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La délinquance juvénile en Algérie

mercredi 1er septembre 2004, par Hassiba

Une étude réalisée par la Gendarmerie Nationale sur la base de statistiques de l’ONS (l’Office national des statistiques) a démontré une nette croissance de ce problème inquiétant auquel est confronté l’Algérie.

Une augmentation alarmante a été enregistrée sur le nombre des crimes commis par les mineurs des deux sexes en l’an 2000, soit 9 208 affaires. Définir ce phénomène est une tâche difficile et arbitraire vu la diversité de ses délits et le degré de leur gravité. C’est l’ensemble des infractions commises par des enfants et des jeunes de moins de 18 ans

« la délinquance juvénile doit être distinguée de la délinquance des adultes dans la mesure où le jeune délinquant est une personnalité en formation et en cours de socialisation alors que le délinquant adulte possède une personnalité déjà affirmée dans la société, donc moins susceptible de transformation ». A l’âge de l’adolescence, l’enfant traverse de l’enfance à l’adulte en passant par une période de vie très sensible où il est confronté à toutes les contradictions sociales du monde adulte qui représente un élément frustrant pour l’adolescent. « C’est la situation de l’individu marginal, placé à l’intersection de deux groupes dans une sorte d’un entre-deux groupal conséquence de l’organisation des sociétés », selon K. Lewin.

Toutefois, dans les anciennes civilisations, l’enfant délinquant fut l’objet de sévères sanctions et de brutalités et même des sentences d’exécution en fonction de l’infraction commise sans prendre en considération l’âge et l’état de santé. Considéré comme un hors-la-loi ou un criminel, le coupable constitue un danger qu’il faut éliminer. Ces lois ont connu progressivement des changements qui ont permis aux jeunes délinquants d’être mieux traités et considérés comme des personnes malades qu’il faut prendre en charge et non des criminels. Pour cela, les Etats européens ont créé des centres de rééducation et de cure pour les jeunes délinquants dans lesquels veillent les spécialistes du domaine de l’éducation à dispenser des programmes de rééducation servant de références applicables à l’échelle mondiale.

La délinquance juvénile existe en Algérie depuis l’époque coloniale où le fléau a été considéré comme un « acte ayant une relation formelle avec les ennemis de la France ». Le code pénal français considérait tout jeune ayant une relation avec l’ALN comme coupable d’atteinte à la sécurité publique, un criminel, et même un terroriste qu’il faut mettre en prison ou éliminer. Notons que la rééducation des jeunes Algériens « délinquants » dans cette période était la mission des militaires en forme civile utilisant de différentes méthodes de torture. Par conséquent, l’Algérie a hérité d’une situation socioéconomique critique et plus de 300 000 adolescents sans contrôle parentale, livrés à eux-mêmes.

Le pays s’est retrouvé confronté à un immense problème de délinquance juvénile qui a permis l’enregistrement des chiffres en augmentation triplée vu que le nombre des affaires traitées, selon l’ONS, a augmenté de 10 119 dans la période de 1963 -1968 à 44 109 affaires entre 1972 et 1977. Ces statistiques démontrent que les problèmes socioéconomiques tels le chômage, la pauvreté et la déperdition sont toujours la cause de la délinquance juvénile. Cette croissance est restée enregistrée dans les années quatre-vingts, soit à 65 385 affaires traitées dans la période de 1979 à 1986 malgré le développement sensible enregistré dans certains niveaux socioéconomiques au cour de ces années.

La Gendarmerie nationale a procédé aux contrôle et suivi des comportements des personnes suspectes y compris les mineurs « victimes ou auteurs » de toute infraction. Des statistiques faites sur le nombre de mineurs arrêtés par la Gendarmerie nationale entre 1998 et 2003 ont compté plus de 17% soit à 33 551 mineurs auteurs et victimes par rapport au nombre globale des personnes arrêtées durant les six dernières années. L’étude a démontré clairement que le nombre de mineurs victimes est de 45%, soit à 15 160 est presque égal au nombre de mineurs auteurs, 55% soit à 18391. Par cette même observation, il a été constaté que le taux des mineurs victimes augmente de plus en plus, « ceci revient au manque d’éducation des parents, leur ascendance sur leurs enfants et la perdition scolaire. L’absence d’une politique de prévention ne fera qu’augmenter le chiffre et si aujourd’hui nous avons affaire à des mineurs inoffensifs, demain, la société sera confrontée à de véritables criminels ».

