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Airbus A380 : un puzzle mondial

samedi 23 avril 2005, par nassim

Fabriqué dans le monde entier, assemblé à Toulouse, l’Airbus A380 volera pour la première fois la semaine prochaine. Plus gros porteur de l’aviation civile, il doit permettre à Airbus, l’européen, de rester n° 1 devant Boeing, l’américain. Mais par sa taille, cet avion changera-t-il la donne pour les passagers ?

L’A380 préfigure-t-il ce que sera pour les passagers le transport aérien de demain ?

Airbus A380.

Avec un tel géant des airs, tout semble permis, et les voyageurs peuvent espérer un peu plus de place pour leurs jambes. Mais en réalité, le bien-être des passagers dépend de la seule volonté des compagnies qui auront à choisir entre le confort et la rentabilité. On se souvient ainsi du bar installé au pont supérieur du 747 : il a vite été remplacé par... des sièges. Alors les A380 seront-ils équipés de 800 sièges en une énorme classe économique, ou serviront-ils au contraire de vitrine, avec des classes première, affaires et économique, et donc moins de fauteuils ?

Les premières compagnies acheteuses de ce nouvel avion semblent s’orienter vers un choix plutôt raisonnable où le nombre de places va de 480 à 540. Mais il ne fait aucun doute qu’un jour, l’une ou l’autre compagnie mettra 800 sièges sur des destinations à fort trafic ou sur certaines lignes intérieures, comme en Asie par exemple.

De quel espace pourra jouir le passager de la classe économique ? Cet espace est caractérisé par la distance qui sépare les rangs de sièges et la largeur des fauteuils. Or pour l’espacement des sièges, les compagnies n’ont pas toutes le même sens du confort. Certaines osent 86 centimètres, d’autres se contentent de 79 centimètres... Sept petits centimètres qui font pourtant toute la différence. Quant à la largeur du fauteuil, à chacun sa règle. Démonstration : la cabine inférieure de l’A380, où est normalement logée la classe économique, mesure 7,14 mètres contre les 6,65 mètres d’un Boeing 747. Donc, 10 sièges de front offriront 3 centimètres de plus par siège. Avantage à l’A380. Mais avec onze fauteuils, on retrouvera une situation pire qu’à bord d’un 747.

Respecter la sécurité en innovant

Quant à la disposition des sièges, elle sera traditionnelle en économique et classe affaires. Seul Virgin a opté pour des sièges en épi sur ses A 340, et devrait récidiver avec l’A380 car, précise la compagnie, 80% des passagers en affaires voyagent seuls. La plupart des autres compagnies optent pour le fameux « siège coque » qui s’étend mais ne s’allonge pas complètement. C’est en classe première que les opérateurs semblent vouloir oser le plus. Aussi bien dans les matériaux que dans la disposition des sièges, créant de véritables petits compartiments, comme dans les trains.

Mais oser en aéronautique est une gageure. Car la seule vraie priorité, c’est d’abord la sécurité. Tous les matériaux, toutes les structures doivent être certifiés, résistants et non inflammables. Airbus n’a donc pas hésité à solliciter des équipementiers de l’industrie automobile qui ont déjà fait preuve de leur savoir-faire avec des contraintes moins strictes mais similaires, en matière de poids par exemple.

Grâce aux nouveaux matériaux, les innovations se multiplient. Ainsi les dossiers des sièges, moins épais qu’autrefois mais qui restent tout aussi confortables. Autant de place gagnée ! Pour, entre autres - comme l’imagine Singapore Airlines, la compagnie de lancement de l’appareil qui semble la plus à la pointe -, installer des douches à bord ?

En outre, Airbus a travaillé sur des matériaux qui « donnent l’impression de profondeur », explique Frédéric Houssard Andrieux, du département design intérieur d’Airbus à Toulouse. Car en embarquant dans un avion, il y a la première impression, celle qui fait que l’on se sent bien. Puis la seconde, celle qui s’installe au fil du vol. Les couleurs vives, trop agressives, sont donc souvent délaissées. « On privilégie les formes rondes », précise Mickael Lau, d’Airbus à Hambourg, ville qui aura la charge de l’équipement intérieur de ce nouvel avion. Ainsi le plafond de l’A380 est en forme de vague où s’intègrent les casiers à bagages. La lumière aussi a été étudiée. Les néons ne s’allumeront plus brutalement à l’heure du petit déjeuner ! En revanche, un cycle lumineux permettra d’estomper la lumière en une demi-heure vers un bleu profond qui restera toute la nuit, avant de revenir au petit matin à une lumière plus naturelle.

Enfin, les compagnies garderont des « espaces sociaux » qui permettent aux passagers de se lever et de se détendre. L’A380 a pour cela des espaces naturellement dédiés à ces activités, où il sera difficile de mettre des sièges. Malgré toutes ces bonnes idées, les compagnies ne seront-elles pas tentées d’augmenter leur marge au détriment du confort des voyageurs ? La réponse appartient aux passagers : à eux de choisir les vols les plus confortables ou... les moins chers.

Depuis sa mise en fonction, le 9 février 1969, le Boeing 747 s’est vendu à 1 356 exemplaires. A Airbus de relever le défi.

Par François Delétraz, lefigaro.fr