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Trois ans après, Amizour n’a pas oublié

jeudi 22 avril 2004, par nassim

Trois ans après la mort tragique de trois collégiens de la ville d’Amizour et de leur professeur, les “stigmates” du feu de la révolte sont omniprésents et la colère toujours prompte.

Bien qu’elle donne, aujourd’hui, l’air d’une ville calme, Amizour offre toujours l’image d’une cité choquée et attristée par les affres des journées sombres qu’elle a vécues durant les évènements tragiques du printemps noir.
Aujourd’hui, trois années se sont déjà écoulées depuis le déclenchement de ces évènements douloureux, mais les stigmates du feu de la révolte sont omniprésents et les marques de déchirement et de tristesse se lisent sur les visages de ces jeunes Amizourois qui semblent de plus en plus désemparés par la monotonie quotidienne. La bâtisse abritant le tribunal d’Amizour, implantée au cœur de la ville, mitoyenne au siège de la mairie, demeure toujours en ruine.

Elle fut incendiée un certain 16 juin 2001, soit 48 heures après la fameuse marche noire et historique du 14 juin 2001, qui avait eu lieu à Alger. “Ici, repose le pouvoir”, est l’un des graffitis qui restent remarquables sur les murs à moitié effondrés du siège de cette institution judiciaire. Il faut préciser que l’état n’arrive toujours pas à reconstruire ce tribunal qui continue à siéger à la cour de Béjaïa.

Selon les témoignages des délégués d’Amizour, ce sont les citoyens qui ont décidé d’empêcher, à deux reprises, durant l’année 2002, le lancement des travaux de réfection confiés à une entreprise privée. Les décombres de cette bâtisse témoignent de la mobilisation et de la détermination de la population locale qui ne semble pas prête à reculer, encore moins à capituler.

La force de la volonté populaire a permis, également, aux citoyens d’Amizour de récupérer un espace vert traversé par un passage piéton, en démolissant une muraille de clôture dressée par les responsables de la brigade de gendarmerie locale qui voulaient s’offrir une extension.
Le pont jouxtant ce lopin et reliant les deux flans de la ville, est baptisé par le mouvement citoyen des archs au nom du “Pont du printemps noir”, en y érigeant une plaque commémorative. Cet endroit est devenu, depuis l’inoubliable journée du dimanche 22 avril 2001, un lieu sacré et de pèlerinage, où des milliers de personnes se rendent chaque année pour rendre hommage aux trois collégiens, Ikhlef Khaldi, Farid Bariche et Samir Mameri ainsi que leur professeur d’éducation physique, en l’occurrence M. Ahmed Mameri.

C’était en cette date historique que cinq éléments de la gendarmerie nationale ont procédé à l’interpellation de ces trois jeunes collégiens en présence de leur professeur de sport, alors qu’ils se dirigeaient vers le stade communal pour y tenir une séance d’éducation physique.
Cette interpellation inexpliquée est perçue par certains observateurs locaux comme un acte de représailles, puisque lors de la marche des lycéens et collégiens d’Amizour, organisée le jeudi 19 avril 2001, les manifestants scandaient à tue-tête des slogans hostiles au pouvoir et aux gendarmes, désignés comme étant “les assassins de Matoub Lounès”.

Cependant, le délégué Tayeb Mansouri, qui développe une autre thèse, nous confie que l’arrestation des trois collégiens en question n’est pas fortuite, dès lors que les gendarmes à l’origine de ce qu’on qualifie ici à Amizour d’“enlèvement” avaient ciblé des têtes bien identifiées. D’après notre interlocuteur, les noms des collégiens arrêtés ont été communiqués par l’une de leurs camarades de classe, qui n’est autre qu’une fille de gendarme en exercice à Amizour. Ne croyant pas à cette version, les autres délégués et le professeur Mameri estiment que le choix des collégiens à arrêter était fait au hasard. “L’essentiel pour les gendarmes, était de provoquer un climat de terreur”, s’accordent-ils à affirmer.

Le comité communal d’Amizour de suivi des évènements qui proclame la date du 22 avril comme journée nationale contre la hogra, a élaboré un riche programme d’activités pour commémorer dignement cette date hautement historique.
Dans la soirée d’hier, tous les coins de la ville d’Amizour brillaient d’une vive lumière que réfléchissaient ces milliers de bougies allumées dans les différents foyers à la mémoire des martyrs du printemps noir. À l’appel des archs, Amizour devra abriter, aujourd’hui, une marche populaire suivie d’un meeting. Deux actions qui seront ponctuées par une grève générale.

source : Liberté