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Dessalement de l’eau de mer : l’ultime alternative

vendredi 16 juillet 2004, par Hassiba

Difficile de faire face à la colère des populations à travers l’Algérie lors de l’été 2001. Les robinets étaient à sec et les barrages se vidaient de façon inquiétante.

Les forages aussi. Des maladies qu’on pensait éradiquées à jamais revenaient en force. Les pouvoirs publics n’avaient pas de solutions immédiates pour faire face à la crise. A Alger, et pour apaiser la tension qui y régnait, les responsables de l’hydraulique ont donné l’ordre de puiser dans les réserves d’urgence qui restaient encore dans les barrages. On se rappelle le cas de Keddara où des agents sont descendus tout au fond du barrage et ont fait monter l’eau à l’aide de moyens manuels. La situation était tellement préoccupante que les concernés par le domaine n’ont pas écarté l’idée d’importer l’eau de l’étranger et particulièrement de France. Finalement, les pouvoirs publics ont opté pour le dessalement de l’eau de mer, convaincus que cette opération leur revenait nettement moins cher que l’importation du précieux liquide . Il faut dire qu’un élément essentiel a joué en faveur de cette option. Il s’agit du fait que la grande partie de la population et aussi des unités de production industrielle se trouvent sur la côte. Une côte large de 1 200 km.

21 petites stations sont opérationnelles à 70% depuis l’été 2003
Le programme d’urgence annoncé, au début de l’année 2002, prévoit la réalisation de 21 petites stations de dessalement, d’une capacité totale de 57 500 m3/jour, dans les wilayas côtières suivantes : Tlemcen, Tipasa, Alger, Boumerdès, Skikda et Tizi Ouzou. La capacité de production de chaque unité varie entre 1 000 et 2 500 m3/jour. Deux grands opérateurs ont un quasi-monopole d’intervention en matière de réalisation de ces usines de dessalement. Il s’agit de l’Algérienne des eaux (ADE) et l’Algerian Energy Company (AEC) dont Sonatrach et Sonelgaz se partagent la propriété des actions. La réalisation de ces unités a été faite sur concours définitif, c’est-à-dire le budget de l’Etat. Les services du ministère des Ressources en eau rassurent que l’ensemble de ces unités sont actuellement opérationnelles, quoique leur production ne soit que de 70% par rapport à leur capacité réelle. Leur mise en service n’a toutefois commencé qu’en été 2003, en raison de certaines difficultés techniques liées à la nature marneuse du sol qui a fait que les forages aménagés ne donnaient pas les quantités souhaitées. Cela a poussé les promoteurs du projet à abandonner quelques forages et mettre à leur place des prises d’eau ralliées aux stations par des conduites. Ces réalisateurs du projet justifient leur « erreur » par leur manque d’expérience en la matière et surtout par l’absence d’une étude préalable. « Tout a été fait à la hâte », reconnaissent-ils. L’eau traitée par ces stations coule actuellement des robinets et est consommée normalement par les populations qui ne font pas de différence entre cette eau non conventionnelle et celle conventionnelle provenant des barrages. Les consommateurs ne s’interrogent pas sur son origine. Pourvu qu’ils aient de l’eau et qu’elle soit de bonne qualité. Concernant justement la qualité de cette eau, les services concernés assurent que tout un système est mis en place pour faire en sorte que l’eau dessalée soit d’une meilleure qualité. De ce fait, même les tarifs ne diffèrent pas, notent-ils, contrairement à ce qui a été laissé entendre par certaines parties qui s’appuient dans leur argument sur « le coût très important de cet investissement ». Il est à souligner que, n’était l’abondance des pluies enregistrées ces deux dernières années, la situation hydraulique serait encore plus catastrophique à travers l’ensemble du territoire national. Car notre pays dispose de ressources hydriques limitées, en raison des conditions climatiques peu favorables. Et la sécheresse qui a sévi pendant près de 20 ans en Algérie continue à constituer une véritable menace.

8 grandes stations de dessalement à l’horizon 2008
Pour s’assurer une alimentation pérenne en eau potable, une stratégie à moyen et à long terme s’impose. Ainsi, apprend-on, en matière de dessalement de l’eau de mer, les pouvoirs publics ont prévu la réalisation de 8 grandes stations d’une capacité de production globale de plus d’un million de mètres cubes/jour à l’horizon 2008. La capacité moyenne de chaque unité est fixée à 50 000 et 200 000 m3/jour. Elles seront réalisées dans les wilayas côtières suivantes : Oran, Mostaganem, Tipasa, Tlemcen, Beni Saf, Alger, Boumerdès et Skikda. Une fois réalisées, ces unités de dessalement seront à même de répondre aux plus grands besoins des populations, alors que les eaux des barrages seront réorientées à 70% vers l’agriculture. A Alger, la réalisation de l’usine d’El Hamma, d’une capacité de production de 200 000 m3/jour, est le résultat d’un partenariat AEC/ADE. La société américaine Ionics a été sélectionnée pour s’associer avec ces deux partenaires. Le coût de l’investissement est de 210 millions de dollars. Le projet sera réalisé sous la forme de BOO (construire, posséder et exploiter). L’AEC et l’ADE participent à hauteur de 30% et la société américaine Ionics à hauteur de 70%. La mise en service de cette usine (El Hamma) est prévue pour fin 2005 et début 2006. Sa conception, sa réalisation et son exploitation sont à la charge de l’investisseur qui en sera propriétaire pendant 25 ans, l’Etat n’étant pas garant du projet. Les principes de base d’un projet en BOO ont été retenus. Il s’agit, entre autres, de l’assurance à l’investisseur de toutes les garanties contre les risques politiques et les changements de loi et la réalisation ainsi que l’exploitation de l’usine par l’investisseur qui en conserve la propriété jusqu’à la fin de la période d’exploitation. Quant à l’unité de Beni Saf, c’est le groupe espagnol Cobra-Codesa-Sadyt (Geida) qui a été sélectionné, le mois dernier, pour sa réalisation. Cette entreprise espagnole a proposé la réalisation de cette unité, dont la capacité de production sera de 150 000 m3/jour, en 24 mois. Elle est actionnaire dans le capital à hauteur de 60%, alors que les 40% restants sont répartis entre l’AEC et l’ADE.

Par Karima Mokrani, la Tribune