensité au regard des vols périodiques de kilomètres de câble, à travers le territoire national, un véritable pillage. Les principales victimes des vols sont Sonelgaz, Sonatrach et les PTT, ajoute la même source.

Aujourd’hui, en plus de ce traditionnel trafic qui joue davantage sur les fausses déclarations d’espèces, aussi bien sur le poids que sur la valeur, le ministère du commerce ayant institué, en 2001, les prix de référence, en fonction des cours internationaux, des sociétés se sont spécialisées, indique un opérateur algérien dans le créneau, dans l’exportation de cuivre vers Israël via Chypre, voire la Jordanie. Des ressortissants libanais, syriens, jordaniens et palestiniens ont créé six sociétés de droit algérien, ajoute la même source non pas pour investir dans le pays mais pour alimenter ce courant commercial frauduleux.

Enfin, la prescription pèse sur ces milliers de dossiers, laissant croire à une volonté d’étouffer l’affaire. Si avant la fin de l’année, aucune action en justice n’est entamée contre ces trafiquants de la devise, on pourra dire adieu définitivement à ces centaines de millions de dollars et à ces dizaines de milliards de dinars, correspondant au manque à gagner du Trésor public dans les opérations d’exportations de métaux ferreux et non ferreux.

Ryad Nasrou, Liberté