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L’impossible prédiction des séismes

vendredi 25 février 2005, par Hassiba

Les scientifiques sont capables d’annoncer le réveil d’un volcan, à condition de l’avoir équipé d’instruments de mesure. Ils peuvent aussi évaluer le risque sismique de certaines régions du globe où s’affrontent les plaques de la croûte terrestre, à partir de leurs déplacements et de leur histoire.

Entrent en jeu dans leur analyse trois facteurs : l’histoire tectonique de la zone étudiée ; l’intervalle de temps à peu près constant qui sépare deux séismes importants ; la surveillance de ces morceaux de faille - les "lacunes" - apparemment calmes mais accumulant en fait de l’énergie, qui, un jour, engendrera un tremblement de terre.

Malgré cela, prévoir la date et l’heure à laquelle se produira un séisme est aujourd’hui encore utopique. Certes, les experts ont connu quelques succès dans ce domaine grâce à l’observation de quelques phénomènes comme le comportement des animaux, la concentration en radon - un gaz radioactif - des eaux souterraines proches d’une faille active, le soulèvement du sol de plusieurs dizaines de centimètres à l’approche d’un tremblement de terre ou encore la détection de petits séismes précurseurs de tremblements de terre de grande ampleur. Mais ces réussites sont rarement transposables et donc exploitables.

Dans les années 1980, trois physiciens de l’université d’Athènes, Panayotis Varotsos, Kessar Alexopoulos et Kostas Nomicos, ont bien tenté d’élaborer une méthode de prédiction - appelée VAN, d’après leurs trois initiales - fondée sur la détection des anomalies électromagnétiques générées dans le sous-sol avant un séisme. Bien que les promoteurs de cette technique aient connu un certain succès, les géophysiciens s’en méfient. "Sa validité pour faire des prédictions n’a pas été prouvée à partir d’une démarche scientifique sérieuse", estime Rolando Armijo, physicien en tectonique à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP).

"Actuellement, précise ce spécialiste, nous essayons de détecter certains phénomènes pour voir si nous pouvons mettre en évidence des relations fiables." Des recherches sont ainsi menées sur les perturbations ionosphériques provoquées par un séisme ou un tsunami. "Les ondes de surface générées par un tremblement de terre compriment en effet l’atmosphère, en particulier sa partie ionisée, l’ionosphère", explique Philippe Lognonné, directeur du département des études spatiales à l’IPGP. Ces ondes se déplacent du sol vers l’atmosphère à une vitesse de 350 m/s. De même, les tsunamis génèrent une onde atmosphérique de gravité qui monte plus lentement - 50 m/s - et qui perturbe la partie basse de l’ionosphère.

Dans le passé, plusieurs satellites, Cosmos-1809 et Topex-Poséidon, ont enregistré de telles perturbations. Aussi, l’IPGP, en collaboration avec la société Noveltis, le California Institute of Technology (Etats-Unis), le Commissariat à l’énergie atomique et l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), s’intéresse-t-il de près à ces "signatures ionosphériques". Ces organismes font pour cela appel aux signaux du réseau GPS ou à des sondeurs ionosphériques.

Ces travaux ont permis de mettre en évidence plusieurs corrélations entre séisme et atmosphère. En particulier avec le tsunami qui a suivi le séisme du Pérou en juin 2001, avec le séisme qui a frappé en novembre 2002 l’Alaska et avec celui aussi de Hokkaido Tokacho-Oki en septembre 2003. Une piste parmi d’autres. Les chercheurs attendent en effet beaucoup de l’utilisation de Nostradamus, le futur radar transhorizon de l’Onera, qui observera toute la Méditerranée. Mais, prévient Philippe Lognonné, "nous n’en sommes encore qu’au stade de la recherche fondamentale".

De son côté, le satellite Demeter, lancé en juin 2004 par le Centre national d’études spatiale (CNES), suscite quelques espoirs. Chargé de détecter d’éventuels signaux électriques et magnétiques de la haute atmosphère liés aux séismes et aux éruptions volcaniques, cet engin a enregistré de surprenantes variations de l’ionosphère terrestre neuf heures avant le séisme qui a ravagé Sumatra. D’autres signaux précurseurs d’un séisme ont été également observés dans quatre à cinq cas.

"De tels signaux sont-ils significatifs ? On ne peut répondre avec certitude aujourd’hui. Beaucoup de travail reste à faire pour trancher. Mais cela ne pourra être fait avant la fin de la mission, prévue dans deux ans", explique Pascale Ultré-Guérard, responsable du projet Demeter au CNES. Faute de certitude, "il faut, dit-elle, rester prudent".

Par Christiane Galus, www.lemonde.fr