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La tuberculose progresse en France

mardi 3 mai 2005, par nassim

C’est une France à deux vitesses que celle de la tuberculose.

Globalement, le

La tuberculose progresse en France.

nombre annuel de nouveaux cas est stable depuis 1997. "Plusieurs indicateurs témoignant d’une dégradation de la situation doivent cependant particulièrement attirer l’attention" , écrivent Didier Che et Dounia Bitar, de l’Institut de veille sanitaire (InVS), dans le numéro thématique du Bulletin épidémiologique hebdomadaire paru mardi 3 mai, entièrement consacré à cette maladie. En effet, si l’incidence de cette affection parmi les personnes de nationalité française continue de diminuer (moins 6 % par an depuis 1997), à un rythme moins rapide cependant, le nombre de nouveaux cas s’accroît fortement (8 % par an depuis la même date) chez les migrants. Il atteint des sommets chez les sujets originaires d’Afrique subsaharienne. La fréquence des formes de tuberculose résistantes aux traitements s’accroît également.

PRÉCARITÉ

Maladie fortement liée à des conditions de vie précaires, la tuberculose a vraisemblablement tué 100 millions de personnes dans le monde au cours des cent dernières années (Le Monde du 19 mai 2004). Et ce alors même que, à partir de 1940, un traitement était disponible. Près de 9 millions de nouveaux cas ont été recensés sur la planète en 2002. Dans le monde, une personne est infectée toutes les trois secondes.

En comparaison, la situation française pourrait passer pour rassurante. A tort. En 2003, 6 098 cas de tuberculose ont été déclarés en France, dont 5 987 en métropole. Cela représente un taux de 10,2 nouveaux cas pour 100 000 habitants. Mais la répartition géographique est très loin d’être homogène. Avec 24,8 cas pour 100 000, l’Ile-de-France présente un taux trois fois et demie supérieur au reste du pays (6,9 pour 100 000).

Paris (44,7 cas pour 100 000) et la Seine-Saint-Denis (32,5 pour 100 000) possèdent, et de loin, les taux les plus élevés. "La région parisienne dispose de tous les ingrédients pour évoluer dans les années à venir vers la situation qu’a connue New York au début des années 1990, qui a été depuis maîtrisée au prix d’une mobilisation exceptionnelle" , met en garde Jean-Claude Desenclos, responsable du département des maladies infectieuses à l’InVS.

Les ressortissants étrangers représentaient 43,9 % des cas recensés en 2003, alors qu’ils ne constituent que 6 % de la population vivant en France. L’incidence de la tuberculose en 2003 est treize fois plus élevée chez les personnes migrantes que dans le reste de la population. L’écart est encore plus flagrant chez les adolescents et adultes jeunes. Pour les 15-24 ans et les 25-39 ans de nationalité étrangère, les taux d’incidence sont respectivement de 105,5 cas et de 110 cas pour 100 000 individus, contre 3,7 cas et 4,7 cas pour les Français du même âge.

Les taux les plus élevés concernent les personnes originaires d’Afrique subsaharienne. Chez celles nées en France, le taux annuel de nouveaux cas était de 5,3 pour 100 000. Cette incidence atteignait 31,1 pour 100 000 dans la population née en Afrique du Nord et 177,7 pour 100 000 pour celle née en Afrique subsaharienne.

Des taux qui "n’ont jamais été aussi élevés" , soulignent Didier Che et Dounia Bitar. Les deux épidémiologistes de l’InVS s’inquiètent également de l’"augmentation de l’incidence chez les sujets de nationalité française de 0-14 ans en France métropolitaine hors Ile-de-France depuis deux ans" .

"PLUS GRANDE CIRCULATION"

A un degré moindre, la tuberculose touche d’autres groupes vulnérables. En 2003, 88 cas concernant des personnes sans logement ont été comptabilisés à Paris. Un nombre certes limité, mais ce sont des malades qui posent des difficultés de prise en charge, comme en témoigne le SAMU social qui, dans la capitale, met en œuvre une stratégie de prise du traitement antituberculeux devant un observateur.

Autre population particulièrement touchée : celle des détenus. Faute d’enquête plus récente, il faut se référer aux chiffres recueillis en 1995-1996 dans dix prisons de la région parisienne. On y dénombrait 215 cas pour 100 000 détenus, soit un taux douze fois plus élevé que la moyenne nationale à la même période. Malgré l’amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus, le placement en isolement des malades suscite souvent des tensions entre soignants et personnels pénitentiaires.

Comment expliquer cette détérioration de la situation dans certaines tranches de population ? Les épidémiologistes de l’InVS estiment que ces tendances "pourraient être expliquées en partie par l’immigration récente de patients infectés" . S’appuyant sur l’expérience des Pays-Bas, ils considèrent qu’"il n’est pas exclu que la situation épidémiologique concernant les sujets d’origine étrangère en France ne s’améliore pas dans les années à venir, malgré le renforcement des mesures de lutte antituberculeuse pour cette population" .

Pour expliquer la stabilisation de l’incidence au sein de la population française et son augmentation chez les 0-14 ans, l’InVS évoque "une plus grande circulation du bacille en France" .

Les autorités sanitaires françaises ont entrepris d’améliorer le suivi des traitements antituberculeux, mais aussi les enquêtes autour des cas individuels, la lutte contre cette maladie parmi les migrants ou encore l’information, jusqu’ici manquante, sur l’issue des traitements antituberculeux. C’est une tâche devenue urgente.

Par Paul Benkimoun, lemonde.fr