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Yasmina Khadra chante les sacrifices d’une Algérie promise

dimanche 21 septembre 2008, par Rédaction

Avec « Ce que le jour doit à la nuit », Yasmina Khadra délivre enfin le roman qui manquait à l’Algérie contemporaine.

L’écrivain Yasmina Khadra chante les sacrifices d’une Algérie promise.

Ce que le jour doit à la nuit est d’abord le roman d’une vie. Celle de son auteur. Plus de vingt ans que Yasmina Khadra portait cette histoire en lui. L’écrivain se considérait-il jusqu’alors trop jeune et inexpérimenté pour parler de sa terre après son maître, Albert Camus ? Sans aucun doute. Mais plus maintenant. Son Algérie à lui, il la sait réelle sous sa plume, non rêvée. Mais cette histoire nous raconte aussi la vie de Younes. Fils de paysan dépossédé de ses terres ancestrales, forcé de rejoindre la misère d’un quartier d’Oran dans les années 1930, et dont l’on confie l’éducation à son oncle pharmacien. Un homme aisé, marié à une Française. Rebaptisé Jonas, le gamin découvre alors l’Algérie des colons. Tout un univers privilégié dont il ne soupçonnait même pas l’existence, encore loin, à l’époque, de la montée du nationalisme arabe. Et s’intègre au milieu de ceux qu’on appellera plus tard les Pieds-noirs. « Ceux-là même auxquels j’ai voulu dire combien je les aimais et dont l’Algérie est aujourd’hui si orpheline », explique Yasmina Khadra. Car à travers le parcours de Younes-Jonas, l’auteur de L’Attentat et des Sirènes de Bagdad se penche sur l’histoire de la tragédie algérienne.

Sur un « tabou », considère-t-il, qui aveugle notre regard sur les années 1930 à 1962, de la jeunesse insouciante de Younes-Jonas justement, au bain de sang. L’Algérie de Khadra est entière, « pour tous, telle qu’elle a vraiment été à cette époque, avec ses hauts et ses bas, ses misères et ses fortunes, ses chances et ses déveines », estime l’écrivain des Hirondelles de Kaboul. Avec un regard lucide et un recul salutaire, Ce que le jour doit à la nuit présente les qualités d’une fresque fidèle et saine des liens historiques entre l’Algérie et la France. « Je voulais un récit qui ne soit pas à l’étroit derrière des oeillères faites de haines et de rancunes. Tous les autres livres sur cette question se sont toujours dressés comme des barricades entre les deux peuples . » Ce que le jour doit à la nuit les fait tomber. Le moment venu, quand la guerre entre insidieusement dans la vie de Jonas, logiquement, celui-ci ne parviendra pas à choisir entre ses origines ancestrales et son attachement aux Pieds-noirs. Son créateur lui-même n’a-t-il pas fait le choix de la double culture franco-algérienne ? Lui, Khadra, l’Algérien, qui écrit en langue française. Chant d’amour à son pays d’origine, à travers la passion d’un Algérien pour une Française, de la France et de l’Algérie pour une même terre, Ce que le jour doit à la nuit interroge enfin : pourquoi tant de douleurs et de chagrins quand on partage le même amour ? « L’Algérie a toujours été plurielle avec ses Pieds-noirs, Algériens, Français, Espagnols, Grecs, juifs, berbères, touaregs... C’est quand on essaie de la réduire à une seule identité qu’elle s’effrite. »

_ D’après La Voix du Nord