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Djamel Beghal et ses complices visaient les intérêts américains

lundi 3 janvier 2005, par Hassiba

Le procès des six membres présumés du groupe de l’islamiste Djamel Beghal, soupçonné d’avoir préparé en 2001 un attentat contre les intérêts américains en France, s’ouvre aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Paris.

Ces hommes répondront du chef d’« association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme » puni d’une peine maximale de dix ans de prison. Deux autres prévenus, de nationalité algérienne, seront quant à eux jugés pour « infraction à la législation sur les étrangers ». A raison de trois audiences par semaine, les débats doivent s’achever le 16 février.

Le parcours et la personnalité de deux hommes domineront le procès qui s’ouvre aujourd’hui. Parmi les prévenus, Djamel Beghal, un Franco-Algérien de 39 ans, et Kamel Daoudi, 30 ans, également titulaire de la double nationalité, sont les seuls à avoir séjourné dans les camps islamistes d’Afghanistan. Tout semblait pourtant opposer le djihadiste Beghal, proche d’idéologues dans la mouvance d’al-Qaida, au discret informaticien Daoudi, passionné par Internet. Selon l’accusation, le premier serait pourtant parvenu à enrôler le second dans son projet d’attentat contre des intérêts américains en France, la cible de l’ambassade des Etats-Unis à Paris ayant notamment été évoquée. Un projet échafaudé au printemps 2001 en Afghanistan.

Pour la justice française, « l’affaire Beghal » s’ouvre précisément quand le chef présumé du groupe revient d’Afghanistan. Le 7 septembre 2001, la Direction de la surveillance du territoire (DST) communique une note au parquet de Paris. Il y est question de l’interpellation à Dubaï, où il était en transit pour la France via le Maroc, de cet islamiste. L’homme est une vieille connaissance des spécialistes de la lutte antiterroriste : en 1997, il avait été arrêté dans le cadre du démantèlement d’un réseau d’assistance aux maquis algériens. Le 10 septembre 2001, une information judiciaire est ouverte à Paris pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme » et confiée aux juges d’instruction Jean-Louis Bruguière et Jean-François Ricard. A Dubaï, Djamel Beghal avait expliqué comment il avait été chargé de l’organisation d’un attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris. Une fois transféré en France, il était revenu sur ses aveux en affirmant avoir été victime de pressions physiques et psychologiques de la part de la police des Emirats arabes unis.

Selon l’accusation, Djamel Beghal s’est donc rendu en Afghanistan en novembre 2000 pour y suivre une formation à l’usage d’explosifs et au maniement d’armes ainsi que des cours de religion. Sur place, il rencontre plusieurs proches d’Oussama Ben Laden et notamment le fameux Abou Zoubeida, interpellé au Pakistan en mars 2002 et cité comme un acteur majeur dans plusieurs attentats ou projets d’attentats islamistes. Au printemps 2001, Abou Zoubeida lui confie la mission de retourner en France pour constituer un groupe terroriste visant les intérêts américains. Dans ce but, il doit camoufler ses activités en créant une société commerciale en France, louer une maison avec garage et acheter un véhicule pour l’attentat suicide. Ce projet doit être mené à bien avec un kamikaze tunisien, Nizar Trabelsi.

Cet ancien footballeur professionnel et djihadiste en Afghanistan, interpellé en Belgique le 13 septembre 2001, a été condamné en septembre 2003 à dix ans de prison par un tribunal belge. Trabelsi a avoué qu’il préparait bien un attentat suicide mais qu’il visait une base de l’Otan en Belgique. Son objectif n’était donc pas l’ambassade à Paris, ou alors il existait deux projets d’attentats. Ses aveux et la condamnation par la justice belge pourraient en tout cas peser lourd devant le tribunal de Paris. Cinq autres islamistes auraient aidé Beghal dans son projet : Kamel Daoudi, rentré d’Afghanistan courant 2001, Rachid Benmessahel, Nabil Bounour, Johan Bonte et Abdelkrim Lefkir, accusés notamment d’avoir fourni un soutien logistique en France.

Fin juillet 2001, Djamel Beghal quitte l’Afghanistan pour le Maroc. Il est notamment censé y rencontrer un de ses contacts marocains pour recevoir l’argent nécessaire à l’attentat. Son parcours s’arrêtera à l’escale de Dubaï. Kamel Daoudi, lui, échappe à la vague d’interpellations des membres du groupe en septembre 2001. Accueilli par de hauts responsables islamistes à Leicester (Royaume-Uni), il est finalement arrêté par la police britannique fin septembre et extradé vers la France. Selon l’enquête française, un voire plusieurs attentats étaient bien en préparation en Europe dans les semaines ou les mois qui ont suivi celui du 11 septembre 2001. Un constat que l’accusation étaye à la fois sur les déclarations de plusieurs témoins et sur les écoutes téléphoniques, expertises informatiques et pièces à conviction saisies au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Belgique. La défense devrait, de son côté, plaider que, bien qu’adhérant aux thèses islamistes, les prévenus avaient noué des relations non pas dans le but d’un complot mais plutôt par amitié ou par hasard.

Jean Chichizola, www.lefigaro.fr