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L’Autorité palestinienne accuse Israël de saboter la présidentielle

lundi 3 janvier 2005, par Hassiba

Avec ou sans Arafat, le nouvel an en Palestine a des airs de déjà-vu. Le chaos se manifeste à chaque encoignure de Ghaza et de Cisjordanie. Lointaines sont les promesses de l’Etat hébreu de faire taire ses Apache.

A peine l’opération de Khan Younès achevée, les chenilles des chars israéliens marquent de leur empreinte les quartiers de Beït Hanoun. Le prétexte est tout trouvé, le tir de roquettes Qassam. Seulement deux et c’est toute la machine de guerre de Sharon qui se met en branle. La énième incursion dans le nord de la bande de Ghaza risque de durer, préviennent les services de Moshé Yalon à une semaine de la présidentielle palestinienne. N’avait-il pas promis des redéploiements pour faciliter le bon déroulement du scrutin ? On ne badine pas avec la sécurité d’Israël que les murs ne savent toujours pas rendre indéfectible. S’il est statistiquement vrai que les attentats suicide sont en nette baisse, les colonies juives ne sont pas à l’abri de tirs de roquettes en partance de Ghaza. Leur portée a même été revue à la hausse ; dix-huit kilomètres qui font perdre à Sharon des points sur ses tablettes de retrait unilatéral.

Agacé par les hésitations des ultra-orthodoxes à élargir son second gouvernement d’union nationale, il repart aussitôt à la traque des radicaux palestiniens. Il n’y aura pas de Hezbollah bis, avait-il juré quand il lui fallait convaincre ses pairs du Likoud de voter son plan de retrait. Les récentes opérations de son armée prouvent sa volonté de mettre au pas l’Intifadha avant d’exiger des colons de plier bagage. Une fois derrière les murs, auront-ils la sécurité que Sharon n’a jamais réussi à leur procurer ? S’il avoue ne plus pouvoir assurer la sécurisation de ces implantations, rien ne démontre qu’il le fera pour le reste des colonies après le retrait de Ghaza, répliquent ses détracteurs. L’incursion en cours du côté de Beït Hanoun ne les réduira certainement pas au silence. Elle provoque même l’irritation de la nouvelle direction palestinienne qui a cru un instant à une chimérique paix des braves. Pourtant, l’attitude de Tel-Aviv était restée inchangée.

Hormis de vagues promesses pour faciliter les élections palestiniennes, l’Etat juif demeure de marbre. Il ne ménagera pas ses efforts pour faire comprendre à Abbas et consorts que le dialogue inter-palestinien ne servira pas à grand-chose. La logique israélienne veut que la résistance palestinienne -post-11 septembre- disparaisse au nom de la relance du processus de paix en son unique faveur. Les dernières déclarations fermes de l’héritier de feu Arafat semblent ainsi favoriser un durcissement de ton de la part des durs de l’Etat hébreu. Les propos de Mahmoud Abbas, grand favori de la présidentielle, ne peuvent revêtir que des signes d’une stratégie électorale, s’était alarmé Ehud Olmert. Ce sentiment de doute envers les Palestiniens aurait pris de l’ampleur dans la classe politique israélienne. Considéré comme le plus modéré parmi les nouveaux dirigeants de la maison OLP, Abou Mazen serait-il en train de perdre en crédibilité aux yeux de l’axe Washington - Tel-Aviv ? La déconnexion voulue entre le conflit israélo-palestinien et la stabilisation de l’Irak post-Saddam n’ayant pas fonctionné -histoire de calmer les ardeurs du Monde arabe-, se pourrait-il que le duo Bush-Sharon change d’avis à propos du successeur du vieux raïs ? Des analystes sont persuadés que non, d’autant plus que le blocage du processus électoral revigorerait les appétits des islamistes radicaux alors que leurs scores aux dernières communales ont montré les limites de leur ancrage social.

En fait, l’administration Sharon garde le cap de ses choix politiques du tout début de l’investiture de la droite israélienne. Soit favoriser le « moins mauvais » à ses yeux pourvu que prime la pérennité de ses intérêts stratégiques. Ceux-là nécessiteraient la poursuite intense de la guerre contre le Hamas et le Djihad pour réussir l’émergence désignée de responsables réformateurs. Mais l’équation en question risque de foirer à tout moment, craignent des spécialistes. D’autant plus que Mahmoud Abbas souffle le chaud et le froid quant à la démilitarisation de l’Intifadha. Dans un entretien à l’agence Associated Press, il a laissé croire qu’il entend bien protéger les militants palestiniens et n’a pas l’intention de les désarmer dans un avenir proche. Le dernier virage de sa campagne l’exige probablement puisque, pas plus tard que la semaine dernière, il avait affiché sa conviction : le conflit ne peut être réglé par les armes mais par le dialogue qu’Israël reporte de manière permanente au nom de « sa » lutte antiterroriste. Entre le marteau et l’enclume, l’actuel homme de Palestine choisit les positions médianes qui ne lui avaient pas réussi il y a plus d’une année. Le boycottage de l’élection du 9 septembre par les partis islamistes devant conduire indéniablement à la reconduction de la chasse à l’homme qu’entreprenait Sharon en 2001, Abbas préfère ne pas perdre sa base et son électorat.

En plus de qualifier d’inacceptable le désengagement unilatéral israélien de Ghaza, il réclame la reprise de discussions afin qu’une solution globale au conflit soit trouvée. Une solution qui inclut la décolonisation jusqu’aux frontières de 1967, une résolution équitable pour les réfugiés. C’est trop demandé à Ariel Sharon qui, lui aussi, trace ses lignes rouges pour ne pas se mettre davantage à dos ses zélateurs israéliens. Il avait rejeté catégoriquement l’offre de Tony Blair qui l’invitait à se rendre à Londres pour la Conférence de paix londonienne. A ce point, la position du candidat Abbas est différente de celle d’Ahmed Qoreï qui, lui, a conditionné l’abandon de la violence par un processus de paix crédible conduisant à la création de l’Etat de Palestine. Ce sont les moyens d’y parvenir sur lesquels les deux hommes semblent ne pas s’entendre même si les vœux de réformer y sont avant de revenir à la table des négociations. Alors qu’il y a huit jours, Qoreï a rejeté l’idée d’une conférence internationale qui ne traiterait que des réformes palestiniennes, Abbas vient de stopper court les dissensions amplifiées exprès dans la maison OLP. Il annonce pour bientôt la fin du processus de restructuration des services de sécurité.

« Mettre fin au chaos des armes signifie l’existence d’une seule autorité, d’une loi unique et d’une seule arme légale, ainsi que le multipartisme », a-t-il déclaré. L’impossibilité d’une solution militaire au conflit, en laquelle croit Abbas, tiendrait-elle au-delà de la date de la présidentielle palestinienne ? Son compagnon Qoreï a accusé l’Etat hébreu de saper les efforts de l’Autorité palestinienne à neutraliser les militants palestiniens en redoublant ses incursions. Si celle d’hier, à Beït Hanoun, ne devrait pas mettre prématurément terme à l’élection du 9 septembre, elle renseigne sur la manière chaotique et la volonté irréversible de Sharon de se retirer unilatéralement de Ghaza. Un désengagement après lequel la paix reste impossible.

Par Anis Djaad, latribune-online.com