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Le déséquilibre énergétique de la Terre confirmé

dimanche 1er mai 2005, par Stanislas

Nous ne sommes pas au bout de nos peines en ce qui concerne le réchauffement climatique. Une étude américaine supervisée par James Hansen, directeur du Goddard Institute for Space Studies (GISS/NASA), montre en effet que l’atmosphère terrestre absorbe actuellement plus d’énergie ­ 0,85 watt par mètre carré (W/m2) ­ en provenance du Soleil qu’elle n’en réémet vers l’espace.

Cela se traduit par un déséquilibre énergétique de la Terre, provoqué pour une grande part par les gaz à effet de serre (GES) que sont pour l’essentiel le gaz carbonique et le méthane présents dans l’atmosphère. Cette valeur paraît bien faible, car elle équivaut à un watt émis par une lampe électrique pour éclairer une surface d’un mètre carré. Mais les chercheurs, qui publient leurs travaux dans Scienceexpress du 28 avril, précisent qu’un "tel déséquilibre est élevé par rapport aux standards habituels de l’histoire de la Terre" . Avant les années 1960, ce chiffre ne dépassait pas quelques dixièmes de watt, rappellent-ils, mais, depuis 2000, le phénomène s’est emballé.

Au total, si on répartit cette valeur sur toute la surface du globe, on aboutit en 2100 à un réchauffement inéluctable de 0,6 ºC à taux de GES constant dans l’atmosphère. Or, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a déjà calculé que la température de la planète s’était réchauffée de 0,6 ºC depuis le début de l’ère industrielle. Il a prédit également grâce aux simulations un réchauffement supplémentaire de 1,4 ºC à 5,8 ºC d’ici à la fin du siècle. La hausse de 0,6 ºC calculée par James Hansen et son équipe est incluse dans cette dernière fourchette. "Ce déséquilibre est la preuve que nous recherchions, expliquent les chercheurs. Il montre que nos estimations de l’action de l’homme sur le climat étaient bonnes, et que nous entraînons la Terre vers un climat plus chaud."

L’équipe américaine a calculé cette valeur en effectuant plusieurs simulations avec le modèle climatique global du GISS. Ils ont aussi utilisé des mesures de températures des océans recueillies par les milliers de bouées installées dans les mers du globe. Les satellites altimétriques ont d’autre part fourni une information précise sur le niveau des mers.

Ces données maritimes, qui n’existaient pas il y a dix ans, sont importantes car elles mettent en évidence le rôle capital des océans dans l’inertie du système climatique. Les mers réagissent en effet beaucoup plus lentement que les continents à un réchauffement. Cela veut dire que l’énergie "stockée" dans les océans se traduira inévitablement à la fin du siècle par une montée des températures et du niveau des mers.

"VÉRITABLE DÉFI"

"C’est un travail intéressant qui montre que le déséquilibre radiatif constaté est en fait un réchauffement qui n’a pas encore eu lieu" , estime Hervé Le Treut, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique du CNRS.

"Cette étude américaine met en évidence une question capitale pour le réchauffement à venir : celle de l’inertie du système climatique. Une inertie largement liée à l’océan et aussi aux calottes polaires, explique Jean Jouzel, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace. J’ai beaucoup de mal à faire comprendre cette notion capitale qui sera au centre des prochains débats du GIEC. Cela signifie que nous subirons pendant longtemps les effets du déséquilibre énergétique actuel, même si on maintient les GES à leur taux d’aujourd’hui. Le niveau des océans continuera aussi à s’élever de 10 à 25 cm pendant plusieurs siècles. Si on ne stabilise pas le taux des GES, ce sera pire, car l’élévation sera de 40 cm par siècle. Aussi, l’idée que certains avancent, selon laquelle le recours à de nouvelles techniques pourrait minimiser les dégâts, est illusoire comparée à l’énorme énergie des océans."

"C’est donc un défi considérable qui attend l’espèce humaine, prévient le spécialiste français, membre du GIEC. Nous relâchons actuellement dans l’atmosphère 7 milliards de tonnes de carbone par an. Pour stabiliser la situation, il faudrait descendre à 2 milliards de tonnes. Cela plaide donc en faveur de l’Europe, qui souhaite limiter à 2 ºC l’augmentation de la température par rapport à celle qui prévalait avant l’ère industrielle."

Par Christiane Galus, lemonde.fr