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Les syndicats européens unis contre la directive Bolkestein

mardi 22 mars 2005, par nassim

"Bolkenstein = Frankenstein" : père de la fameuse directive sur la libéralisation sur les services qui porte désormais son nom, l’ancien commissaire européen au marché intérieur, le libéral néerlandais Frits Bolkestein, a été malgré lui la vedette du grand rassemblement organisé, samedi 19 mars, par les syndicats européens dans le centre de Bruxelles pour défendre le modèle social européen.

A trois jours de l’ouverture du sommet européen des mardi 22 et mercredi 23 mars, l’unanimité contre la directive Bolkestein a servi de ciment à une manifestation qui n’a pas pu, en revanche, taire ses divergences sur la Constitution européenne.

Les troupes de la CGT française étaient venues en force à Bruxelles, où elles étaient les plus nombreuses avec celles des syndicats belges. Beaucoup d’entre elles n’ont pas résisté à venir proclamer leur"non" à la Constitution, joignant leurs voies à celles des altermondialistes du Forum social européen, qui défilaient en queue de cortège, notamment sous la bannière d’Attac. Mis en minorité au sein de sa confédération sur la Constitution, son secrétaire général Bernard Thibault n’avait pas fait le déplacement. Le mot d’ordre officiel de la manifestation s’était bien gardé d’évoquer ce thème. Organisée par la Confédération européenne des syndicats (CES), elle a réuni 60 000 personnes venues de tous les pays européens, y compris les nouveaux pays membres de l’Est. "Plus d’emplois et de meilleure qualité, défense de l’Europe sociale, stop Bolkestein !", proclamait la banderole brandie en tête du défilé syndical par John Monks, le secrétaire général britannique de la CES, qui était entouré de François Chérèque (CFDT, France), Michael Sommer (DGB, Allemagne), José Fidalgo (CCOO, Espagne) et d’autres dirigeants.

"GARDER LES YEUX OUVERTS"

Avant le basculement de la CGT française dans le camp du"non", la CES pouvait se prévaloir sur la Constitution d’une quasi-unanimité. Elle s’était prononcée en sa faveur dès le 13 juillet 2004, au cours d’un comité directeur élargi à toutes les organisations membres, voulant clairement donner une impulsion positive. Ce vote a été reconduit deux mois plus tard au cours d’un comité exécutif. Le 13 octobre, c’est à 90 % que la CES s’est prononcé pour le traité. Seule le syndicat français Force ouvrière a voté contre. La CGT, dont le débat interne n’était pas alors tranché, s’était abstenue, comme le TCO suédois (syndicat de cols blancs), la CGT portugaise et la Fédération européenne des transports.

Comme souvent, tout se passe cependant comme s’il y a d’un côté la CES et de l’autre ses affiliés. "La CES est historiquement liée à la construction communautaire, elle en est une émanation directe, ce qui lui permet difficilement de s’en distancier", note Jean-Marie Pernot, chercheur à l’Institut français des relations économiques et sociales (IRES). Les échanges se font, mais une certaine étanchéité existe entre la CES et les centrales nationales, qui se concentrent sur les questions internes, ­ chômage, pouvoir d’achat, etc. ­ plus que sur les enjeux européens, plus souvent utilisés comme épouvantail ou repoussoir. Du coup, constate Corinne Gobin, de l’Université libre de Bruxelles,"depuis vingt ans que le marché intérieur européen existe, il y a un décalage croissant entre ce que ressent la base des militants et ce que pensent les leaders syndicaux".

S’agissant de la Constitution, la situation n’est pas la même selon les pays où la ratification se fait par la voix référendaire et ceux qui ont opté pour la voix parlementaire, et où elle est acquise d’office, comme en Allemagne ou en Italie. L’absence de dramatisation change la donne. Le président du DGB allemand, Michael Sommer, défend le traité, qui constitue selon lui"un pas en avant pour l’Europe", mais ce n’est pas un thème prioritaire pour les grandes centrales que sont IG Metall ou Ver.di. En Italie, la CGIL a exprimé un avis positif, tout en voulant "garder les yeux ouverts".

L’enjeu est différend là où il y a référendum. En Espagne, seul pays pour l’instant à avoir approuvé la Constitution par cette voie, les partisans du"oui"avaient reçu un soutien sans faille de l’UGT (proche des socialistes) et des Commissions ouvrières (proche des communistes). Il en est de même au Portugal, où le soutien de l’UGT, syndicat majoritaire, est acquis, et en Irlande, avec l’ICTU. Pour ces trois pays, les bénéfices liés à l’adhésion sont déterminants dans leur motivation.

Dans les nouveaux pays membres de l’ex-Europe communiste, l’accueil fait à la future Constitution dans les milieux syndicaux est favorable, dans la mesure où elle conforte la démocratie et devrait permettre l’accès à une plus grande prospérité économique.

Alain Beuve-Méryet Rafaële Rivais (à Bruxelles), lemonde.fr