Accueil > INTERNATIONAL > Giuliana Sgrena liberée sous les balles

Giuliana Sgrena liberée sous les balles

samedi 5 mars 2005, par Hassiba

Après avoir été relâchée par ses ravisseurs, la journaliste a été blessée par des tirs venant d’un barrage américain. Un agent italien a été tué.

Relâchée vendredi exactement un mois après son enlèvement, le 4 février, dans le centre de Bagdad, l’envoyée spéciale du quotidien Il Manifesto Giuliana Sgrena a été blessée par des tirs américains quelques heures après sa libération. Le chef de l’équipe des services spéciaux italiens en Irak, Nicola Calipari, qui l’accompagnait, a été tué. Alors que les militaires transalpins la ramenait dans la soirée vers l’aéroport de la capitale irakienne ­ où l’attendait un avion militaire pour la rapatrier immédiatement à Rome ­, un barrage de soldats américains a ouvert le feu sur le convoi. Outre l’officier tué, un autre militaire italien a été blessé et Giuliana Sgrena a reçu une balle à l’épaule. Elle a été transportée d’urgence dans un hôpital américain de Bagdad.

Vendredi soir en Italie, il régnait encore une grande confusion sur ces événements et en particulier sur la fusillade. C’est en fin d’après-midi que la télévision Al-Jezira a annoncé la libération de Giuliana Sgrena dont on était sans nouvelles depuis le 16 février et la diffusion d’une cassette vidéo dans laquelle, visiblement très éprouvée, elle avait demandé à plusieurs reprises et en larmes le retrait du contingent italien en Irak. Depuis, les mystérieux « Moudjahiddin sans frontières », une organisation jusqu’alors inconnue, ne s’était plus manifestée. Mais, en coulisses, le gouvernement a multiplié les négociations. Vendredi soir, dans une vidéo enregistrée par ses ravisseurs et diffusée par Al-Jezira, Giuliana Sgrena, en robe noire et devant une corbeille de fruits, s’est contentée d’indiquer que les ravisseurs « l’avaient enlevée car ils sont déterminés à libérer leur terre de l’occupation », précisant qu’elle avait été bien traitée.

Euphorie.
Quelques minutes après la diffusion de la nouvelle de la libération par Al-Jezira, le Manifesto, informé par la présidence du Conseil, confirmait la nouvelle de sa libération, de même que le chef de l’Etat Carlo Azeglio Ciampi qui, mercredi encore, avait lancé un appel solennel : « Libérez Giuliana et Florence Aubenas, leur libération serait une bonne chose pour tous et avant tout pour le futur de l’Irak ».

Dans toute l’Italie, qui depuis le 4 février s’était fortement mobilisé pour réclamer la remise en liberté des otages, notamment à travers une gigantesque manifestation, le 19 février, dans les rues de Rome, la nouvelle a provoqué un véritable moment d’euphorie, la classe politique italienne étant unanime pour saluer le dénouement. En signe de fête, le maire de Rome Walter Veltroni a annoncé que le Colisée serait illuminé toute la nuit. Au même moment, Gabriele Polo, le directeur du Manifesto, était reçu par le président du Conseil Silvio Berlusconi.

Mais peu de temps après, la rédaction du quotidien annonçait : « Giuliana se rendait en voiture à l’aéroport avec trois membres des forces de sécurité italiennes. Les forces américaines ont ouvert le feu sur la voiture. Elle va bien mais il y a des blessés ». Un peu plus tard, on apprenait la mort de Nicola Calipari.

« Cette nouvelle qui aurait dû être un moment de joie a été gâchée par cette fusillade », a déclaré Gabriele Polo ajoutant « un agent italien a été tué par une balle américaine. C’est la démonstration tragique que nous aurions souhaité ne jamais voir arriver et que tout ce qui se passe en Irak est complètement absurde et fou ». Quant au compagnon de Giuliana Sgrena Pier Scolari, il n’a pu retenir son indignation : « Elle a failli être tuée par les Américains ». « Elle a été légèrement blessée et se trouve à l’hôpital américain de Bagdad, expliquait Francesco Paterno, rédacteur en chef du Manifesto. Nous n’avons pas pu parler directement avec Giuliana, mais le ministère des Affaires étrangères nous a dit qu’elle allait bien. Sa libération nous a complètement surpris, on n’avait pas été informé d’une opération même s’il y avait des rumeurs disant qu’elle allait être libérée dans les prochains jours. »

Vendredi soir, Silvio Berlusconi a décidé de « convoquer immédiatement l’ambassadeur des Etats-Unis à Rome » pour tenter de faire la lumière sur le tragique incident. « Je réagirai de la manière qui me semble la plus adéquate pour une affaire aussi grave, dont quelqu’un devra assumer la responsabilité. »

« Détails encore flous ».
Carlo Azeglio Ciampi a exprimé sa « profonde douleur pour la mort tragique » de Nicola Calipari, marié et père de deux enfants. Le parquet de Rome a pour sa part ouvert une enquête sur les conditions de sa mort.

Côté américain, Washington a confirmé que « les forces de la coalition avaient ouvert le feu sur un véhicule approchant à grande vitesse d’un barrage à Bagdad (...). Les circonstances ne sont pas claires pour le moment. Une enquête a été ouverte sur cet événement » « La journaliste italienne récemment libérée se trouvait à bord du véhicule et a été apparemment blessée, a déclaré Bryan Whitman, porte-parole du département de la Défense. Les détails sont encore flous à ce stade ».


Rome de notre correspondant- Eric JOZSEF, liberation.fr