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Qui contrôle Sonatrach ?

dimanche 20 février 2005, par Hassiba

En Algérie, Sonatrach qui fait l’objet de convoitises, est devenue une nébuleuse autour de laquelle gravitent une somme d’intérêts contradictoires, des luttes pour la défense ou l’accès à des privilèges.

Aujourd’hui, Sonatrach qui vient d’être critiquée sévèrement par le chef de l’État pour certaines de ses décisions, allusion à des crédits extérieurs chers qu’elle a contractés et absence de transparence dans certaines de ses opérations, donne une image du fonctionnement du système politique actuel caractérisé par la lutte de clans au sein du pouvoir. En fait, la colère du président de la République contre Sonatrach n’est pas du “cinéma”. Il y a bien eu une circulaire Ouyahia datée de juillet 2004 rappelant à l’ordre les entreprises publiques, visant le secteur pétrolier. Et qui dit secteur pétrolier dit Sonatrach et ses filiales. Mais le chef de l’État n’est-il pas aussi responsable de la gestion de la Sonatrach ? En effet, le ministre de l’Énergie, dans ses explications à la presse, a fait valoir, à des fins de marketing de l’image de Sonatrach, que l’État la contrôle à travers le conseil d’administration et l’AG. Cette dernière, présidée par le ministre de l’Énergie, compte comme membres le ministre des Finances et d’autres représentants de l’État tels que celui de la Banque d’Algérie.

Après le démantèlement de l’équipe Bouhafs, Bouteflika contrôle-t-il Sonatrach ?
Pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur de Sonatrach, il faut savoir que l’une des premières actions du chef de l’État durant son premier mandat a été d’avoir la mainmise sur la rente pétrolière en nommant Khelil ministre de l’Énergie. De la même région, les deux hommes se sont connus et appréciés à l’époque de Boumediene. Khelil a fait partie au même titre que Bouteflika du comité préparatoire et de la délégation qui a contribué au succès du 1er sommet de l’Opep tenu à Alger dans les années 70. Khelil était l’homme de confiance du Président lorsque Bouhafs était P-DG de Sonatrach. L’opposition de Bouhafs au projet de loi sur les hydrocarbures allait accélérer les changements à Sonatrach. Khelil devient alors P-DG de l’entreprise. C’est à partir de ce moment que commence à basculer le rapport de force au sein de Sonatrach. On reprochait également à Bouhafs sa proximité avec un clan de décideurs très puissants qui s’opposaient au projet de loi sur les hydrocarbures. Il était compétent.
L’ex P-DG avait constitué une équipe à la tête de Sonatrach très efficace. C’est Sonatrach qui va perdre une partie de sa matière grise avec les nominations de Khelil. Un à un, les pions de Bouhafs dans les centres de décision à Sonatrach vont être écartés.

La fronde contre le projet de loi sur les hydrocarbures allait entraîner la désignation d’un nouveau P-DG. Mais en restant ministre de l’Énergie, Khelil conservait la main sur Sonatrach. C’est lui qui a proposé le nom du nouveau patron de la compagnie pétrolière nationale. C’est également le ministre de l’Énergie qui propose au chef de l’État les vice-présidents. En somme, le chef de l’État nomme sur proposition du ministre de l’Énergie le P-DG et les vice-présidents de Sonatrach. Ce sont ces derniers qui composent principalement le conseil exécutif, l’instance de décision au sein de la compagnie nationale. L’actuel P-DG a été, notons-le, le proche collaborateur de Khelil au ministère de l’Énergie. En résumé, le chef de l’État contrôle Sonatrach via Khelil. À ce titre, le président Bouteflika n’est pas à l’abri de reproches sur la gestion de Sonatrach.

La main de la présidence
La nomination la plus récente est celle du vice-président chargé de l’exploration production, un poste stratégique. Un responsable proche de Bouteflika et Khelil. L’investiture du chef de l’Etat et la nomination de Khelil à la tête du secteur de l’énergie ont permis à la présidence de reprendre le contrôle de Sonatrach. Aujourd’hui, chaque marché de Sonatrach doit passer par la procédure d’appel d’offres. L’apport du ministre de l’Énergie actuel, dont la compétence est reconnue, a été décisif dans les succès et les résultats positifs de Sonatrach depuis 2000. C’est lui qui a accéléré les changements dans le secteur afin que Sonatrach puisse être compétitive avec les grandes compagnies dans le monde.
Mais, actuellement, certains directeurs de Sonatrach ont des accointances avec des hommes puissants au sein du pouvoir. Des décisions reflétant des intérêts personnels et non pas les intérêts de la compagnie ont échappé au filet. C’est à cela que le chef de l’État faisait allusion en lançant son avertissement à Sonatrach.

Par N. Ryad, Liberté