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Kaboul offre le grand pardon au mollah Omar

mardi 10 mai 2005, par Hassiba

Hamid Karzaï semble déterminé à mener à bien le processus de réconciliation nationale en cours en Afghanistan. Cette « réunification », il l’a promise à son pays en octobre, après avoir été élu président.

Hamid Karzaï

Rien ne saurait l’en distraire Ni l’inquiétante reprise de la violence, qui a frappé jusque dans Kaboul, à la fin de la semaine passée. Ni les timides réserves émises par les Etats-Unis sur l’ampleur de l’amnistie proposée aux talibans. Encore moins le refus des combattants réfractaires d’accepter la main tendue du président. Hier, le gouvernement afghan a lancé un nouvel appel aux rebelles, leur demandant de renoncer à la lutte armée et de rentrer gentiment chez eux, sans crainte d’être châtiés. « J’exhorte une nouvelle fois nos frères et nos soeurs qui continuent de se cacher à saisir la main de la fraternité et de l’unité », a déclaré Sibghatullah Mojaddedi, chargé par Kaboul de ramener au bercail les brebis égarées.

La nouveauté, c’est que des personnages comme mollah Omar, ancien leader spirituel des talibans, et le chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar, qui a fait cause commune avec les terroristes, au nombre desquels des éléments d’al-Qaida, sont invités à bénéficier du grand pardon. « L’amnistie inclut ces deux personnes, a confirmé Mojaddedi. Elles ne peuvent rien faire en tant qu’individus si tout le monde se rend autour d’elles. » Poursuivant : « Nous voulons la paix avec tout le monde, sans exception. Ils (le mollah Omar et Hekmatyar) n’ont qu’à déposer leurs armes, reconnaître la Constitution de l’Afghanistan et obéir au gouvernement. »

Le chef de la commission de la réconciliation nationale s’est-il laissé emporter par son élan ? Bien qu’aucun contour clair n’ait été défini pour cette amnistie à grande échelle, voulue par Karzaï, en accord avec Washington, il avait été dit que tous les militants ayant commis des atrocités ou collaboré avec al-Qaida en seraient exclus. Mollah Omar est d’ailleurs en haut de la liste des militants islamistes activement recherchés par les Etats-Unis. Il y figure en compagnie d’Hekmatyar, et surtout de son ancien « hôte », Oussama Ben Laden. Les forces de la coalition antiterroriste en Afghanistan, emmenées par les Américains, continuent leur traque dans l’est du pays, pour tenter de débusquer le trio.

« Washington soutient sans réserve le programme d’amnistie du gouvernement afghan, a indiqué hier le colonel Jim Yonts, porte-parole des forces américaines. Mais il ne s’agit pas d’une amnistie générale. » Ajoutant : « Ceux qui ont commis des crimes graves sont responsables de leurs actes et ne sont pas concernés par ce programme. »

Mojaddedi a également indiqué que le projet d’amnistie comprenait les prisonniers afghans détenus sur la base américaine de Guantanamo Bay, à Cuba, et en Afghanistan. « Nous avons trouvé un accord sur ce point avec nos amis américains », a-t-il dit.

Tout cela tombe bien mal. Avec la fonte des neiges, les terroristes reprennent leurs activités. Deux soldats américains ont été tués dimanche lors d’affrontements avec des rebelles dans la province de Laghman (est du pays), une région connue autant pour sa production d’opium que pour ses militants islamistes. Huit rebelles auraient trouvé la mort.

Plus inquiétant, les terroristes ont réussi à porter le fer au coeur de Kaboul. Un employé birman des Nations unies et un Afghan ont été tués lors d’un attentat suicide dans le cybercafé de la « Park Residence guest house ». Située dans le quartier de Shar-e-Naw, la petite pension avait pris de l’envergure depuis la fin 2001. Elle accueillait des employés d’organisations internationales, des hommes d’affaires... des journalistes. « Park Residence » avait ouvert le premier cybercafé dans le Kaboul de l’après-talibans. Une cible de choix pour les kamikazes islamistes. On s’attendait à ce que, tôt ou tard, « Park Residence » soit attaquée, on ne savait pas quand.

Et pourtant. La démocratie semble être résolument en marche en Afghanistan. Dimanche, Karzaï a présidé une mini Loya Jirga (Assemblée traditionnelle), visant à faire entériner la décision de prolonger la présence des troupes étrangères en Afghanistan. Le oui l’a emporté. « Nous avons besoin de l’aide des Etats-Unis, des troupes de l’Otan et des forces de la coalition jusqu’à ce que nous soyons en mesure d’assurer notre propre sécurité », a déclaré Javed Ludin, le porte-parole de la présidence afghane à l’issue de la réunion. Le président afghan tenait à consulter le pays avant de se rendre en Europe, cette semaine, et, un peu plus tard, aux Etats-Unis. Il devrait y discuter des modalités de cette présence militaire.

Par Marie-France Calle, lefigaro.fr