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"Broken Flowers" de Jim Jarmusch

mardi 17 mai 2005, par nassim

Le 58ème Festival de Cannes passe à la vitesse supérieure avec l’entrée en compétition de productions d’excellente qualité à l’image du dernier film du cinéaste américain Jim Jarmusch, "Broken Flowers", où Bill Murray use à merveille de son habituel regard flegmatique et désabusé.

Bill Murray dans une scène du film Broken Flowers de Jim Jarmusch.

Don Johnston - toute ressemblance sonore avec l’acteur de la série "Miami Vice" n’est sans doute pas fortuite - est un célibataire endurci. Shelly (Julie Delpy), sa dernière conquête, le quitte. En bref, la routine. Mais une lettre tapée à la machine à l’encre rouge et expédiée dans une enveloppe rose bonbon va changer tout cela. L’une de ses ex l’informe qu’il a un fils et que celui-ci le recherche sans doute. Harcelé par un voisin très entreprenant et qui se prend pour un détective (Jeffrey Wright, qui interpréta le peintre Jean-Michel Basquiat dans le film éponyme de Julian Schnabel), Don rendra visite à quatre anciennes amantes (qu’interprètent Sharon Stone, Frances Conroy, Jessica Lange et Tilda Swinton), et se recueillera sur la tombe d’une cinquième.

La première, mère d’une adolescente délurée prénommée évidemment Lolita, trouve que l’arrivée surprise de son ex-amant a un goût de "revenez-y". La deuxième mène une existence aisée mais sans chaleur ni enfant. La troisième est "communicatrice animalière" et la dernière, entourée de motards farouches, l’envoie sur les roses. Comme à son habitude, le réalisateur de "Stranger than Paradise", Caméra d’or 1984, et de "Ghost Dog : La voie du samouraï", en compétition à Cannes en 1999, s’y entend comme personne pour traiter avec gaieté une histoire au demeurant sérieuse, voire grave. Lorsque le moment est pathétique, lorsque Don se recueille sur la tombe d’une ancienne amante par exemple, la caméra ne s’attarde pas et quelques mots suffisent pour fendre le coeur.

UN SCRIPT ÉCRIT POUR BILL MURRAY

En revanche, du début à la fin, l’habituel humour nonchalant mais néanmoins ravageur du cinéaste, originaire de l’Ohio mais new-yorkais d’adoption, baigne un film qui tourne rapidement au "road movie". "Broken Flowers" est, de loin, le film qui a provoqué le plus de rires francs lors de sa projection, mardi matin. Cette alliance maîtrisée de bonne humeur et d’émotion en font d’emblée un candidat de plus à la Palme d’Or, qui sera décernée samedi.

Dans ses notes de production, Jarmusch avoue que son long métrage a été conçu pour Bill Murray, l’acteur au charme désinvolte définitivement relancé par "Lost in Translation", de Sofia Coppola (2003). "Je voulais un rôle où il ne pourrait pas s’en remettre à son talent pour rendre n’importe quoi hilarant. Je voulais autre chose. Il a toujours montré un singulier mélange de malice et de mélancolie", explique le cinéaste.

S’il se défend de vouloir influer les réactions de l’audience, Jarmusch souhaite cependant "que le personnage de Don reste à l’esprit des spectateurs pendant le générique de fin, je veux qu’il reste bien vivant dans leur mémoire". Le dernier plan de "Broken Flowers" est occupé par le visage de Don, seul au milieu du carrefour d’une petite bourgade, pensif, après avoir cru retrouver lui-même un fils dont en définitive l’existence n’est jamais prouvée.

Par Wilfrid Exbrayat, reuters.fr