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Londres renonce à l’organisation prochaine d’une conférence de paix sur le Proche-Orient

samedi 8 janvier 2005, par Hassiba

L’indispensable stabilisation de l’Irak autorise à outrance les coups d’épée dans l’eau. L’enthousiasme du travailliste Blair a été de courte durée, juste le temps de son voyage en terre promise.

Ses entretiens sur place n’ayant rien modifié à la donne sécuritaire irakienne, le locataire de Downing Street passe aux aveux : prématurée encore l’organisation d’une conférence de paix palestino-israélienne.

Son retournement a-t-il été précipité par la seule fin de non-recevoir d’Ariel Sharon ? En partie. La nouvelle direction palestinienne avait, elle aussi, haussé le ton après confirmation des intentions réelles de l’intermédiaire londonien. La bipartite qui n’aura finalement pas lieu en janvier, tel qu’annoncé tambour battant, devait traiter uniquement des réformes palestiniennes. Craignant que la conférence ne se retourne en procès intenté aux héritiers de feu Arafat, Ahmed Qoreï donnera le dos. Quitte à laisser transparaître des dissensions avec le grand favori de la présidentielle de ce dimanche, Mahmoud Abbas. Bien que celui-ci donne des signes de quitter petit à petit l’ombre du vieux raïs disparu -il condamnera par deux fois « l’Intifadha armée » lors de sa campagne-, ses positions sur les questions de fond agacent. Pourtant, sa dénonciation des attaques anti-israéliennes, aux contours électoralistes, ne trompe pas les nouvelles lignes tracées par Blair qui, lui, mise sur le tout-sécuritaire d’abord. Le discours de Abbas sur la question des réfugiés et de la capitale du futur Etat de Palestine achèverait les ambitions accélérées du travailliste anglais.

Par son recul, il reconduit la position tranchée du duo Bush-Sharon d’avant la disparition de Arafat. Soit, aucun retour possible à la table des négociations tant que les promesses du camp des réformateurs palestiniens ne se traduisent pas en actes. Si Abbas s’est forgé la stature du plus représentatif interlocuteur, sa parole ne suffit pas. Par ses vœux à rechercher les moyens de relancer le processus de paix après les élections, il a toujours du mal à convaincre. Il n’était pas si ouvert à la discussion, se souviennent des négociateurs israéliens présents au sommet de Camp David. « Nous sommes intéressés par des négociations, car nous pensons qu’elles aboutiront. Nous sommes prêts, et si Israël est intéressé aussi, faisons-le », a déclaré l’homme fort du Fatah dans les colonnes du journal israélien Maariv. Sa disponibilité risque de ne pas emballer le likoudien Sharon qui, lui, vient de revenir de loin. Il avait juré d’éviter des élections anticipées, désormais c’est pari gagné.

Le ralliement de dernière minute des ultra-orthodoxes à son gouvernement d’union nationale donne raison à ses projets unilatéralistes. Le resteront-ils longtemps alors que les revenants travaillistes de Peres donnent l’impression de vouloir aller plus loin que le désengagement israélien de Ghaza ? Ils ne voudraient en aucun cas rester en marge de l’histoire d’autant plus que les Israéliens sont en majorité favorables à l’évacuation de ce territoire. Et il n’est pas certain que les troupes de la « colombe » poussent Sharon à négocier avec les Palestiniens le retrait qu’il compte entamer au cours du premier semestre 2005. Ses « sauveurs » n’avaient rien trouvé à redire quand le projet d’évacuation de la droite israélienne était encore sur le papier. Il se peut qu’à travers leur ralliement les travaillistes redonnent du souffle au « camp de la paix », mais il paraît bien loin le temps où ce dernier imposait sa démarche dialoguiste.

Les aveux de l’un des proches collaborateurs de Sharon renseigneraient sur ce que pourrait être l’après-retrait de Ghaza. Le numéro 1 du Likoud table sur la politique du vide absolu envers les Palestiniens. L’année 2005 serait-elle celle de la paix comme le souhaite le patron du Quai d’Orsay ? A s’en tenir aux largesses historiques faites par W. Bush à son allié israélien à propos des grandes implantations de Cisjordanie, la paix des braves n’est pas pour demain. Les Palestiniens exigent la restitution par Israël de toutes les terres conquises au lendemain de la guerre des Six-Jours. Chose impossible, se révoltent politiques et démographes israéliens dont la vision géographique du futur Etat de Palestine se dessinerait de jour en jour : la bande de Ghaza et les quelques implantations évacuées en Cisjordanie.

La duperie n’a pas un goût amer seulement dans les milieux islamistes palestiniens. Dans la maison OLP aussi. Mahmoud Abbas peut bien faire preuve de fermeté à l’égard des lanceurs de roquettes -le Hamas assimile son geste à un coup de poignard dans le dos-, mais pas de souplesse à l’adresse des négociateurs, si certains venaient à mesurer un pas en avant. Et ce ne sera pas Ariel Sharon qui sera leur meneur. Son refus indiscutable de se rendre à Londres en dit trop sur sa stratégie de la temporisation qui, elle, tournerait à l’avantage de l’axe Washington - Tel-Aviv dans sa logique d’anéantissement de toute menace régionale. L’appel de jeudi dernier du locataire de l’Elysée à la relance « sans délai » de la « feuille de route » pourrait se heurter à la politique de démembrement de Sharon face au cercle des pays durs du Moyen-Orient. L’Iran et la Syrie en tête de liste, bien sûr.

« La recherche de la paix au Proche-Orient ne saurait s’accommoder de la persistance de schémas archaïques », déclarera le président Chirac qui semble quasi persuadé que l’année 2005 est celle du renouveau dans les liens transatlantiques et du multilatéralisme. Le quartette en fera-t-il preuve après la présidentielle palestinienne de ce dimanche ? Les signes de bonne volonté qu’a montrés jusqu’ici Ariel Sharon ne concerneraient que le scrutin au bout duquel Mahmoud Abbas devrait sortir vainqueur. S’il en est ainsi, son premier vrai test vis-à-vis du trio Bush-Blair-Sharon serait de faire taire les armes dans Ghaza sans ses colons. Il a promis de réussir sa seconde tentative de démilitarisation mais uniquement par le dialogue. Un dialogue inter-palestinien hautement risqué où Ariel Sharon excelle dans le torpillage à distance.

Par Anis Djaad, latribune-online.com