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Les nanobiotechnologies

vendredi 13 août 2004, par Hassiba

Le concept de nanotechnologie est apparu avec l’invention du microscope à effet tunnel STM (Scanning Tunnel Microscope), mais c’est surtout le microscope à force atomique AFM (Atomic Force Microscope) qui a permis l’exploration du monde nanoscopique.

L’invention de ces deux microscopes (STM et AFM) permettant de voir des atomes à la surface d’un matériau a valu à leurs auteurs Gerd Binning et Heinrich Rohrer, du laboratoire de recherche d’IBM de Zurich, le prix Nobel de physique en 1986.
Le STM possède une sonde métallique ultra fine d’une extrémité de 0,2 nm de diamètre, soit de la dimension de l’atome.

Lorsqu’on l’approche d’un matériau conducteur et que l’on applique entre les deux une différence de potentiel, les électrons de la surface peuvent sauter jusqu’à la pointe de la sonde par effet tunnel. Ce flux d’électrons, plus ou moins important, est fonction de la distance entre la sonde et l’échantillon. Les variations du courant tunnel lorsque la pointe survole le matériau permettent d’établir une topographie précise de la surface. La pointe permet aussi de faire glisser les atomes en modulant les tensions appliquées. Cependant, l’inconvénient du STM est qu’il ne peut être utilisé pour manipuler les atomes que dans des conditions de vide extrême et pour des surfaces conductrices.

L’AFM, en revanche, permet de manipuler à l’air libre les matériaux isolants. Il est muni d’une sonde fine de 2 à 3 mm d’extrémité, placée au contact direct de l’échantillon. Lorsque la pointe se déplace, elle suit les dénivellations de la surface. L’étude de ses mouvements verticaux, amplifiés et détectés par un dispositif optique, permet de dessiner une carte du relief à l’échelle nanométrique.
La recherche-développement au niveau atomique, moléculaire ou macromoléculaire relève du domaine des nanosciences, et l’ingénierie à cette échelle constitue la nanotechnologie.
Donc les nanotechnologies ont pour objet l’étude, la manipulation et le contrôle des objets de taille nanométrique : le millième de l’épaisseur d’un cheveu.
Un aspect important de l’effet « nano » est le comportement des nanomatériaux de façon différente de celui du même massif.

Ainsi les nanotechnologies permettent de contrôler les processus de fabrication de nanostructures, de mesurer leurs caractéristiques physiques, chimiques et vérifier leurs nouvelles propriétés pour éventuellement les intégrer dans des structures plus larges.
On peut citer les nanostructures déjà étudiées : les nanotubes de carbone, les nanofils, les particules quantiques (qdots), les structures à base d’ADN. Ces nanostructures peuvent présenter de nouvelles propriétés physiques, chimiques ou biologiques, ouvrant ainsi la voie à de nombreuses applications.

Une deuxième caractéristique des nanotechnologies est l’interdisciplinarité qu’elles induisent : l’étude de l’état solide à l’échelle atomique provoque la convergence de la biologie, la chimie, la physique, les mathématiques et les technologies associées : mécanique, électronique, métrologie et informatique. Les applications envisagées se retrouvent dans tous ces domaines.

Ce nanomonde, qui est constitué d’atomes, de molécules, d’amas métalliques mais également de molécules du vivant comme l’ADN, les protéines ou les virus, nous offre une remarquable opportunité, de faire interagir, en recherche fondamentale, les matériaux nanométriques avec les systèmes du vivant : ce sont les nanobiotechnologies.
La combinaison de matériaux métalliques avec des molécules biologiques permet de tirer parti des phénomènes physiques (optiques, électriques) des nanomatériaux tout en profitant des propriétés sélectives de la biologie. D’autre part, l’ADN par sa capacité d’autoorganisation, se révèle un candidat idéal à la construction d’assemblages moléculaires nanostructurés.

Les nanotechnologies pourraient remplacer les méthodes traditionnelles de détection et de dosage qui sont lentes et coûteuses, même à l’état de trace, d’agent biologique, par le développement de nanocapteurs pour la détection d’agents biologiques. En effet, les médecins espèrent de nouvelles techniques pour la détection de tumeurs ou cellules cancéreuses. Des matériaux dont la surface serait reliée à des enzymes permettraient d’obtenir des surfaces qui réagissent à l’environnement.

Dans un rapport intitulé « Nanobiotechnology, commercial opportunities from innovative concepts » (avril 2002), l’estimation du marché des nanobiotechnologies s’élève à presque 300 milliards de dollars sur les 12 prochaines années.

