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Israël poursuit la colonisation contre l’avis de Washington

lundi 11 avril 2005, par nassim

Ariel Sharon est allé chercher chez George W. Bush un fort soutien à son projet d’évacuation des colonies de la bande de Gaza et de quatre implantations de Cisjordanie, programmé cet été et dont il a réussi à faire la priorité de l’agenda israélo-palestinien.

L’extrême droite israélienne multiplie les attaques contre son plan, et le menace de s’opposer par la violence à son application. Le premier ministre israélien juge que ce retrait constitue donc une concession suffisamment « douloureuse » pour que les États-Unis ferment les yeux sur un certain nombre d’obligations israéliennes fixées par la feuille de route. Cela jusqu’à l’automne, après qu’Israël aura achevé son redéploiement.

Pour calmer les inquiétudes de la frange la plus radicale de la population, opposée à son plan de retrait, le premier ministre ne cesse de répéter qu’en évacuant Gaza il s’agit en réalité de renforcer la mainmise israélienne sur la Cisjordanie. Ainsi, Ariel Sharon a notamment argué que son plan lui avait permis d’obtenir l’engagement des Etats-Unis de tenir compte des réalités constituées sur le terrain par les grandes colonies juives dans tout accord final avec les Palestiniens. En clair, les blocs de colonies les plus importants resteront en Israël.

Ariel Sharon a voulu voir dans ce geste américain un feu vert de l’Administration Bush à la poursuite de la colonisation en Cisjordanie. Pourtant, la feuille de route, le dernier plan de paix international soutenu par Washington, prévoit l’arrêt de la colonisation sur les terres occupées par Israël depuis 1967, où les Palestiniens comptent établir leur futur Etat. Le malentendu sur cette question n’a cessé de s’accentuer.

Des photographies aériennes, commandées par le ministère israélien de la Défense et publiées récemment, ont montré que la colonisation avait progressé à grands pas depuis l’été 2004, entraînant de discrètes réprimandes américaines. Un rapport officiel a également mis en lumière les moyens employés par les autorités israéliennes pour encourager et financer en sous-main la construction de colonies dites « sauvages » en Cisjordanie, jugées illégales même au regard du droit israélien. L’Administration de George W. Bush a prévenu que, si Israël ne respectait pas ses engagements de démanteler toutes les colonies sauvages construites depuis mars 2001, cela pourrait porter tort aux relations entre les deux pays et avoir un impact sur l’aide américaine à Israël.

Cela n’a pas empêché le gouvernement d’Ariel Sharon d’annoncer quelques jours plus tard la construction de quelque 3 500 nouveaux logements à Maalé Adoumim, où vivent 28 000 colons, sur les 240 000 que compte la Cisjordanie. Séparant les faubourgs arabes de Jérusalem-Est de la Cisjordanie, le rattachement de Maalé Adoumim à la partie orientale de la ville sainte, où les Palestiniens souhaitent établir leur capitale, compromettrait la continuité territoriale du futur État palestinien. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, a annoncé samedi qu’Israël n’avait pas l’intention de faire marche arrière, malgré les critiques américaines. L’expansion de colonies « n’a jamais besoin d’être accompagnée de tambours et de cymbales », a-t-il dit. Ajoutant que, « dans le principe, Israël considère les blocs d’implantation comme partie intégrante de l’État d’Israël. Il y a peut-être maintenant une autre manière de voir de la part de notre grand allié, mais cela n’était pas le cas jusqu’à une période récente ».

Les Palestiniens ont appelé George Bush à ne pas céder sur la question des colonies. « Nous espérons que le président Bush donnera un nouveau souffle à sa vision de deux États, en poussant Ariel Sharon à accepter un arrêt total de la colonisation », a dit le vice-premier ministre palestinien, Saëb Erakat. De son côté, Ariel Sharon insistera pour que les États-Unis exercent des pressions sur le nouveau président palestinien, Mahmoud Abbas, pour qu’il désarme les militants armés. Mahmoud Abbas, qui a arraché péniblement une période de calme aux groupes radicaux, se dit incapable de les désarmer et a choisi de les intégrer au sein de l’Autorité palestinienne. C’est insuffisant pour Ariel Sharon, qui continue d’insister pour que les Palestiniens démantèlent « l’infrastructure terroriste » avant de relancer le dialogue politique.

Par Patrick Saint-Paul, lefigaro.fr