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Un Algérien, condamné dans un dossier de terrorisme, a été expulsé en moins de 24 heures

lundi 28 février 2005, par Hassiba

Son avocat dénonce "une méthode scandaleuse".

Judiciairement, Ali Drif, 44 ans, était libérable le samedi 26 février. A 5 heures, ce jour-là, la machine administrative a pris le relais. Des fonctionnaires de la police aux frontières (PAF) sont venus le chercher dans sa cellule de la prison Saint-Paul, à Lyon, pour le transférer immédiatement à Marseille, où il a pris un bateau à destination de l’Algérie.

Son épouse a appris la nouvelle par un coup de fil de trente secondes, samedi en début d’après-midi.

Une expulsion rapide du territoire français,"selon une procédure bien normée, qui s’est déroulée sans problème", a indiqué, dimanche, la préfecture du Rhône. "Une méthode scandaleuse qui contourne les droits de la défense, s’indigne Me Jacques Debray, avocat d’Ali Drif.Je n’ai pas eu connaissance de la notification de la décision préfectorale." Il a déposé un référé au tribunal administratif de Lyon en demandant le retour de son client.

Fermeté du Ministère
En 1995, Ali Drif apparaît dans le réseau dit des "intellectuels", à travers les enquêtes tous azimuts sur les ramifications du Groupe islamique armé (GIA) dont les agissements ont ensanglanté l’Algérie. Son nom figurait dans des agendas de personnes impliquées. Il disposait des coordonnées d’un fonctionnaire des Yvelines soupçonné de fournir de faux documents administratifs. Selon les policiers, il aidait et convoyait un certain Abdelhassine Ouguenoune, considéré comme "un personnage proche du GIA".

Surtout, Ali Drif, alors en poste à l’Institut national de sciences appliquées (INSA) de Lyon, était suspecté de communiquer des renseignements techniques. Selon l’instruction judiciaire, des lampes et une pile aux culots reliés à des fils électriques, ainsi que deux boîtiers d’horloge à quartz, trouvés à son domicile, s’apparentaient aux systèmes "découverts les 3 et 4 septembre 1995 lors des attentats".

Placé en détention provisoire du 13 septembre 1995 au 24 octobre 1997, Ali Drif a réfuté tout activisme terroriste. Remis en liberté sous contrôle judiciaire, il a été relaxé, une première fois, par la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le 30 juin 1998.

En 1999, la cour d’appel de Paris a réformé le jugement et l’a condamné, parmi dix-sept autres prévenus, à trois ans d’emprisonnement ferme pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste".

Mais il n’avait pas été immédiatement réincarcéré. La peine, assortie d’une interdiction définitive du territoire français, restait suspendue à une convocation d’un juge d’application des peines, pour qu’Ali Drif purge les quelques mois de détention qu’il avait encore à accomplir. En 2004, il fut fortuitement conduit à la brigade de gendarmerie de Chassieu à la suite d’un accident de circulation. Là, on découvrit qu’il lui restait un reliquat de peine à purger. Le 20 septembre, il fut à nouveau écroué, à la demande du parquet de Lyon.

Marié, père de quatre enfants, natif de Lyon, de nationalité algérienne, Ali Drif a été agent de médiation, récemment cogérant d’une entreprise de menuiserie : "Il n’a jamais voulu se soustraire à la justice, toute sa famille est en France, ses proches s’inquiètent de son sort en Algérie", assure Me Debray.

Le cas d’Ali Drif illustre la fermeté du ministère de l’intérieur à l’encontre des condamnés de nationalité étrangère qui font l’objet d’une interdiction du territoire, surtout lorsqu’ils apparaissent dans des dossiers antiterroristes. "Ces dossiers marquent au fer rouge sans tenir compte des réalités humaines et familiales", selon Me Debray, qui avait déposé en 2004 une requête en relèvement de l’interdiction du territoire national. L’audience a été fixée au 24 mars, probablement sans son client.

Par Richard Schittly, www.lemonde.fr