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L’énergie noire, force majeure de l’Univers, n’existerait finalement pas

jeudi 12 mai 2005, par Hassiba

Et si l’énergie noire, ce mystérieux effet lié à l’expansion accélérée de l’univers, n’existait tout simplement pas ? C’est en tout cas l’une des conclusions possibles d’une étude sur des amas de galaxies très lointains, effectuée par une petite équipe d’astronomes (en majorité français) à l’aide du télescope spatial européen XMM-Newton, observant le ciel dans les rayons X.

Amas de galaxies.

L’absence de matière noire serait une énorme surprise pour toute la communauté des cosmologistes, puisqu’elle va à l’encontre de l’avis général selon lequel l’Univers serait en expansion toujours accélérée, à cause d’une mystérieuse énergie noire présente en grande quantité dans l’Univers. Telle est l’une des conclusions possibles d’une toute récente étude menée par une équipe de chercheurs parmi lesquels des Français. L’autre conclusion possible de cette étude serait moins révolutionnaire, mais remettrait toutefois en cause les connaissances actuelles sur les amas, ces gigantesques concentrations de centaines de galaxies.

« Ma position me laisse mal à l’aise, avoue Alain Blanchard, cosmologiste à l’Observatoire de Midi-Pyrénées à Toulouse, et signataire de l’étude à paraître dans la revue Astronomy & Astrophysics. Je me retrouve dans la position de celui qui refuse les changements de paradigme. » Le paradigme cosmologique actuel date de 1998, quand une étude majeure sur les supernovae, ces étoiles qui explosent de manière cataclysmique en fin de vie, est arrivée à la conclusion étonnante que l’expansion de l’Univers - un processus en marche depuis le big-bang - ne se ralentissait pas, mais était au contraire en train de s’accélérer. Les astronomes ont baptisé « énergie noire » la mystérieuse force répulsive qui accélère l’expansion du cosmos, en parvenant à dépasser l’effet permanent de la gravitation qui tend à rapprocher tous les corps entre eux, et à ralentir l’étirement de l’Univers.

Malgré une confusion facile sur les termes, l’énergie noire n’a rien à voir avec la matière noire. La matière noire est l’appellation donnée à ce qui compose 90% de la masse de l’Univers, mais reste invisible dans les télescopes, contrairement aux étoiles.

D’après les conclusions d’Alain Blanchard et de ses coauteurs, l’Univers ne contiendrait pas d’énergie noire, serait donc dominé par la seule matière et n’aurait pas une expansion accélérée. Pour en arriver là, les astrophysiciens ont utilisé le télescope XMM-Newton de l’Agence spatiale européenne (ESA) pour étudier des amas de galaxie très lointains, distants de plusieurs milliards d’années-lumière.

En observant dans les rayons X ces regroupements de plusieurs centaines à plusieurs milliers de galaxies, les astronomes se sont aperçus qu’ils étaient baignés dans d’immenses nuages de gaz très chauds, à plusieurs dizaines de millions de degrés. Le principe de l’étude consiste à mesurer la quantité de ce gaz chaud par rapport à la masse totale de l’amas, sur des amas très lointains, qui ont émis la lumière que l’on observe aujourd’hui alors que l’Univers n’avait que sept milliards d’années. Ils comparent ensuite ces données pour des amas primitifs avec des amas très proches de nous, ayant eux l’âge de l’Univers actuel, soit 13 milliards d’années. Et, surprise, la fraction de gaz chaud dans les amas n’a pas changé depuis 7 milliards d’années. Cette conclusion ne peut s’expliquer qu’en prenant en compte des modèles dans lesquels l’Univers ne contient pas d’énergie noire, ou alors de manière moins dramatique en acceptant que les amas de galaxies ont des mécanismes internes bien plus compliqués que ce qu’on croyait aujourd’hui.

« J’ai tendance à penser qu’on est trop simpliste dans la manière de modéliser les amas, plutôt que de croire qu’on est face à une crise qui remet en cause le paradigme de la cosmologie », assure François Bouchet, directeur de recherche à l’Institut d’astrophysique de Paris.

« Ces résultats sont très surprenants, ils contredisent ceux que nous avions obtenus l’année dernière et qui allaient dans le sens d’un Univers dominé par l’énergie noire, estime pour sa part Steve Allen, astrophysicien à Stanford, en Californie, qui mène des études comparables sur des amas de galaxies à l’aide du télescope Chandra de la Nasa. Pour autant, je ne remets pas mes conclusions en cause. » Pour ce chercheur britannique installé en Californie, les différences entre ses résultats et ceux du groupe d’Alain Blanchard pourraient provenir de choix méthodologiques différents dans les deux équipes. Des études supplémentaires, avec un nombre d’amas plus significatifs que la petite dizaine étudiée par Alain Blanchard et ses collègues, devraient permettre de savoir qui a raison.

Par Cyrille Vanlerberghe, lefigaro.fr