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Rabah MBS, président sortira en mars

Le rap au pouvoir

samedi 28 février 2004, par nassim

Passé depuis longtemps dans l’opposition, Rabah du groupe de rap MBS (Micro Brise le Silence) se présente - à sa manière - aux élections présidentielles. De tous les candidats, c’est le seul qui tient le flow le plus intéressant. En attendant que le groupe - en état de veille depuis Wellew - reprenne du service, Rabah fait cavalier seul sur trois albums.

Galouli sorti en 2002, l’album le plus abouti, Djabha gagnant passé presque inaperçu en 2003, et le dernier Rabah président avec sur la pochette du CD un photomontage qui le place sur le trône. Un rêve, car il lui faudra patienter une quinzaine d’années avant d’avoir l’âge requis pour être candidat.

Mais qu’à cela ne tienne, Rabah annonce sa candidature musicale le 23 février, lors d’une conférence de presse au siège du quotidien El Khabar, « juste après Boutef », précisera-t-il. De ce côté-là, il respecte les délais et fait cela dans les formes, avant que tout ne parte en vrille. « A la veille des élections présidentielles en Algérie, moment important dans la vie des Algériens, je réfléchis au moyen de m’en mêler, de f la merde », dit-il dans sa déclaration d’intention.

On lui reproche d’être trop politique dans ses textes, alors Rabah les prend au mot et se jette dans la bataille électorale en souhaitant « ne jamais avoir à faire de la politique pour de vrai, on est appelé à mentir ». De sa candidature, il en fait de la musique rap, des textes sans concessions parce que « c’est la meilleure façon de leur rentrer dedans, de se faire entendre ». S’il en a contre les politiques, tous pareils, tous les mêmes, il accorde une place particulière à Bouteflika, auquel il avait déjà réservé un titre sur le précédent album, Cher Président, un collage de ses déclarations, un best of de son talent logorrhéique, sur le refrain « Avant on nous parlait pas/Maintenant on nous parle trop/ Si c’est pour entendre ça/Je préfère jouer aux dominos ». Rabah se place donc en challenger et hisse le hip hop au pouvoir, rap hardcore et flow mitrailleur.

Audacieux par la démarche, ce troisième album reste quelque peu inégal sur les dix propositions du candidat Rabah. Nonobstant cela, d’instinct il connaît le métier, selon la règle de trois. Annonce de sa candidature en « Intro » qui revendique un rap engagé, pimenté. Se faire acclamer par ses amis dans Rabah Président et exiger un score plus fort que celui de Chirac ! Faire ensuite sa tournée et s’inquiéter de tout et de tous dans Wach rakoum, sans reprendre son souffle sur quatre minutes trente.
Surnommé « Chellal » parce qu’il parle trop et déborde, une qualité qu’il partage avec certains présidentiables, Rabah s’y voit déjà et nous ressert ­p ; dans de nouvelles versions - les mêmes textes, Houmti l’Hussein Dey, histoire de ne pas oublier d’où il vient, et Piston compression dépression qui reste cruellement d’actualité.

Le rappeur candidat en profite pour régler ses comptes avec l’ENTV, sur Chacha seghira bezzef », Le trop petit écran qui a fait barrage au passage de ses clips, jugés subversifs. Averti, il jette un regard sur le monde et renvoie un Boomerang dans l’il US, en compagnie du groupe palestinien DAM. Un titre écrit, composé et enregistré en une nuit, à la suite de leur rencontre parisienne. L’intrus dans l’album, Yemma, rap kabyle, une douceur destinée à sa maman, pour exorciser sa peur pour elle un soir quand la terre a tremblé.

Cet album, édité chez le label Dounia, s’est fait avec amis et invités qui intervinnent autant sur la musique qu’au chant. Hadjira, Youssef du groupe Intik, Brahim Izri, Hicham bassiste attitré de Mami, Hadj Khalfa. Rabah Président sera disponible chez les disquaires en mars prochain pour la campagne électorale.

Yasmina Belkacem, Le Matin