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Vladimir Poutine veut sauver Mahmoud Abbas

samedi 30 avril 2005, par nassim

Vladimir Poutine a promis, hier à Ramallah, d’aider les Palestiniens à mettre en oeuvre des réformes et à relever leur économie dévastée lors d’une visite sans précédent en Cisjordanie.

Le président russe

Vladimir Poutine (g) et Mahmoud Abbas (d).

a estimé, notamment, que l’Autorité palestinienne devait être dotée des moyens nécessaires pour mettre de l’ordre dans les Territoires palestiniens. « M.Abbas ne peut pas lutter contre le terrorisme avec des pierres », a-t-il dit. Mahmoud Abbas a pour sa part affirmé que les conditions étaient « réunies » pour la tenue d’une conférence internationale sur la paix au Proche-Orient, évoquée par le chef du Kremlin lors de son passage au Caire mercredi et immédiatement rejetée par Israël. Vladimir Poutine a précisé qu’il ne s’agit pas « d’un sommet mais d’une réunion d’experts à haut niveau ». La Russie et les Etats-Unis sont au moins d’accord sur un point : il faut sauver Mahmoud Abbas. Trois mois après son élection, les paris sont déjà ouverts sur la longévité du nouveau raïs à la tête de l’Autorité palestinienne. Sera-t-il encore au pouvoir l’année prochaine ?

Pour s’en assurer, Washington et Moscou voudraient pouvoir consolider l’autorité du chef palestinien en renforçant ses forces de sécurité face aux extrémistes. Israël, de son côté, rationne avec parcimonie les gestes de bonne volonté accordés à Mahmoud Abbas. Avant la prochaine bouffée d’oxygène, le gouvernement Sharon exige que le président palestinien désarme les militants radicaux, mais refuse de donner les moyens à ses forces de police d’accomplir cette mission délicate.

Hier, Vladimir Poutine était venu à Ramallah apporter son soutien à Mahmoud Abbas. Il espérait pouvoir annoncer la livraison aux Palestiniens de deux hélicoptères et de cinquante véhicules de transport de troupes blindés. Face à l’intransigeance d’Israël, qui doit donner son aval à toute livraison de matériel militaire dans les Territoires palestiniens, Poutine s’est borné à annoncer la livraison, « tout d’abord », des hélicoptères destinés à transporter Mahmoud Abbas, les appareils de Yasser Arafat ayant été détruits au cours de raids israéliens. « Nous allons fournir aux Palestiniens une aide technologique et matérielle et nous allons entraîner leurs forces de sécurité », a-t-il précisé, ne renonçant pas définitivement à la livraison des blindés.

La veille, Poutine avait plaidé auprès du gouvernement israélien pour qu’il soutienne Mahmoud Abbas. « Vous pouvez mettre la pression sur Abbas ou vous pouvez l’aider, a-t-il dit. Je crois que vous préférez le presser. Le monde arabe me dit qu’Israël ne remplit pas ses promesses de venir en aide à Abbas. Le maintenir sous pression fera du mal à la fois aux Palestiniens et à Israël. Les extrémistes gagnent du terrain et il est même possible qu’ils s’emparent du pouvoir. » Les Palestiniens sont de plus en plus frustrés de voir que le cessez-le-feu arraché par Mahmoud Abbas en janvier ne leur a apporté aucune amélioration concrète. Les islamistes radicaux du Hamas pourraient rafler la mise lors des élections législatives palestiniennes, programmées le 17 juillet. Et les rumeurs d’une troisième intifada armée, concentrée en Cisjordanie, après le retrait israélien de la bande de Gaza, se multiplient.

Il est très improbable, pourtant, qu’Israël cède. Sur ce point, Ariel Sharon s’est borné à écouter poliment le président russe, pour ne pas le froisser alors qu’il semble vouloir s’impliquer davantage au Proche-Orient. De nombreux membres des forces de sécurité sont des « terroristes à temps partiel », assure-t-on dans l’entourage du premier ministre. Alors, pourquoi les aider ? « Voyons d’abord des mesures concrètes dans le sens de la paix, ensuite il sera possible de renforcer les forces de sécurité palestiniennes, qui participent aux combats contre nous, estime un proche d’Ariel Sharon. Nous ne voulons pas nous retrouver avec des véhicules blindés face à nous. » Seules les pressions de Washington sont susceptibles de faire évoluer les positions israéliennes.

Mais Israël a aussi rejeté une proposition américaine de fournir aux policiers palestiniens des armes pour maintenir l’ordre dans les Territoires occupés. « Laissez-les d’abord prendre les armes des terroristes », leur aurait-on répondu. Les Etats-Unis participent à l’entraînement des forces de sécurité palestiniennes et souhaitent que celles-ci disposent du matériel approprié. Des émissaires américains de passage dans la région ont récemment loué le courage et l’attitude de Mahmoud Abbas depuis son élection le 9 janvier. Selon la presse israélienne, le président palestinien devrait recevoir une invitation à la Maison-Blanche, mi-mai, en signe d’appréciation et devrait rencontrer Ariel Sharon avant son départ pour Washington.

Ariel Sharon a suspendu les contacts directs avec Mahmoud Abbas et la restitution de trois villes de Cisjordanie, après le transfert inachevé de Jéricho et Tulkarem. Abbas a été informé qu’il n’y aurait pas d’autres transferts tant qu’il n’aurait pas désarmé les militants recherchés par Israël. A défaut de les désarmer, faute de moyens, Abbas a commencé à les intégrer dans les forces de sécurité avec leurs armes personnelles. Israël y voit un moyen de « blanchir » leur possession d’armes à l’avenir. Le gouvernement Sharon exige qu’ils remettent leurs armes à l’Autorité palestinienne et s’engagent par écrit à rompre tout lien avec les « organisations terroristes » au sein desquelles ils étaient actifs.

Par Patrick Saint-Paul, lefigaro.fr