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Une année pour un pétrole orienté à la baisse

lundi 3 janvier 2005, par Hassiba

Le niveau élevé du prix du baril en 2004 pousse les analystes à être très prudents dans leurs prédictions pour l’année 2005.

La plupart des économistes croient cependant que les prix risquent de demeurer plus élevés que ceux avec lesquels nous étions autrefois habitués. « On estime que la juste valeur du baril de brut se situe aux environs de 35 dollars », a déclaré un économiste de la Banque de Montréal. A son avis, les prix actuels (près de 45 dollars) reflètent toujours une prime de risque liée à la situation géopolitique au Moyen-Orient et ailleurs. La volatilité continuera d’être au rendez-vous. Un économiste de la Banque nationale canadienne travaille avec l’hypothèse que le prix d’équilibre se situe autour de 35 dollars. « A ce niveau, c’est de toute façon un très, très bon prix », fait-il remarquer. Il croit que la spéculation devrait s’atténuer avec le temps.Beaucoup estiment que les cours du pétrole vont demeurer élevés, en tout cas en dollars américains. La diminution du nombre de zones productrices de pétrole entraînera un retour du rôle régulateur des marchés qu’est l’OPEP au cours des deux prochaines années. Pour cela, les analystes s’accordent sur une légère baisse mais pour se stabiliser à un niveau supérieur à celui de la fin des années 1990 en dollars courants.

Ainsi, l’Institut français du pétrole prévoit trois scénarios. A court terme, les facteurs décisifs dans l’évolution des prix sont la croissance de la demande, le taux d’utilisation des capacités de production et de raffinage et les facteurs exogènes (géopolitiques, conditions climatiques hivernales dans l’hémisphère Nord, événements ponctuels comme les ouragans dans le golfe du Mexique). Quel que soit le scénario retenu, la production non-OPEP devrait maintenir une croissance globale de 1 million de barils par jour (mbj) par an en 2005 pour atteindre 50 à 51 mb/j et la demande sera toujours vigoureuse dans un contexte géopolitique tendu.

Pour l’IFP, le scénario de référence sera la poursuite de la tendance actuelle. Dans ce cas, aucune perturbation des approvisionnements physiques n’est observée. « La situation se normalise au Venezuela, l’Irak conserve un volume d’exportations au moins égal à celui du début de l’année 2004, la situation interne de l’Arabie saoudite reste stable. Les conditions climatiques de l’hiver 2004-2005 sont normales aux Etats-Unis et en Europe. Le marché gazier américain bénéficie de niveaux de stockage suffisamment élevés pour conserver le prix du gaz en deçà de 6 dollars/MBtu. La demande pétrolière mondiale conserve un rythme de croissance soutenu de l’ordre de 1,5 mb/j, mais inférieur à celui des 12 derniers mois, traduisant les premiers signes de réaction à la période de prix supérieurs à 35 dollars (WTI) depuis plus de 8 mois. Le pic de consommation hivernal s’établit entre 82 et 83 mb/j si une saisonalité normale est respectée. La saturation des capacités de l’OPEP, en dépit d’un ultime effort de la part de l’Arabie saoudite qui produit près de 10,5 mb/j, ne permet toutefois pas de reconstituer les stocks de brut et de produits raffinés au-delà des niveaux moyens des 4 à 5 dernières années ». La prime de risque associée aux facteurs géopolitiques tend à diminuer, mais le marché demeure susceptible de réagir avec nervosité à tout imprévu.

Le prix du baril de brut (WTI) évolue dans une fourchette de 35 à 40 dollars. L’IFP affine aussi un scénario de crise qui provoquera un nouveau choc pétrolier. L’hypothèse de départ est que l’un des grands pays exportateurs est l’objet d’une déstabilisation majeure affectant durablement les volumes exportés : « Attentats visant les infrastructures pétrolières [pipelines reliant les principaux terminaux d’exportation, sites de production, tankers] en Arabie saoudite, chaos généralisé en Irak », grève générale au Nigeria... Les stocks pétroliers dans les grands pays consommateurs atteignent des niveaux très bas. En dépit de l’utilisation concertée d’une fraction des stocks stratégiques, le prix du baril atteint les valeurs synonymes de choc pétrolier en 1979-1982, soit 80 dollars de 2003.

Le troisième scénario de l’IFP est celui de l’atterrissage en douceur. Pour qu’il se réalise, il faudrait qu’au cours de 2005, « aucun événement ne perturbe la production et les exportations des grands pays producteurs. La Chine, principal pilier de la croissance mondiale et asiatique en particulier, voit sa demande énergétique ralentir fortement sous l’effet de plusieurs facteurs internes ». La demande pétrolière aux Etats-Unis stagne, répondant retardement aux hausses de prix des derniers mois. Les autres pays occidentaux et les pays asiatiques suivent. La croissance de la demande pétrolière mondiale s’établit à environ 1 mb/j. Le retour de capacités de production excédentaires au sein de l’OPEP, de l’ordre de 2% des capacités mondiales, et une certaine reconstitution des stocks dans les pays de l’OCDE, ramènent le prix du baril (WTI) vers 30 dollars. La tendance baissière par rapport à 2003 et début 2004 relance le débat de l’objectif de prix de l’OPEP et des tensions internes à l’organisation dans l’attribution et le respect des quotas de production. La question des capacités de production n’est plus jugée prioritaire à court terme. C’est ce scénario que semble privilégier Chakib Khelil, ministre de l’Energie.

Mais si chacun des trois scénarios présentés par l’IFP propose une vision cohérente et simplifiée du champ des possibles, « l’histoire enseigne que le marché pétrolier subit l’influence de facteurs multiples et, pour certains, indépendants et qu’il peut évoluer très rapidement d’une situation d’abondance à une situation de pénurie et vice versa », prévient l’institut. Aussi l’IFP prévoit que l’année 2005 pourrait connaître des périodes relevant de ces trois scénarios. Il reste à espérer que nous saurons éviter le scénario de choc pétrolier. Pour l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande mondiale ne devrait progresser que de 1,8% l’an prochain, ce qui correspond à un retour à la normalité par rapport à 2004. Ainsi, l’AIE pronostique un fort repli des prix du baril d’ici à 2006 vers 30 dollars avant de refluer à 22 dollars.

Sauf surprise majeure, le prix du baril devra baisser lentement mais sûrement durant l’année 2005 tout en se maintenant au-dessus des 30 dollars. Pour les pays exportateurs, cette baisse sera une mauvaise nouvelle surtout si elle est accompagnée d’un dollar faible.

Par Amine Echikr, La Tribune