Les domaines de recherche
Les nanobiotechnologies n’en sont qu’à leurs débuts mais on prédit déjà qu’elles seront à la base d’applications révolutionnaires. Nous distinguons trois principaux domaines de recherche qui se recouvrent partiellement :
La nanoélectronique

Particulièrement la production de nanoordinateurs beaucoup plus puissants pour les téléphones, les voitures et les nombreuses applications industrielles ou grand public contrôlées aujourd’hui par des microprocesseurs. Le marché mondial pour ce domaine est évalué à lui seul à des centaines de milliards de dollars.

Les nanomatériaux, plus spécialement les nanostructures aux propriétés nouvelles et améliorées pour des applications solaires, les revêtements anticorrosion, les purificateurs d’air et les catalyseurs chimiques. D’autres nanomatériaux nouveaux pourront voir le jour pour des applications optiques, électroniques et énergétiques.

Les nanobiotechnologies, surtout à usage biomédical, laissent espérer des applications en médecine et détection de produits dangereux. La miniaturisation associée à l’électronique a produit des « lab-on-chip » (laboratoire sur puce). Les premiers lab-on-chip ont été fabriqués il y a onze ans par Mike Ramsey, du Oak National Ridge Laboratory (ONRL). Mais les chercheurs de l’ONRL et de l’université du Tennessee veulent atteindre des dimensions nanométriques pour montrer qu’un brin d’ADN pourrait être analysé grâce à sa signature électrique. Les pressions nécessaires pour le déplacement des fluides dans les nanocanaux deviennent trop importantes. Des chercheurs de l’Ohio State University ont développé un modèle qui consiste à diriger les fluides dans les nanocanaux par impulsions électriques. Les tests réalisés ont permis de valider ce modèle et faire circuler 0,5 nanolitre de solution saline à travers un canal de 7 mm de large. Les chercheurs de Princeton University sont parvenus à peigner des brins d’ADN, pour les isoler et les étirer, ouvrant la voie à leur analyse. Ils espèrent que leurs travaux permettront de délivrer des médicaments dans le corps grâce à des nanomachines, des médicaments à l’endroit où ceux-ci sont actifs. Quant aux chercheurs de l’University of Arkansas, ils ont adopté une autre approche pour favoriser la circulation des fluides : introduire des bactéries dans les canaux microfluidiques, la bactérie va tourner sur elle-même toujours dans le même sens, engendrant des mouvements de fluide.

L’ATP ou adénosine triphosphate est un agent de transport d’énergie dans les organismes vivants. C’est une grosse molécule du métabolisme cellulaire d’environ 100 000 atomes, constituée d’une unité inférieure F0, d’un filament central et d’une unité supérieure F1. L’unité F0 convertit un potentiel électrochimique (hydrogène traversant la membrane) en énergie mécanique. Son fonctionnement est réversible : l’hydrolyse de L’ATP libère de l’énergie qui permet de pomper les protons à travers la membrane. L’ATP, par son rendement presque idéal, est un système parfait pour étudier les conversions énergie mécanique-énergie moléculaire dans les moteurs moléculaires. Le professeur Guo à Purdue University est parvenu à assembler plusieurs brins d’ARN, ayant la propriété de fixer l’ATP sous une forme hexagonale, disposés autour d’un brin d’ADN utilisé comme axe de rotation. Donc en alimentant ce petit moteur par de l’ATP, on obtient un mouvement de rotation de l’ARN autour de l’ADN. Ce nanomoteur pourrait avoir de nombreuses applications sur le comportement de l’ARN, la mise au point de nanomoteurs et la thérapie génique, permettant de délivrer du matériel génétique aux endroits voulus. Signalons enfin les travaux sur les canaux ioniques artificiels au Beckman Institute of Advanced Science and Technology et au National Center for Super Computing Applications. Les canaux ioniques sont de grosses protéines membraneuses qui permettent le passage électif de certains ions. Leur étude nous donne un éclairage sur la délivrance des ions à travers une membrane. Leurs travaux ont consisté à simuler un flux d’ions à l’intérieur de nanotubes de carbone qui peuvent être fabriqués facilement sans présenter la complexité d’un système biologique. L’étude a montré la fonctionnalité des nanotubes avec une sélectivité similaire des canaux ioniques.

Des travaux menés à Purdue University et consistant à plonger un semiconducteur, l’arsenic de gallium, dans une solution de sel d’or pour réaliser un dépôt de nanoparticules d’or de très haute pureté et d’y attacher des molécules organiques et d’autres à l’University of Wisconsin, l’Argone National Laboratory et le Narval Research Laboratory pour fixer des molécules d’ADN sur des composants électroniques ; ils ont synthétisé un film de diamant de 500 mm d’épaisseur sur un substrat de silicium par dépôt plasma puis attaché sur sa surface des groupes aminés. (A suivre)

Par Mohamed Abdelali, La Nouvelle République