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Tony Blair III

mercredi 4 mai 2005, par nassim

Tous les sondages semblent conforter les avis des analystes politiques qui prévoient la victoire de Tony Blair malgré l’Irak.

Sauf énorme surprise, les

Tony Blair

Britanniques devraient, lors des élections législatives du jeudi 5 mai, offrir un troisième mandat gouvernemental d’affilée au Parti travailliste. Ce serait la première fois dans l’histoire du Labour. Et si les prévisions des sondages sont justes, Tony Blair, premier ministre depuis huit ans, pourra, le lendemain, jour de son 52e anniversaire, célébrer sereinement sa victoire. Depuis des semaines, plusieurs dizaines d’enquêtes d’opinion ont placé le Labour en tête, en le créditant d’une avance de 2 à 10 points sur les conservateurs (entre 36 % et 40 % contre 30 % à 34 %). Les libéraux-démocrates, troisième parti national, sont loin derrière (de 20 % à 24 %). Certes, le parti de Tony Blair n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise. La principale source d’incertitude statistique, et d’inquiétude travailliste, tient au nombre d’électeurs indécis, beaucoup plus important que dans le passé. Plus d’un sur trois dit pouvoir encore changer d’avis dans les prochaines quarante-huit heures.

Autre souci pour le Labour : selon un sondage publié mardi 3 mai par le Guardian, dans les 108 sièges dits "marginaux" , ceux qui sont les plus disputés entre travaillistes et conservateurs, l’avance des premiers a sensiblement diminué.

Troisième tracas du Labour : le risque de voir ses partisans sanctionner Tony Blair pour avoir engagé le Royaume-Uni dans la guerre en Irak, soit en s’abstenant, soit en votant massivement pour les libéraux-démocrates, le seul grand parti opposé à la guerre. Le taux d’abstention ­ 41 % ­ déjà en forte hausse en 2001 par rapport à 1997 (+ 12 %) est un indicateur inquiétant de la baisse d’intérêt civique des Britanniques. 31 % seulement des nouveaux électeurs ont l’intention de voter ; les autres ne croient pas que glisser un bulletin dans l’urne changerait quoi que ce soit à leur vie personnelle. Mais un taux de participation encore plus faible qu’en 2001 ne nuirait pas forcément, selon les experts, au seul Parti travailliste.

Il n’empêche : Tony Blair et ses amis, loin de crier victoire, ne veulent courir aucun risque. Ils battent le rappel de leurs troupes en insistant sur le risque de voir les conservateurs revenir au pouvoir "par la porte de derrière" . "Il y a trois manières d’avoir un député tory, répète M. Blair, la première est de voter tory, la deuxième est de rester à la maison, la troisième est de voter libéral-démocrate."

Une chose est quasi sûre : les travaillistes ne retrouveront pas dans le futur Parlement la très confortable majorité de 2001 (412 députés sur 659). Mais compte tenu du mode de scrutin et du découpage électoral même une piètre performance du Labour en voix (29 %) lui suffirait pour conserver la majorité aux Communes. Pour la lui arracher, les conservateurs devraient drainer 41 % des suffrages, un exploit qui semble hors d’atteinte. Une majorité de 80 sièges serait considérée comme honorable pour le Labour et lui permettrait de légiférer sans trop de problèmes.

PLEIN EMPLOI

Jusqu’au bout, l’ombre de l’Irak aura plané sur la campagne. Tony Blair a perdu de nombreux soutiens parmi l’intelligentsia, les étudiants, les minorités musulmanes et les militants pacifistes les plus fervents du Labour. Mais, comme l’ont souligné les éditorialistes de plusieurs journaux de qualité, pourtant hostiles à la guerre, tels le Guardian ou The Independent, les élections législatives ne sont pas un référendum autour d’une question, si majeure qu’elle soit, ni un plébiscite autour d’un homme, si contesté qu’il soit. Ce n’est pas seulement l’occasion de protester. C’est le moment d’un bilan de l’action gouvernementale, et celui d’un choix entre le désir de le voir rester en place ou non. Or, selon une récente enquête, l’Irak ne vient qu’au 11e rang des préoccupations de l’électorat. Seulement 3 % des électeurs citent la guerre comme le facteur qui les influencera le plus au moment du vote. Leurs principaux soucis sont ailleurs, et dans l’ordre : la santé, l’éducation, la criminalité, l’immigration, l’économie, les impôts, les transports.

Sur tous ces sujets, le bilan des huit années au pouvoir de Tony Blair est globalement positif : croissance forte, plein emploi, taux d’intérêt bas, fiscalité assez stable, redistribution discrète mais réelle au profit des plus pauvres. Surtout, les travaillistes sont décidés à poursuivre la modernisation des services publics, dans lesquels ils ont promis de continuer d’investir massivement.

"Il n’y a pas d’alternative, hélas !" Ce titre de "une" de l’hebdomadaire The Economist résume le sentiment de nombreux Britanniques. Les conservateurs n’ont pas convaincu qu’ils étaient prêts à reprendre le pouvoir. Leur manifeste électoral ressemble plus à une litanie de griefs contre le Labour qu’à un programme crédible de gouvernement. Ils ne parviennent toujours pas à faire entendre leur différence, sauf sur un thème ­ l’immigration et le droit d’asile ­ qu’ils brandissent avec des accents tellement populistes qu’une partie de l’électorat s’en effraie. La violence des attaques de leur chef, Michael Howard, contre Tony Blair, qu’il qualifie constamment de "menteur" , semble avoir choqué les électeurs. Même s’ils font le plein de leurs voix grâce à l’Irak, les libéraux-démocrates restent, quant à eux, perçus comme un parti d’abord protestataire. Voilà pourquoi Tony Blair est bien placé pour offrir au Labour une victoire historique qui le conforterait dans son rôle de parti naturel de gouvernement.

Par Jean-Pierre Langellier, lemonde.fr