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Washington lâche Ahmed Chalabi

samedi 22 mai 2004, par Hassiba

Ahmed Chalabi, membre du Conseil intérimaire de gouvernement, n’est plus le « petit » du vice-président Dick Cheney et des faucons du Pentagone de ces dix dernières années, et encore moins comme le « De Gaulle irakien ».

Une centaine de soldats américains et de policiers irakiens ont perquisitionné jeudi matin sa maison et son quartier général en quête de documents. Officiellement pour accusations criminelles et de corruption lancées contre le chiite formé au Massachusetts Institute of Technology de Chicago par la Cour centrale irakienne criminelle. Mardi, le secrétaire américain adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, a annoncé l’arrêt du versement, par le Pentagone, des 335 000 dollars qu’il versait mensuellement au Congrès national irakien, le parti de Chalabi depuis 2002. La presse fait état de plusieurs enquêtes criminelles lancées contre l’ami personnel de Donald Rumsfeld et d’Ariel Sharon.

Ses amis expliquent cette « rupture » par la volonté de Chalabi de s’émanciper de l’emprise américaine, particulièrement après l’assassinat d’Ezzedine Salim, son opposition à la réintégration d’anciens membres du Baas, le parti de Saddam Hussein, à des postes de responsabilité et l’enquête qu’il a engagée indépendamment des américains sur le programme « Pétrole contre nourriture ». Les américains lui collent des accusations de « vol de propriété du gouvernement, d’argent du gouvernement et d’abus de pouvoir » et de fourniture d’informations « hautement classifiées » à l’Iran pouvant entraîner la mort des Américains. Réellement, les américains lui en veulent pour deux motifs. Le premier d’ordre financier et sécuritaire et le second d’ordre politique. Chalabi, qui a reçu depuis mars 2000 quelque 33 millions de dollars, a vendu aux américains des renseignements erronés pour les convaincre de la possession par Saddam Hussein d’armes de destruction massive et de la nécessité de faire la guerre. Notamment sur l’existence de laboratoires mobiles d’armes chimiques ou bactériologiques qui ont plongé depuis l’administration américaine dans un profond embarras.

« Chalabi n’est guère recommandable en tant que politicien, et encore moins en tant qu’informateur », écrit le New York Times. En 1992 déjà, un tribunal militaire jordanien l’a condamné à 22 ans de prison pour fraude et abus de confiance. Alors que les américains cherchent une voie de sortie en Irak, le président du Congrès irakien dresse des obstacles devant l’envoyé spécial de Kofi Annan, Lakhdar Brahimi, qui veut former un gouvernement irakien pour la transition sans la participation des membres actuels du CIG. Ce retrait de confiance à un « délinquant financier » améliorera-t-il le taux de 7 % d’irakiens seulement qui considèrent les américains comme des libérateurs, selon un sondage réalisé le mois dernier par le Centre irakien de recherche et d’études stratégiques ? Pour les analystes, cette rupture unilatérale permet aux Etats-Unis de se démarquer d’un ancien allié devenu encombrant à la veille du transfert de souveraineté à Baghdad. Tous les irakiens savent maintenant que c’est l’entourage de Chalabi qui a fourni des informations sur les armements irakiens qui ont « justifié » l’intervention militaire. Certains analystes n’excluent pas de voir dans ce délestage un calcul des faucons : le libérer de son image de marionnette pour qu’il se présente en « patriote ».

En Irak, les violences se poursuivent dans les villes saintes de Kerbala et Najaf, au sud de Baghdad, avec leurs lots de morts et de blessés. Plus de 10 civils ont été tués, dont un technicien de la chaîne Al Djazira. Les Américains, qui découvrent de nouveaux sévices, libèrent 350 prisonniers à Abou Ghraïb et ouvrent un nouveau front anti-Moktada Sadr. Ils ont arrêté plus de 15 de ses partisans. Madrid, comme annoncé, retire ses 1 400 militaires d’Irak.

Par Djamel Boukrine, Le Matin