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Tigzirt (Kabylie) en été

samedi 17 juillet 2004, par nassim

La saison estivale à Tigzirt (Kabylie maritime) est synonyme d’animation, d’intenses activités commerciales, touristiques et de vie nocturne.

Sans doute lasse du triste miroir que lui renvoie la grande bleue depuis la fin de l’été dernier, Tigzirt sort de sa léthargie et revit de nouveau. La nouvelle saison estivale se présente sous de bons auspices et ils sont déjà plusieurs centaines de milliers à avoir transité par la Coquette. Cette ville balnéaire reste l’une des plus visitées en été. Elle possède, en effet, tous les atouts pour ne rien envier aux autres villes côtières.

Une beauté mythique
Tigzirt ouvre les bras et vous accueille avec cette chaleur hospitalière semblable à celle de ses consœurs qui longent les côtes algériennes. Le regard du visiteur de l’antique Iomnium est vite captivé par la beauté de l’îlot posé là comme par une main de maître. Petite, certes, elle vous apprivoise avec une telle rapidité que certains vacanciers qui y viennent chaque année, comme en un lieu de pèlerinage, la laissent derrière eux à la fin de leur séjour avec un immense regret et un désir sans cesse renouvelé de la retrouver. La topographie des lieux a tout l’air d’un puzzle, ayant les pieds dans l’eau et la tête sur la montagne. Sa tête, en effet, repose avec fierté sur le sommet du pic de Mizrana, et son corps est composé, outre la ville aux ruelles étroites et ses anciennes constructions ayant gardé une belle architecture coloniale, de trois plages connues pour leur calme et la clarté des eaux. Côté ouest, c’est la plage Tassalast au sable fin qui vous invite à d’agréables moments de détente. Sur place d’ailleurs, et en plus de la possibilité de s’offrir des boissons, une équipe de la Protection civile veille à la sécurité des baigneurs. À un jet de pierres, d’immenses rochers, polis par le ressac des vagues, séparent Tassalast de l’ex-petite plage, aujourd’hui disparue suite aux travaux de réalisation du port de pêche et de plaisance. Les travaux de ce projet, qui risque de polluer toutes ces plages, même s’il est d’un apport économique certain pour la région, avancent lentement.

Il ne reste plus de la plage du port que le petit embarcadère qui sert de plongeoir à l’immense piscine bleue. La disparition de cette plage a laissé un sentiment de frustration chez les Tigzirtois, d’abord pour le trésor archéologique qu’elle recèle, puis pour le calme de ses eaux qui ne sont pas profondes. En face, c’est l’îlot où viennent nicher et se reproduire les oiseaux marins, avec une faune et une flore à protéger. La presqu’île, reliée à l’îlot par une jetée maçonnée, est, quant à elle, convoitée par les pêcheurs. À quelques brasses seulement, se dresse la Grande plage qui est à elle seule tout un poème. Avec son sable fin d’une incroyable blancheur, elle attire aussi quotidiennement un nombre impressionnant de baigneurs de par sa proximité de la ville, qui permet au visiteur, non seulement d’avoir une vue sur l’îlot, mais aussi sur le promontoire calcaire de la presqu’île. Plus à l’est, c’est la plage Feraoun qui est convoitée par les familles. Elle se distingue des autres par ses coquillages et ses galets arrondis. Un peu plus à l’est, c’est Sidi Khaled, renommé pour sa mosquée qui offre un autre lieu de repos, notamment aux vieilles femmes qui viennent se recueillir sur le tombeau du saint.

Une histoire millénaire
L’actuelle ville de Tigzirt, qui tire son nom de l’îlot, était déjà connue depuis plusieurs siècles sous son appellation romaine : Iomnium. Les vestiges existent encore et suscitent sans cesse la curiosité des visiteurs à aller vers la découverte de ces merveilles. La ville romaine a été construite entre 145-47 avant JC. Au début, elle était composée d’un casernement entouré d’un mur défensif pour repousser les attaques. Au IIIe siècle, il a connu une extension pour devenir ce qui était appelé une ville civile avec la construction du temple ; construction attribuée à un citoyen notable de l’actuelle Dellys et qui répondait au nom de Julius Félix. À l’époque où régnait à Rome l’empereur Septime Sévere, d’origine berbère.

Selon les anthropologues et les historiens, ce temple a été dédié au dieu protecteur de la ville. Ce site se trouve du côté est, à proximité du Cardo qui est une route dallée orientée nord-sud. Le site est, quant à lui, composé de la basilique réalisée à l’époque byzantine, soit au début du VIe siècle après JC. Cette merveille possède un baptiseur au nord. Il est à signaler aussi qu’auparavant, la ville romaine s’étalait sur une superficie de 10 h, alors qu’elle est réduite aujourd’hui à 2,6 h seulement. Cette réduction a commencé depuis 1888 avec l’édification de la ville coloniale par les Français sur le site lui-même. Ces derniers ont même utilisé de nombreux vestiges comme éléments décoratifs à l’instar de chapiteaux, de colonnes, de stèles... Une autre merveille se situe juste au-dessus de la plage Feraoun. Et comme si l’on pouvait le toucher juste en tendant la main, se trouve le village historique de Taksebt, juste au-dessus de la station préhistorique de Cap Tadles. Ce village abrite un mausolée érigé au IIe siècle avant JC.

Il a été détruit par le séisme du 21 mai 2003. Ce site archéologique n’a jamais fait l’objet de fouilles. Tigzirt et Taksebt s’appelaient “les villes jumelles” car reliées par le pont de Feraoun. Il existe aussi un tunnel qui débouche sur la mer, selon les archéologues. De là, on domine la beauté de la baie de Tigzirt. Si aujourd’hui ces infrastructures gardent presque intactes leurs infrastructures urbanistiques c’est surtout grâce au travail intense des membres de l’antenne archéologique qui ne ménagent aucun effort pour la sauvegarde des ruines qui ont une valeur inestimable, comme c’est le cas pour la basilique. Ces lieux, qui nous renvoient à une époque lointaine témoin de l’invasion romaine, sont particulièrement prisés le soir par les promeneurs.

Manque d’eau et d’infrastructures d’accueil
La beauté de cette ville cache hélas de nombreuses déficiences. Il s’agit, entre autres, du manque chronique d’eau potable dont souffre la population, particulièrement en ces périodes de grandes chaleurs. La chaîne côtière n’arrive pas à elle seule à répondre aux besoins de plus en plus grandissants des estivants et des habitants. Le problème d’alimentation en eau potable s’est accru depuis le sabotage de la chaîne de Benchoud. Quant à la réception de la station de dessalement de l’eau de mer, elle tarde à se concrétiser. Sur le plan infrastructurel, il est à signaler que la ville de Tigzirt ne possède qu’un seul et unique hôtel étatique. Les autres appartiennent à des privés qui ont investi dans ce créneau qui demeure presque vierge.
Cet état de fait arrange de nombreux habitants qui cèdent leurs maisons pour la saison estivale à des prix exorbitants.

Par Kenza K, Liberté