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La parabole triomphe en Algerie

jeudi 5 mai 2005, par Stanislas

Devant la monotonie criante de l’ENTV, les algériens ont massivement investi dans la parabole, un équipement devenu phénomène de société en Algérie.

La parabole, devenue phénomène de société en Algérie.

Qui se souvient encore des appels désespérés contre « l’invasion culturelle » symbolisée par une diabolique soucoupe posée sur les terrasses, comme un trophée arraché à un Occident conquérant ? Ces yeux et ces oreilles de métal travaillent en profondeur par sédimentation non encore soumise à la réflexion, aux enquêtes et sondages toute la société. La parabole façonne avec le temps des modèles qui s’imposent par comparaison, des habitudes de consommation (d’où l’import-import), des loisirs et des régimes alimentaires. Par comparaison apparaissent désuets les systèmes bancaire, de santé, d’éducation, les sports d’élite. La boulimie qui a fait exploser le marché des équipements, celui du piratage, témoigne de la pauvreté de l’offre audiovisuelle algérienne. Elle témoigne d’une large demande qui touche toutes les couches et tous les niveaux culturels, tous les âges.

La parabole a achevé les sanctuaires nationaux ; elle fidélise dans toutes les langues, pour tous les sports, les genres cinématographiques et musicaux. La grand-messe du 20 heures, célébrée ailleurs et suivie ici. Mais qui, en Angleterre, en France ou en Suisse, regarde un JT algérien, un match USMA-MCA, un feuilleton local ? Comme toutes les drogues, la parabole a des consommateurs par millions. Dans les pays où règnent encore la pensée unique, un régime autoritaire ou médiéval, elle remet en cause, toujours par comparaison, des systèmes établis, des familles régnantes, une pratique culturelle terne, insipide. Des grèves de lycéens en Europe, l’émergence du peuple dans les rues de Kiev, de Pékin ou de Rome disent aux téléspectateurs les changements mondiaux, les retombées de la mondialisation et les aspirations des gens à toujours plus de liberté, de bien-être à tout âge.

De multiples chaînes nationales généralistes franchissent leurs frontières et occupent des bassins linguistiques. Elles vulgarisent le débat, un stade de développement, des avancées syndicales et démocratiques qui font rêver en générant des frustrations porteuses de n’importe quoi. La BBC diffuse en plus de 40 langues, TV5 est reçue sur tous les continents, CNN utilise une dizaine de systèmes de satellite avant d’être relayée par une foule de réseaux de câbles. Les investissements consentis (publics et privés) portés par des volontés politiques, un professionnalisme au plus haut niveau font que les pays qui n’y vont pas sont réduits au bricolage. Une demande qui n’est pas satisfaite dans ce domaine laisse la voie aux autres. Comme la langue d’Esope, la parabole transporte le meilleur et le pire. Une émission comme « Loft Story » a atteint les sommets de l’abject. « Qui veut gagner des millions ? » est une horreur. Gérôme Clément, président de ARTE France, déclarait en 2001 (à propos de Loft Story) : « Ce type d’émission contribue à installer un fascisme rampant. » Pas moins ! Mais qui, en Algérie, de lui-même, est prêt à se séparer de sa soucoupe qui le fait voyager ?

Par Hassan Gherab, latribune-online.com