En ce qui concerne la participation des mineurs à la commission des infractions, ayant une relation avec le crime organisé dans la contrebande et la commercialisation, détention et usage des stupéfiants de différentes catégories, le phénomène a connu une propagation alarmante. C’est un phénomène qui existe beaucoup plus dans les villes frontalières. Les mineurs sont souvent utilisés par les contrebandiers pour faire passer des marchandises « d’une manière illicite ». Selon la Gendarmerie nationale, ces mineurs sont recrutés pour éviter d’attirer l’attention des services de sécurité. D’après les statistiques, on constate que le nombre des mineurs auteurs est très important durant ces six dernières années : 135 mineurs en 1998, 438 en l’an 2000 à 132 en 2003. Des mineurs sans activités et autres scolarisés ont été arrêtés en possession des quantités de drogues, notamment le cannabis et les psychotropes dont 104 affaires ont été enregistrées durant l’année 2003.

Certaines wilayas sont touchées plus que d’autres par la délinquance juvénile. Les mineurs entre victimes et auteurs sont plus mis en cause dans les wilayas d’Oran, Alger et Batna. A Oran, les statistiques ont enregistré 202 cas durant l’année 2002. Les causes de ces problèmes sont liées à la forte densité de la ville, le taux de chômage, l’échec scolaire ainsi que par la prolifération des affaires criminelles dont les mineurs sont impliqués dans le vol, les agressions et les mœurs. La capitale a enregistré à son tour 179 cas pour les mêmes facteurs et les mêmes infractions. La ville de Batna a connu à son tour 138 cas de criminalité en l’an 2002, et ce bien qu’elle préserve encore ses traditions et ses coutumes et malgré la faible densité de sa population par rapport aux deux autres wilayas. L’ONS a réparti le chiffre de mineurs impliqués dans la délinquance à travers les wilayas du pays durant l’année 2003 pour enregistrer que le problème a augmenté d’un tiers par rapport à l’année écoulée. Selon d’autres chiffres, on a constaté que le taux des mineurs de sexe masculins (97%) est dominant sur le sexe féminin (3%). Donc le fait criminel est bien répandu dans la catégorie masculine.

D’après les statistiques de l’ONS, on a pu observer que les mineurs délinquants ont été victimes de plusieurs délits surtout en ce qui concerne « les atteintes à la pudeur » qui sont d’un taux de 26% se manifestant dans diverses infractions telles que le viol, l’inceste et l’incitation des mineurs à la débauche. Le deuxième chiffre enregistré est d’un taux de 24%. Il s’agit de CBV notamment de la violence parentale ainsi que les agressions. Le vol est l’activité illicite la plus réputée chez les jeunes délinquants, soit 44% du nombre global.

Face au fléau de la délinquance juvénile, la justice a fait beaucoup de démarches et a consacré d’énormes efforts pour diminuer ou se débarrasser de ce fardeau. Le traitement judiciaire des mineurs délinquants obéit à des considérations sociales et psychologiques et justifie le droit spécifique applicable. Selon la Gendarmerie nationale, le problème nécessite des mesures préventives, des mesures répressives ainsi que des mesures de suivi. Les mesures préventives se concrétisent dans la relation « quantitative et qualificative » entre l’enseignement, les organisations de jeunesse, l’assistance à la jeunesse et l’administration de la justice pénale pour constituer un maillon préventif de la chaîne de sécurité.

Les mesures répressives visent à inciter tous les départements à participer d’une manière active à la réflexion concernant « le droit de sanction en matière de délinquance juvénile ». D’autre part, des mesures de suivi sont indispensables. Il s’agit de « l’intégration sociale de personnes et de groupes de population en marge ou exclus de la société. C’est une condition supplémentaire à la réussite d’une politique de sécurité ». La victime ne doit pas avoir le sentiment d’être utilisée mais doit se sentir reconnue et accompagnée dans ce processus.

D’après les chiffres donnés et les cas de délinquance juvénile étudiés par la Gendarmerie nationale, tout citoyen algérien doit prendre conscience de la gravité de ce problème socioéconomique qui hante nos maisons et menace notre avenir social. Les efforts consacrés à ce fardeau doivent se multiplier pour atteindre le but ainsi que la politique préventive doit être bien pensée et étudiée au moins pour limiter les dégâts.

Document de la Gendarmerie nationale (Mai 2004)
Radia Zerrouki, La Nouvelle République