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Une loi sur les hydrocarbures précipite la Bolivie dans la tourmente

samedi 21 mai 2005, par Hassiba

Le parlement bolivien a promulgué le 17 mai une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui n’a pas la faveur du chef de l’Etat Carlos Mesa qui, sous la pression de nombreuses manifestations populaires, a décidé de ne pas user de ses prérogatives pour émettre un veto ou pour y apporter des modifications souhaitées par la douzaine de multinationales qui commercialisent le gaz bolivien.

La loi sur les hydrocarbures a pour effet de revoir à la hausse les taxes et les royalties que les multinationales payent à l’Etat bolivien.

Cette loi sur les hydrocarbures a pour effet de revoir à la hausse les taxes et les royalties que les multinationales payent à l’Etat bolivien et dont le total sera désormais de 50% sur les revenus nets, soit 32% d’impôts et 18% de royalties destinées aux départements producteurs de gaz qui, pour le moment, constitue la principale ressource du pays. La Bolivie possèderait la seconde réserve en gaz de l’Amérique du Sud. L’exploitation et la commercialisation du gaz sont au coeur de la profonde crise sociale qui secoue la Bolivie où le dernier président constitutionnel, Gonzalo Sanchez de Losada, devait renoncer au pouvoir le 17 octobre 2003. Ce jour-là, la répression policière provoquait la mort de près d’une centaine de personnes au cours de manifestations qui avaient paralysé des points névralgiques du pays et envahi l’historique place Murillo dans la capitale, La Paz, où se trouve le palais présidentiel. Sanchez de Losada s’étant exilé à Miami, aux Etats-Unis, le congrès installait à la tête du pouvoir son vice-président Carlos Mesa. Celui-ci dut organiser en juillet 2004 un référendum au cours duquel la majorité se prononça en faveur de « la récupération du gaz par l’Etat » et pour une augmentation conséquente des droits d’exploitation.

Depuis sa désignation, Carlos Mesa travaillait sous la pression des réclamations sociales du secteur rural, dominé par des populations « indigènes » dépendant en majorité de la culture de la feuille de coca - matière première de la cocaïne -, des syndicats, principalement de la COB (Central obrera boliviana), de la gauche politique où prédomine désormais le MAS (Movimiento al Socialismo) dirigé par Evo Morales, un député indigène qui s’appuie sur les producteurs de coca. Les nouvelles vagues de protestation ont commencé en janvier dernier et se sont amplifiées pour réclamer, par-delà l’augmentation des droits d’exploitation du gaz, la nationalisation pure et simple de cette ressource. « Les travailleurs aimeraient récupérer les ressources naturelles et un président qui soit celui des Boliviens, car l’actuel chef d’Etat ne défend, jusqu’à présent, que les intérêts des multinationales », déclara Jaime Solares, l’un des leaders de la puissante COB qui veille notamment aux intérêts des mineurs. Quant à Evo Morales, il organisait à partir à partir de certaines villes de l’intérieur, une marche populaire encadrée par des militants du MAS en vue d’occuper les rues de la capitale.

La répétition et la généralisation des manifestations auraient amené le président Carlos Mesa à laisser entre les mains du pouvoir législatif la responsabilité d’adopter la loi sur les hydrocarbures sans les appréciations de l’exécutif. La presse locale n’a pas manqué d’exprimer son étonnement devant une attitude à la Ponce Pilate, tout en se demandant s’il ne serait pas opportun d’avancer des élections présidentielles en vue de trouver un homme d’Etat en mesure de mieux maîtriser le contrôle d’un Etat en pleine turbulence.

La nouvelle loi sur les hydrocarbures affirme que l’Etat est propriétaire du gaz à la production. Le prix de celui-ci pour la commercialisation doit être affiché par les entreprises. Le contrôleur général de la République est chargé de l’audit annuel des activités des partenaires. Quant au prix du gaz pour la consommation locale, il ne peut excéder les 50% de son coût minimum à l’exportation. La compagnie pétrolière nationale YPFB, qui était en déclin, sera relancée grâce aux fonds provenant de la privatisation d’entreprises publiques. Les paysans expropriés du fait de l’exploitation des hydrocarbures seront indemnisés en recevant des terres équivalentes.

La production du gaz et du pétrole en Bolivie est actuellement entre les mains d’une douzaine de compagnies étrangères, notamment Petrobras (Brésil), Total-France, Repsol-YPF (Espagne), British Gas, British Petroleum... Petrobras estime que la nouvelle loi sur les hydrocarbures pourrait affecter ses futurs investissements mais sans mettre en cause ses opérations en Bolivie.

Un projet de complexe pétrochimique, prévu à la frontière Bolivie - Brésil risquerait pourtant d’être remis en question. Depuis 1997 un montant de 3,5 milliards de dollars a été investi par les multinationales.

Pays frontaliers, l’Argentine et le Brésil sont les principaux destinataires du gaz bolivien. Malgré le degré d’instabilité, ils comptent poursuivre leur coopération économique et commerciale avec le pays andin avec qui ils forment le « Mercosur », le marché commun du sud dont le quatrième membre est le Paraguay. Bien plus que les avatars commerciaux, c’est le risque d’ingouvernabilité de la Bolivie qui préoccupe la région.

Par Mohammed BENAMAR, quotidien-oran.com